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Vous avez un titre de séjour "étudiant", vous êtes en thèse mais vous travaillez en tant que stagiaire ou en CDD, de manière accessoire, dans un laboratoire, au sein d'une galerie d'art ou dans une société privée, à temps partiel nécessairement, puisque votre statut d'étudiant vous y autorise. Vous résidez en France depuis plusieurs années.
Vous vous interrogez tout logiquement sur la possibilité de déposer votre dossier de naturalisation car vous découvrez sur les forums Internet plein d'informations prometteuses que des dossiers d'étudiants doctorants soient désormais traités avec plus de bienveillance par l'administration.
Est-ce vraiment le cas ? Un petit recadrage juridique s'impose.
La naturalisation par décret implique qu'un candidat à la nationalité française soit assimilé en France socialement et qu'il soit, surtout, inséré professionnellement. Autrement dit, outre vos diplômes de Master II obtenus en France, l'administration va surtout s'intéresser à votre degré d'insertion professionnelle.
Vous avez votre Master II et vous travaillez en subvenant par vous-mêmes à vos besoins en France. Le logement est loué à votre nom et vous déclarez vos impôts en France. Sachez que dans 99% des cas ces circonstances ne seront pas suffisantes pour obtenir la naturalisation par décret.
Il faut savoir qu'en règle générale, la Préfecture donne l'avis positif si et que si vous avez obtenu le changement de statut, c'est à dire, vous avez obtenu l'autorisation de travail à la suite de quoi le titre de séjour "salarié" vous a été délivré par la Préfecture.
Le changement de statut, c'est à dire, le passage au statut salarié change radicalement la qualité de votre dossier de naturalisation. Votre insertion professionnelle est, dans ce cas-là, ne soulèvera pas de doute et vos revenus français seront considérés comme stables par l'administration.
Dans le cas contraire (si vous êtes toujours étudiant même travaillant et subvenant à vos propres besoins), l'administration vous répondra que votre insertion professionnelle n'est pas avérée et que la source de votre revenu est précaire.
La jurisprudence du Tribunal judiciaire de Nantes reste globalement défavorable aux demandeurs étudiants qui tentent leur chance en déposant un dossier de naturalisation avant le changement de statut (en cours de leur thèse ou en cours de leur APS). Le Tribunal judiciaire de Nantes considère même que la présence d'une famille en France (frères et/ou s?urs français) ne change rien car le demandeur est une personne majeure.
Mais il existe quelques rarissimes exceptions.
La circulaire du 16 octobre 2012 émanant du Ministre de l'intérieur donne un certain nombre d'indications et de recommandations aux Préfets dans leur appréciation des situations personnelles des étudiants candidats à la nationalité française. Cette circulaire est téléchargeable sur l'Internet.
Concrètement, la circulaire prévoit qu'il convient "d'apprécier avec discernement la situation de tous les candidats qui présentent un potentiel élevé pour notre pays", qu'il convient "d'apprécier la situation de chacun (stabilité de l'installation en France, revenus, intérêt de la spécialité et qualité de candidature au vu des travaux, publications, lettres de recommandations)" et, enfin, qu'il convient de porter un regard bienveillant aux élèves de grandes écoles (Ecole Polytechnique, Ecole normale supérieure etc).
Le leitmotiv de la Circulaire est le suivant : il faut étudier la situation de chaque personne dans sa globalité et ne pas rejeter systématiquement des dossiers d'étudiants étrangers, d'autant plus que si ces étudiants viennent des grandes écoles et qu'ils ont parcours exceptionnel.
Quelle est la valeur de cette circulaire ? Est-ce qu'un étudiant peut s'en prévaloir pour contester la décision de refus ou d'ajournement ?
Il faut savoir que le Préfet n'a aucune obligation légale de suivre les préconisations et recommandations stipulées dans la Circulaire du 16 octobre 2012. Le Préfet a un pouvoir discrétionnaire dans l'appréciation de votre candidature et de votre parcours. La circulaire n'a pas de valeur réglementaire (obligatoire) mais seulement une valeur "persuasive".
Autrement dit, si vous avez reçu la notification de refus de votre demande de naturalisation, vous ne pourrez pas invoquer les critères mentionnées dans la Circulaire (même si vous les remplissez parfaitement) pour fonder votre recours en annulation de la décision de refus.
Les décisions de justice rendues en matière de contentieux de nationalité par le Tribunal judiciaire de Nantes précisent systématiquement que la Circulaire du 16 octobre 2012 ne crée pas le droit à la naturalisation pour les étudiants étrangers et n'impose aux Préfets aucune obligation d'appliquer les critères préconisées par la Circulaire.
Vous avez droit de demander la naturalisation en tant qu'étudiant au niveau de Master II ou en cours d'une thèse.
Sachez seulement que le fait que vous travaillez en CDD (ou en tant que stagiaire le cas échéant) n'impliquera en aucun cas la décision favorable. Dans la quasi-totalité des cas les Préfets rejettent les dossiers de naturalisation déposés par les étudiants étrangers et ce malgré les termes encourageants du Circulaire du 16 octobre 2012.
Les statistiques sont sans équivoque sur ce point : les demandes de naturalisation des étudiants entraînent un refus dans les 99% des cas.
Si vous êtes étudiant en thèse ou en Master II, vous devez démontrez une "insertion professionnelle avérée". Autrement dit, vous devrez disposer d'une rémunération conséquente permettant d'être imposable en France, chose souvent impossible à faire lorsqu'on travaille à temps partiel.
Les naturalisations des étudiants restent donc véritablement exceptionnelles en pratique. Ce sont des rares cas des étudiants scientifiques qui publient leurs travaux de recherches dans des revues spécialisées reconnues puisque l'insertion professionnelle future de ces étudiants ne soulève pas de doute. Ce sont également des cas des étudiants en médecine qui, par définition, ont des CDD inhérents à leur statut. Mais cela peut être le cas d'un étudiant en littérature ... à condition d'avoir emporté le prix Goncourt au préalable !
Si vous vous êtes étudiant en Master II en droit, économie, gestion, sciences sociales ou en thèse, il convient de changer de statut, d'abord.
Dès que vous aurez votre carte de séjour portant mention "salarié", déposez votre dossier de naturalisation au plus vite. Dans une telle hypothèse, votre dossier aura de très bonnes chances d'aboutir en cas de CDI, bien entendu, étant précisé qu'un CDD ou même un contrat intérim ne sont pas éliminatoires avec la Circulaire du 16 octobre 2012 (art. 1-1 du Circulaire).
Bonne chance !
Anastasia ETMAN (...naturalisée par décret en 2010)
Avocat au Barreau de Paris
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