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Les phénomènes de dépôts illégaux de déchets sont fréquents sur le territoire français. Selon une étude de juin 2019, 63% des français ont été exposés à des déchets sauvages en zones urbaines et 61% en zones rurales (Etude réalisée par Market Invest pour Gestes Propres).
Outre les nuisances qu'ils génèrent pour le cadre de vie du voisinage, ces entreposages illégaux sont parfois susceptibles de porter atteinte à
l'environnement et à la santé publique en polluant les sols, les eaux ou l'air. Par exemple, des déchets amiantés, dont les particules se diffusent dans l'air, peuvent présenter un risque pour les habitants les plus proches.
Face à de telles situations, les riverains de déchets ne sont pas démunis. Le droit offre en effet plusieurs moyens d'action qu'il convient ici de mettre en lumière.
Au préalable, il est important d'opérer une distinction entre les dépôts de déchets, qui relèvent de la compétence du Maire, et les décharges, qui entrent dans le champ des pouvoirs de police du Préfet de département.
Une note technique élaborée le 29 juillet 201 5 par la Direction Générale de la Prévention des Risques (DGPR) du Ministère de la Transition Ecologique a défini des critères qui permettent de distinguer ces deux cas de figure et d'identifier l'autorité compétente.
Selon cette note, un dépôt sauvage de déchets se caractérise essentiellement par les critères suivants : dépôts ponctuels et de petite ampleur, absence de gestionnaire identifié du site, absence d'engins de chantier sur les lieux, etc. A l'inverse, on sera en présence d'une décharge lorsqu'un gestionnaire (de fait ou de droit) pourra être identifié, lorsque les apports de déchets sont fréquents et correspondent à des quantités plus importantes, ou encore si des engins de chantier sont identifiés sur la zone.
Le Maire est donc compétent pour les dépôts de déchets et le Préfet de département pour les décharges ; seule une situation de " péril imminent " peut permettre au Maire de s'immiscer dans les pouvoirs de police du Préfet.
Le Maire dispose d'un pouvoir de police " spéciale ", en matière d'abandon de déchets, prévu par l'article L. 541-3 du code de l'environnement. Au titre de cette police, il a ainsi la possibilité de mettre en demeure le producteur ou le détenteur des déchets (s'il est identifié) d'effectuer les opérations nécessaires pour remédier à la situation et de lui infliger une amende de 15.000 euros maximum.
En cas de non-respect de la mise en demeure, le Maire peut :
- Obliger le producteur ou le détenteur des déchets à consigner une somme entre les mains d'un comptable public, destinée à l'exécution des mesures.
- Faire procéder d'office aux opérations ou travaux nécessaires, aux frais du producteur ou du détenteur.
- Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages accueillant les déchets.
- Ordonner le versement d'une astreinte journalière (d'un montant maximum de 1.500 euros par jour de retard) jusqu'à exécution des mesures, ou le paiement d'une amende de 150.000 euros maximum.
Evidemment, le succès de ces mesures nécessite au préalable d'identifier le producteur ou le détenteur des déchets, ce qui n'est pas toujours chose aisée en matière de dépôts sauvages, constitués d'apports divers de déchets par une multiplicité de personnes. Cette tâche est cependant facilitée par des instruments juridiques récents (mise en place d'un dispositif de vidéo surveillance, verbalisation par vidéo, etc.).
En présence d'un auteur identifié de dépôt de déchets, le Maire est tenu de mettre en ?uvre ses pouvoirs de police. A défaut, le Préfet peut constater sa carence et se substituer à lui. Par ailleurs, l'inaction fautive du Maire engage la responsabilité administrative de la commune.
Lorsque l'entreposage de déchets présente les critères d'une décharge (cf. supra), c'est au Préfet de département qu'il revient de réglementer le site et d'édicter des sanctions administratives. Cela s'explique par le fait qu'au-delà d'un certain tonnage de déchets, c'est la réglementation applicable aux ICPE qui s'applique, dont l'autorité de police est le Préfet.
A l'instar des pouvoirs confiés au Maire en matière de dépôts, le Préfet bénéficie de pouvoirs peu ou prou identiques à ceux du Maire (mise en demeure suivie de sanctions administratives). Ces mesures s'adresseront en premier lieu au gestionnaire de la décharge, vu comme l'exploitant au titre de la réglementation ICPE.
Dans certains cas de figure, en cas de disparition juridique de l'exploitant, le Préfet pourra s'adresser au propriétaire de l'assise foncière pour prendre les mesures idoines.
L'inaction du Préfet à mettre en ?uvre ses pouvoirs de police face à une situation de décharge illégale engage la responsabilité de l'Etat.
Indépendamment des sanctions administratives pouvant être prises par le Maire ou le Préfet à l'encontre des producteurs ou détenteurs de déchets, la création de dépôts ou de décharges est passible de sanctions pénales.
A titre d'illustration, l'abandon de déchets peut être qualifié de délit punissable d'une amende et d'une peine d'emprisonnement (cf. art. L. 541-46 du code de l'environnement. Des peines complémentaires peuvent également s'appliquer, comme par exemple la confiscation du véhicule ayant servi à commettre l'abandon de déchets.
Enfin, selon les cas de figure, il pourra être fait application de l'article L. 216-3 du code pénal permettant de saisir en urgence le juge des libertés et de la détention (JLD) afin qu'il ordonne (pour une durée d'un an au plus) aux personnes physiques et aux personnes morales concernées toute mesure utile, y compris la suspension ou l'interdiction des opérations menées en infraction à la loi pénale.
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