Le mécanisme du renvoi préjudiciel
Au cours d'un litige, les juges nationaux des États membres peuvent saisir la CJUE afin de l'interroger sur l'interprétation ou la validité du droit européen.
S'agissant d'une question posée sur l'application même du droit européen, ce mécanisme favorise ainsi la coopération active entre les juridictions des Etats membres et la CJUE.
Il en existe deux formes :
- Le renvoi en interprétation de la norme européenne où il est demandé à la CJUE de préciser un point d'interprétation du droit européen, dans le but de pouvoir être correctement appliqué par le juge national ;
- Le renvoi en validité de la norme européenne où il est demandé à la CJUE de contrôler la validité d'un acte de droit européen.
Le renvoi préjudiciel constitue donc un renvoi "de juge à juge", selon une expression employée pour la première fois dans l'affaire Cohn Bendit. En effet, même si la demande peut émaner de l'une des parties au procès, seule la juridiction de l'Etat membre peut en prendre l'initiative.
Une fois saisie, la Cour de justice doit répondre à la question soulevée. Elle ne se prononce que sur les éléments constitutifs du renvoi préjudiciel, et non sur le fond du litige principal. Ce dernier reste à la discrétion du juge national, même si la réponse apportée aura le plus probablement une influence sur sa résolution.
Le renvoi en tant que système de dialogue et outil de coordination
Rappelons-le, dans le cadre d'un renvoi préjudiciel, le but de la CJUE est avant tout de donner réponse utile à la juridiction de renvoi pour l'aider à résoudre le litige dont elle est saisie, et ce, dans la perspective d'une harmonisation du droit communautaire. Par la-même, la réponse donnée s'étend donc à toutes les affaires similaires.
Pour les juges, il faut avant tout coordonner les interprétations données pour coordonnées les effets des décisions rendues, et ce dans deux cas d'interactions possibles :
- Lorsque la question posée porte spécifiquement sur la coordination (connexité),
- Ou lorsque la question posée soulève des problèmes de coordination des normes à interpréter (le droit interne est-il conforme à celui de l'Union européenne, aux traités..?)
Aussi, le schéma de communication est-il constamment enrichi par des éclaircissements jurisprudentiels et bénéficie de profonds renouvellements.
A titre d'exemple le délai moyen de traitement d'une question préjudicielle est normalement d'environ un an, du aux problèmes de traductions. Mais avec l'instauration de nouvelles procédures dites "accélérée" et "d'urgence", les délais passent respectivement à 4 et 2 mois. Ainsi, la question se trouve rapprochée de la réponse, ce qui favorise d'autant plus le dialogue entre les institutions judiciaires.
L'invitation toujours plus pressente au dialogue s'explique pour des raisons de célérité, mais également en considération des spécificités des domaines en cause (immigration/pénal), plus ou moins sensibles selon les valeurs en jeux.
Néanmoins, le dialogue des juges connait aussi ici ses limites car il ne s'agit pas d'un simple échange de point de vue. Effectivement, de par se force obligatoire, la vision de la CJUE s'impose à la juridiction de renvoi, mais également à toutes celles des Etats membres, et non l'inverse. Nous somme donc en présence d'un dialogue bilatéral échappant à ces dernières. Il faut en outre rappeler à ce titre qu'aucun pays de l'UE n'a de monopole d'interprétation par le truchement de ses juges.