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Si les perspectives de rencontrer rapidement son âme soeur sont très attrayantes sur internet, les rencontres virtuelles connaissent plusieurs limites. Nous nous cantonnerons dans cet article au lien de causalité entre les sites de rencontre, les arnaques, et la responsabilité des sites de rencontres.
Il est important de préciser que les sites de rencontres ne sont pas soumis au régime juridique des agences matrimoniales. En France, l'agence matrimoniale est régie par le droit de la consommation (loi du 23 juin 1989 complétée par la loi du 16 mai 1990), tandis que les sites de rencontres sont, entre autres, régis par le droit de la consommation et le droit des contrats. Bien que cela puisse de prime abord, paraître étonnant, il convient de rappeler que le célibataire se présente avant tout comme un consommateur face à un professionnel.
Si les sites de rencontres sont tenus de respecter les données personnelles au sens du RGPD (Règlement général sur la protection des données) et la vie privée des célibataires, la question se pose alors concernant la protection juridique des utilisateurs entre eux.
Lors de mes recherches pour cet article, je m'attendais à trouver tout un tas de règles et de loi concernant l'engagement de la responsabilité des sites de rencontres en cas de fraude aux sentiments. Pourtant, la seule chose que j'ai pu trouver concernant la responsabilité de ces sites, ne concerne que la relation directe entre l'utilisateur et un manquement de la plateforme à ses obligations (confidentialité, respect de la vie privée?). Cependant, rien concernant les relations des utilisateurs entre eux.
Ainsi, on en vient rapidement à se demander si ce genre de site s'intéresse, réellement, à la protection de chacun des utilisateurs.
De ce fait, afin d'alimenter l'article et de répondre à la question, je suis allée lire les chartes d'utilisations des sites de rencontres les plus connues afin d'analyser la protection offerte aux consommateurs.
Par conséquence, il est intéressant d'analyser respectivement les sites de rencontres suivants : Tinder, Meetic, et edarling. En effet, ces trois concurrents ne visent pas le même profil de personne. Tandis que Tinder vise un profil plutôt d'utilisateurs plutôt jeune (18- 25 ans), edarling un profil de jeune adulte (25-30 ans), Meetic semble plutôt se consacrer aux personnes de plus de 40 ans.
Dès la première ligne des conditions d'utilisation, Tinder affirme que "MTCH Technology Services, qui gère notre siège social européen, est responsable de nos services au sein de l'Espace économique européen, du Royaume-Uni et de la Suisse". Dès lors, le réseau semble directement transférer sa responsabilité sur la filiale étrangère. Lorsque nous continuons la lecture, nous tombons sur l'article 5 de la charte "sûreté" : vos interactions avec d'autres membres", l'article6 "Les droits que Tinder vous accorde", l'article 9 "Contenu des autres membres", l'article 11 " Avis et Procédure de dépôt de plainte en cas d'atteinte au droit d'auteur", ainsi que l'article 12 "Avis de non-responsabilité". Il convient de noter que cet article, ainsi que l'article 14, les seuls régissant la responsabilité directe du site, sont dans leur intégralité rédigés en lettre capitale. Ces différents articles nous énoncent toute une série de protection de l'utilisateur, mais rien concrètement sur la possibilité d'engager ou non, la responsabilité de Tinder en cas d'arnaque. L'article 12 affirme que "Tinder fournit le service, tel que et selon la disponibilité et, dans la mesure autorisée par la loi applicable, n'accorde aucune garantie de quelque nature que ce soit. Tinder ne déclare ni ne garantit que le service sera sans interruption, sûr ou libre d'erreur, tous les défauts ou erreurs du service seront corrigés, ou que tout contenu ou toute information que vous obtenez sur ou à travers les services sera exact." Avant de terminer en affirmant que "Tinder n'assume aucune responsabilité pour tout contenu que vous, une autre membre ou un tiers publie, envoie ou reçoit via le service. L'accès à tout matériel téléchargé ou obtenu à travers l'utilisation du service est à votre entière discrétion à vos propres risques". L'article 13 énonce que : "Tinder ne sera en aucun cas tenu responsable des conditions ou actions desdits tiers", tandis que l'article 14 dispose que "dans la plus grande mesure permise par la loi application, en aucun cas Tinder, ses affiliés, employés, concédants ou prestataires de service ne seront tenus responsables de tous dommages, de la conduite ou le contenu d'autres membres ou tiers sur les services, à travers ceux-ci ou à la suite de leur utilisation, ou l'accès, l'utilisation ou l'altération non autorisés de votre contenu, même si Tinder a été informé de la possibilité desdits dommages."
Comme son concurrent précédemment cité, le site de rencontre " edarling ", limite sa responsabilité aux articles 20 " exclusion de garantie " et 21 de sa charte de condition d'utilisation : " limitation de responsabilité ". Si l'article 20 dispose que " La Société n'accorde aucune garantie quant à l'exactitude, l'exhaustivité ou la fiabilité de l'un quelconque des matériels, informations ou données disponibles par l'intermédiaire ou du fait de la performance des Applications, Sites Internet ou Services ", l'article 21 vient appuyer cette limitation de responsabilité en affirmant que " Dans toute la mesure où la loi en vigueur le permet, la Société, ses filiales ou sa société mère (...) ne peuvent être tenues responsables envers vous à titre contractuel, délictuel (y compris pour négligence) " concernant divers faits, tels que pour des dommages résultant de l'utilisation de la plateforme.
Toutefois, la plate-forme reste très floue dans les cas où sa responsabilité pourrait être engagée " Rien dans les présentes Conditions générales de vente ne saurait limiter ou exclure la responsabilité de la Société au titre de (...) Toute forme de responsabilité qui ne saurait être limitée ou exclue en droit ". Quoi qu'il en soit, l'article 21.2 limite le montant de dommages et intérêts à 100 euros.
Dès lors, les sites de rencontres sont tenus responsables en cas de manquement aux obligations et protections de l'utilisateur figurant dans les diverses chartes de confidentialité ou d'utilisation, mais décline toute responsabilité concernant les problèmes résultant de l'utilisation de la plateforme en cas de litige entre deux utilisateurs.
Ainsi, il semble intéressant en guise de conclusion et d'ouverture de voir concrètement comment cela se matérialise en cas de problèmes entre deux utilisateurs. Pour cela, nous allons reprendre l'exemple de l'arnaqueur de Tinder et allons analyser la vie des victimes une fois que le scandale a eu lieu.
Concernant les conditions d'utilisation de Meetic, la question de la responsabilité n'est que très légèrement invoquée. Comme pour Tinder, Meetic annonce clairement à l'article 9.1 " Nous déclinons expressément toute responsabilité en rapport avec des événements de toute nature susceptibles de se produire entre vous et d'autres utilisateurs pendant des interactions en ligne ou pendant la " vie réelle ", lors d'interactions entre personnes. ", avant de justifier cette exonération en affirmant que " Nous ne pouvons être tenus pour responsables de l'exactitude ou de l'inexactitude des informations et des contenus que vous fournissez ou que d'autres utilisateurs fournissent, ni des conséquences découlant de votre utilisation ou de l'utilisation par d'autres utilisateurs de telles informations et contenus. De même, nous ne pouvons être tenus pour responsables de tout contenu diffusé par vous ou autre utilisateur susceptible de porter atteinte à vos droits ou aux droits d'un ou de plusieurs autres utilisateurs ou de tout autre tiers ".
En somme, Meetic se dégage aussi de toute responsabilité concernant les problèmes pouvant résulter de l'utilisation de la plateforme entre les utilisateurs.
A l'heure actuelle, à cause d'un vide juridique, aucune juridiction française ne semble avoir traité de la question de la responsabilité des sites de rencontre en cas d'arnaque aux sentiments. Toutefois, il est intéressant d'analyser un cas concret, en se demandant comment l'engagement de la responsabilité des sites de rencontres en cas de problèmes, en l'espèce de Tinder, aurait pu changer la vie des victimes.
Les différentes victimes de l'arnaqueur de Tinder, Simon Leviev (de son vrai nom Shimon Hayut), ont chacune portée plainte une fois la découverte du stratagème. L'escroc a été arrêté, a fait quelques mois de prison, avant d'être relâché dans la nature. Pour autant, ses victimes sont aujourd'hui criblées de dettes, s'élevant à plusieurs milliers d'euros chacune. Si une d'entre elles a décidé de revendre les vêtements de luxe de son bourreau afin de retrouver une partie de son argent, il n'en va pas de même pour les autres. Désespérée, l'une d'entre elle a même confirmée avoir pensé à mettre fin à ses jours pour que ce cauchemar s'arrête. Une cagnotte de solidarité a été créée en leur faveur, pour leur permettre de recouvrer les sommes perdues.
Toutefois, il est facile d'affirmer que s'il était possible d'engager la responsabilité de Tinder afin d'obtenir des dommages et intérêts, leurs vies après le passage du malfaiteur auraient été différentes.
Dès lors, il semble compliqué de garder une situation dans laquelle aucun texte de loi ne vient réellement, en France en tout cas, encadrer la responsabilité des sites de rencontres concernant les arnaques aux sentiments. Toutefois aujourd'hui, tel n'est pas le cas.
En guise de conclusion, nous pouvons nous interroger sur le fondement juridique sur lequel le législateur s'appuiera pour légiférer autour de cette question.
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