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Lorsqu'une société mère française finance une filiale, il se pose régulièrement la question de la déductibilité de la perte sur ce financement intragroupe dans l'hypothèse où la filiale échoue à rembourser sa société mère. Une décision récente vient à nouveau illustrer ces contentieux parfois significatifs avec l'administration fiscale.
Lorsqu'une société mère française décide de financer une filiale, la société mère doit choisir la méthode de financement la plus appropriée. De manière très schématique, il y a deux grandes méthodes :
- Soit un financement par apport rémunéré par des titres. En ce cas, les dividendes futurs sont quasi-exonérés en application du régime mère-fille. La plus-value future sur les titres est aussi quasi-exonérée (exemption effective de 88% de la plus-value, généralement) dans le cadre du régime des plus-values à long-terme. En revanche, la perte éventuelle sur les titres sera généralement non-déductible. En cas de moins-value à court terme, de nombreux dispositifs spécifiques font obstacle à une déductibilité de cette moins-value.
- Soit un financement par prêt intragroupe. En ce cas, le prêt devra porter intérêts qui seront imposables en France. Dans l'hypothèse d'une appréciation de valeur de la filiale, le régime des plus-values à long-terme sera toujours applicable à raison des titres que la société mère détient par ailleurs. A l'inverse, en cas de difficultés économiques susceptibles de menacer le recouvrement de la créance intragroupe, la société mère française sera susceptible (à terme) de constater une perte déductible sur créance irrécouvrable.
En cas de pertes, le législateur a prévu des dispositifs qui interdisent la déductibilité des pertes, notamment à l'occasion d'un abandon de créance ou d'une recapitalisation de la filiale. Certaines sociétés sont par conséquent tentées de constater directement une perte déductible sur créance irrécouvrable en liquidant la société.
Ces déductions fiscales au titre des créances irrécouvrables intragroupe sont particulièrement examinées par l'administration fiscale.
Dans une décision du 11 octobre 2024, la Cour Administrative d'Appel de Paris valide un redressement fiscal qui remettait en cause la déductibilité d'une perte sur créance irrécouvrable à l'occasion d'une liquidation amiable d'une filiale turque.
En l'espèce, il est apparu que la société mère ne s'était pas comportée comme un créancier classique, mais avait consenti à la clôture des opérations de liquidation sans être remboursée de sa créance intragroupe. En l'espèce, la société française s'engageait à régler les dettes de sa filiale et renonçait à toute réclamation ou tout recours si ses apports financiers étaient effectués de manière gratuite et inconditionnelle. En conséquence de cette volonté de la société mère, l'administration fiscale a requalifié l'opération en abandon de créance non-déductible.
La société a tenté vainement de se prévaloir de l'existence d'une discrimination avec les situations où la filiale fait l'objet d'une procédure collective, et où la perte sur un abandon de créance intragroupe peut éventuellement être déduite fiscalement. Mais la Cour y répond que : "les sociétés dont la réalité des difficultés est retenue judiciairement en vertu des dispositions du code de commerce ne se trouvent pas dans une situation identique à celles qui accordent des aides à d'autres entreprises en dehors de ces procédures."
En définitive, le choix de fermer une filiale insolvable par voie de liquidation amiable, en dehors de toute procédure collective prévue par le droit des faillites local, est donc susceptible d'être un obstacle à la déductibilité fiscale des pertes sur la créance intragroupe qui ne serait pas remboursée à cette occasion.
La solution aurait sans doute été différente si le groupe avait choisi de laisser la filiale entrer en liquidation judiciaire, et qui se serait terminée par le constat d'une insuffisance d'actif, sans aucun acte de renonciation au recouvrement par sa société mère.
Le choix d'une liquidation amiable est généralement plus confortable pour les groupes internationaux, afin d'éviter les difficultés associées à une procédure collective (risque réputationnel, risques judiciaires à l'initiative d'un liquidateur judiciaire, coûts, etc.).
Les groupes sont invités à analyser la situation au cas par cas au regard du droit des faillites local et du droit fiscal français, notamment lorsque les montants sont significatifs.
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