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Avant d'entreprendre des travaux sur un bien immobilier (édification neuve ou rénovation), le maître d'ouvrage (généralement le propriétaire du bien ou son mandant) est confronté à plusieurs interrogations et il lui est parfois difficile de saisir le rôle exact de chacun des intervenants, qu'il s'agisse des entreprises ou des assureurs.
Loin de vouloir faire du lecteur un spécialiste du droit de la construction et de l'assurance, le but de la présente étude est de lui fournir des outils pratiques lui permettant d'appréhender de manière simple le rôle et la responsabilité de chacun des professionnels, ainsi que les garanties d'assurance propres à ce secteur.
La première partie de ce vade-mecum portera donc sur l'étude de l'assurance phare de la construction, souvent méconnue et/ou mal connue des particuliers (voire de certains professionnels de l'immobilier): l'assurance dommages-ouvrage (ci-après la DO).
La deuxième partie de cette étude, portera quant à elle sur la responsabilité des constructeurs et leurs garanties d'assurance.
Le contrat d'assurance est une convention par laquelle un assureur s'engage à indemniser un sinistre en contrepartie du versement, par l'assuré, d'une prime. Nous pouvons classer les assurances en deux grandes catégories :
L'assurance dommages-ouvrage est à la fois une assurance de dommages et une assurance obligatoire. Plus précisément, il s'agit d'une assurance visant à garantir la réparation des vices cachés à la réception (et révélés dans un délai de 10 ans à compter de cette même réception) qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination ou le compromettent dans sa solidité. C'est ce qu'on appelle les désordres de nature décennale.
En ce sens, le champ d'application de l'assurance DO est sensiblement le même que celui de la garantie décennale des entreprises. Elle fonctionne comme une assurance dite " parapluie ", son objet étant de préfinancer les travaux de réparation des ouvrages, à charge pour elle de se retourner par la suite contre les entreprises responsables et leurs assureurs, afin d'obtenir leurs garanties (nous y reviendrons).
En tant qu'assurance de dommages, elle est attachée à l'ouvrage et non à la personne ayant souscrit le contrat ; de sorte que seul le propriétaire du bien (ou son mandant) a la possibilité de l'actionner, par le biais d'une déclaration de sinistre.
En cas de revente du bien dans un délai de 10 ans suivant la réception des travaux, le bénéfice de l'assurance reviendra donc au nouveau propriétaire.
Enfin, et dans la mesure où elle est destinée à garantir un dommage, l'assurance DO se distingue du garant d'achèvement, son rôle n'étant pas de se substituer aux entreprises en cas de défaillance.
Deux exceptions seront toutefois abordées dans la suite de l'article.
L'article L242-1 du Code des assurances rappelle les personnes tenues de souscrire une assurance DO. Il s'agit :
Seuls l'État, les personnes publiques et certaines personnes privées en sont dispensés.
Il en est de même des personnes physiques construisant un logement pour l'occuper elles-mêmes (communément appelées "les castors"). Ce dernier cas de figure doit toutefois être relativisé. En effet, il est courant de revendre un bien immobilier moins de 10 ans après avoir entrepris des travaux d'ampleur (toiture, étanchéité, ravalement?) et ce, alors même que l'intention première était de le conserver au delà du délai de 10 ans. Aussi, en cas de travaux assujettis à l'obligation d'assurance DO, il est fortement recommandé de souscrire une telle assurance.
L'attention des syndics de copropriété est donc tout particulièrement attirée sur ce point.
En effet, il ne sera pas inutile de rapper que le Code des assurances punit de 6 mois d'emprisonnement et 75 000 € d'amende tout contrevenant à cette obligation.
Il sera précisé, par ailleurs, que ces sanctions pénales ne font pas obstacle à l'allocation de dommages et intérêts dans le cadre d'une action civile intentée par des copropriétaires lésés.
Le Code des assurances dispose que la souscription doit intervenir avant la déclaration d'ouverture de chantier (DOC). S'il existe une possibilité de régularisation à tout moment, il est fortement conseillé de souscrire le contrat préalablement à tout début d'exécution des travaux et ce, afin d'éviter une éventuelle (certaine) majoration de prime.
Le maître d'ouvrage ou son mandant veilleront à fournir :
Enfin, deux points importants doivent être rappelés.
En premier lieu, la preuve de la souscription peut intervenir à tout moment et notamment à l'occasion de toute mutation dans les 10 années suivant la réception des travaux.
En second lieu, en cas de refus de souscription opposé par un ou plusieurs assureurs (refus explicite après envoi d'un recommandé avec accusé de réception, ou silence gardé pendant 45 jours), il sera possible de saisir le Bureau Central de Tarification (organisme de contrôle des assurances) qui désignera un assureur tenu d'assurer l'opération.
Il n'existe pas de liste exhaustive des travaux soumis à l'obligation d'assurance DO. Il s'agit sans doute de la principale raison pour laquelle nombre de personnes ignorent si les travaux qu'ils envisagent, doivent faire l'objet d'une souscription d'assurance DO. Nous retiendrons donc le schéma suivant.
En premier lieu, toute édification d'un bâtiment neuf (immeuble, pavillon, garage, extension, piscine, pergola?) est constitutive d'un " ouvrage " et donc soumise à l'obligation d'assurance DO.
En deuxième lieu, les travaux sur existants qui ne constituent pas un " ouvrage " (menus travaux, peinture sans fonction d'étanchéité, entretien courant) ne sont pas soumis à l'obligation d'assurance DO. A l'inverse, les travaux sur existants constitutifs d'un " ouvrage " seront soumis à l'obligation d'assurance (ex : rénovation lourde,
réfection d'une toiture).
En troisième lieu, les opérations de génie civil (construction de routes, ponts, ports, gares?) sont systématiquement exclues de l'obligation d'assurance DO.
En quatrième lieu, les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers (VRD), les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les
ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts ainsi que leurs éléments d'équipement sont exclus de l'obligation d'assurance DO, sauf s'ils sont l'accessoire d'un ouvrage assujetti à l'obligation d'assurance DO.
En d'autres termes, si les constructions précédemment citées peuvent être rattachées physiquement à une opération soumise à l'obligation d'assurance DO, elles entreront dans son champ d'application.
Nous pouvons ici citer les voiries privatives de lotissement ou de copropriété, les réseaux d'eau, d'électricité et de gaz, les canalisations d'eaux vannes?
En substance, et sans que cette liste soit exhaustive, sont soumis à obligation d'assurance DO les travaux suivants :
L'objet de l'assurance DO est de garantir la réparation des vices cachés à la réception (révélés dans un délai de 10 ans à compter de cette même réception) qui rendent l'ouvrage impropre à sa destination ou le compromettent dans sa solidité.
Le vice caché: il est entendu au sens large et comprend à la fois les vices du sol ou toute malfaçon affectant l'ouvrage (attention: une non-conformité n'est pas nécessairement constitutive d'un vice de construction).
La réception, doit intervenir sans réserves (nous reviendrons sur cette notion dans notre étude sur la responsabilité des constructeurs). Retenons simplement, qu'en principe, seuls pourront ouvrir droit à indemnisation les désordres qui n'ont pas été signalés à la réception et qui n'étaient pas décelables par un non professionnel.
Enfin, la gravité du vice reste l'élément fondamental, seuls les désordres portant atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination étant couverts.
Aussi, les désordres purement esthétiques ou sans gravité ne pourront en aucun cas être indemnisés (fissures esthétiques, réfection des joints, fissures sur carrelage collé).
En substance, et sans que cette liste soit exhaustive, sont constitutifs de désordres de nature décennale :
Notons enfin que la garantie obligatoire couvre la réparation des désordres affectant l'ouvrage mais non la réparation des dommages consécutifs, de sorte qu'en principe ceux-ci (troubles de jouissance et/ou dommages matériels annexes) ne sont pas couverts (ex : frais de relogement le temps des travaux de réparation, réfection de la peinture d'un ouvrage annexe impacté par les désordres). En pratique, la plupart des couvertures d'assurance DO proposent toutefois un volet dit " dommages matériels et/ou immatériels consécutifs ". L'attention du souscripteur est donc attirée sur ce point.
En principe, la garantie de l'assurance DO s'étend de la période comprise entre la fin de la garantie de parfait achèvement (soit un an après la réception des travaux) jusqu'à la 10ème année suivant la date de réception des travaux.
Dès lors, elle n'a pas vocation à intervenir avant la réception des travaux, ni durant la première année qui suit la réception de l'ouvrage.
Il existe toutefois deux exceptions.
En premier lieu, l'assurance DO peut intervenir avant la réception, pour la réparation des désordres de nature décennale, à une double condition :
En second lieu, l'assurance DO peut également intervenir durant l'année de parfait achèvement (durée d'un an à
compter de la réception) pour la réparation des désordres de nature décennale, à une double condition :
En cas de désordre susceptible de revêtir un caractère décennal, il revient au propriétaire de l'ouvrage ou à son mandant d'adresser sans délai une déclaration de sinistre et, au plus tard, dans les deux ans qui suivent la constatation du désordre.
Le déclarant veillera à adresser sa déclaration en RAR en décrivant les désordres et en mentionnant:
- le numéro de contrat,
- le nom du propriétaire,
- l'adresse de la construction,
- la date de réception des travaux,
- la date d'apparition des désordres.
Si ces informations ne sont pas contenues dans la déclaration, l'assureur pourra considérer qu'elle n'est pas constituée et disposera alors d'un délai de 10 jours pour le signaler au déclarant.
Une fois la déclaration enregistrée et selon la procédure dite " normale " l'assureur disposera d'un délai de 60 jours pour faire part de sa position (acceptation ou refus).
S'il prend position au-delà de ce délai légal de 60 ours, l'assureur dommages-ouvrage sera automatiquement tenu de garantir les désordres déclarés, qu'ils soient ou non de nature décennale.
En cas de réponse positive, la proposition d'indemnité interviendra dans les 90 jours et le paiement dans les 15 jours, suivant le renvoi, par le déclarant, de la quittance subrogatoire.
En pratique, l'assureur mettra à profit les 60 jours pour désigner un expert qui examinera les désordres et convoquera les entreprises et leurs assureurs.
Il peut toutefois se dispenser de ces contraintes dans trois cas de figure :
- si l'action est manifestement prescrite,
- si, à l'évidence, le désordre n'est pas de nature décennale,
- si la garantie est acquise et la réparation inférieure à 1800 € TTC.
Au-delà de l'obligation qui est faite de souscrire une assurance DO, sa souscription présente des avantages indéniables tels que :
Enfin, le bénéfice de l'assurance DO conduit à n'avoir qu'un seul interlocuteur en cas de sinistre de nature décennale, ce qui simplifie grandement les choses et évite de devoir rechercher individuellement la responsabilité de chacun des intervenants à l'acte de construire, en cas de désordre de nature décennale, comme cela sera démontré dans le cadre de la prochaine étude à paraître.
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