120 partages |
Par une série d'arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a désavoué le législateur français, selon lequel les arrêts pour maladie ou pour accident n'engendraient pas (toujours) de droit à congé payé.
Tel était le cas des arrêts pour accident du travail ou rechutes inférieurs ou égaux à un an (Article L.3141-5 du Code du travail), des absences pour examens liés à une PMA (L1225-16 CT), des congés de maternité ou de paternité (L.3141-5 CT) etc.
A l'inverse, les autres arrêts de travail non visés par les textes, tels que les arrêts maladies pour un motif non professionnel, ou les arrêts pour accident du travail d'une durée supérieure à un an (hors dispositions conventionnelles plus favorables) ne permettaient pas d'obtenir de jours de congés payés.
Dit autrement, ça n'était que lorsqu'un texte le prévoyait expressément que l'arrêt de travail permettait d'acquérir des droits à congés payés.
Or, dans une série d'affaire, la Cour de cassation a eu à connaitre de la compatibilité de ces dispositions avec l'article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur le droit au repos qui dispose :
" Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés. "
La Cour de cassation a fait application de ces dispositions dans plusieurs affaires :
Dans une première affaire, deux salariés avaient contracté une maladie non professionnelle qui les avaient empêchés de travailler.
Ils avaient calculé leur droit à congé payé en incluant l'ensemble de la période au cours de laquelle ils n'avaient pas pu travailler.
Devant les juridictions du fond, ils avaient obtenu gain de cause.
L'employeur avait formé un pourvoi en cassation en rappelant qu'en vertu des dispositions du droit français, un salarié atteint d'une maladie non professionnelle ou victime d'un accident de travail n'acquiert pas de jours de congé payé pendant le temps de son arrêt de travail.
La Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d'appel qui avait, selon elle, correctement interprété l'article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne sur le droit au repos.
Ainsi, tout salarié atteint d'une maladie, ou victime d'un accident (professionnel ou non) est désormais en droit de réclamer les congés payés acquis pendant la période d'arrêt.
Dans cette affaire, un salarié, victime d'un accident du travail, avait été arrêté pendant plus d'un an et demi.
En vertu des dispositions légales, et notamment de l'article L.3141-5 du Code du travail, il n'avait acquis des droits à congés payés que pendant un an. Les quelques mois d'arrêts excédentaires ne lui avaient pas donné de jours de congés.
Ayant saisi les juridictions notamment d'une demande d'indemnité compensatrice de congés payés sur la période d'arrêt au-delà d'un an, il avait été débouté en première instance et en appel.
Dans son arrêt du 13 septembre, La Cour de cassation adopte, logiquement, la même solution qu'en matière d'arrêt maladie non professionnel et fait application des dispositions du droit européen :
L'arrêt d'Appel a donc été censuré en ce qu'il avait débouté le salarié de ses demandes de congés payés au-delà de la période d'un an.
En marge de ces décisions consacrant la prééminence du droit européen sur le droit du travail français, il est à noter que la Cour de cassation a fait évoluer sa jurisprudence relative à la prescription des demandes d'indemnité de congés payés :
Dans une affaire concernant une requalification de contrat de prestation de service en contrat de travail, une salariée avait demandé à être indemnisée des congés payés qu'elle n'avait pas été en mesure de prendre au cours de sa collaboration, d'une durée de 10 ans.
La Cour d'Appel avait limité l'indemnisation de la salariée aux 3 dernières années de collaboration, sur le fondement de l'article L3245-1 du Code du travail - prescription triennale en matière de salaires.
La Cour de cassation censure cette décision en considérant que le délai de prescription de l'indemnité de congés payés ne peut commencer à courrier que si l'employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congé payé.
Le délai de prescription ne pouvait donc pas commencer à courir et la salariée pouvait donc, selon la Cour de cassation, solliciter une indemnité de congé payé sur l'ensemble de la période de collaboration.
Les pourfendeurs des barèmes indemnitaires " Macron " issus des ordonnances de septembre 2017 le savent bien :Il n'est pas si fréquent que les dispositions du droit du travail français soient écartés au profit de dispositions supra nationales.
Tel est pourtant le cas en l'occurrence, avec cette série d'arrêt dans lesquels la Cour de cassation fait considérablement évoluer le droit à congés payés des salariés français.
En application de ces décisions, il ne fait guère de doute que les demandes de régularisation d'indemnités de congés payés des salariés qui ont connu des périodes d'arrêt maladie au cours des années précédentes vont affluer.
Reste à savoir si cette régularisation va s'opérer de manière fluide ou si elle va être source de nouveaux contentieux.
Une question en Nos avocats vous répondent gratuitement | 83%de réponse |
* Durant les 60 dernièrs jours
Offre et délai minimum transmis par un avocat sur Alexia.fr au cours des 30 derniers jours dans au moins une région.