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Le maire ne peut légalement ordonner la démolition d'un immeuble dans le cadre de la procédure de péril imminent ; il ne peut le faire qu'en vertu de ses pouvoirs de police générale.
Par arrêté, un maire déclare en état de péril imminent un bâtiment et met en demeure le propriétaire de réaliser les travaux de mise en sécurité consistant en la démolition du dernier étage et des combles. Le propriétaire n'ayant pas réalisé les travaux dans le délai, le maire y fait procéder d'office. Le maire émet ensuite deux titres exécutoires correspondant notamment au coût des travaux. Le propriétaire sollicite du tribunal administratif l'annulation des titres exécutoires en considérant que l'arrêté de péril a prescrit illégalement la démolition.
Le tribunal rejette la demande en jugeant que la mesure de démolition était la seule de nature à mettre fin au péril.
Le Conseil d'Etat annule le jugement. Si le maire peut ordonner la démolition d'un immeuble dans le cadre de la procédure de péril ordinaire en application des dispositions de l'article L 511-2 du Code de la construction et de l'habitation, après accomplissement des formalités prévues par ce texte, il doit, lorsqu'il agit sur le fondement de l'article L 511-3 afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité. En présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en ?uvre immédiate d'une mesure de démolition, le maire ne peut l'ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions des articles L 2212-2 et L 2212-4 du Code général des collectivités territoriales.
Le Conseil d'Etat juge que le tribunal a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les travaux de démolition n'excédaient pas les mesures que le maire pouvait légalement ordonner sur le fondement de l'article L 511-3 du CCH.
Remarques
Il s'agit d'une confirmation de jurisprudence (CE 6-11-2013 n° 349245, Goin : BPIM 1/14 inf. 58). En cassant le jugement pour le motif indiqué, le Conseil d'Etat paraît réserver la possibilité pour le maire de prescrire dans le cadre de la procédure de péril imminent la démolition de certains éléments du bâtiment, présentant un risque immédiat pour la sécurité. En revanche, une mesure de démolition partielle mais portant sur une partie substantielle du bâtiment, de même qu'une mesure de démolition totale, ne pourrait être ordonnée que dans le cadre de la procédure de péril ordinaire prévue par l'article L 511-2 du CCH, qui comporte de meilleures garanties pour le propriétaire, ou en cas d'extrême urgence sur le fondement des pouvoirs de police générale, qui permettent la démolition par les services communaux à bref délai mais ne permettent la récupération des frais sur le propriétaire que dans le cadre d'une action récursoire devant le juge civil, si sa négligence est à l'origine du péril.
1. Considérant qu'il ressoudes pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 3 octobre 2005, le maire de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a déclaré en état de péril inimihent un bâtiment situé sur le territoire de cette commune, 22 rue Saint-Jean, alors propriété indivise de M. L. P. et de sa soeur, et a mis ceux-ci en demeure de réaliser des travaux de mise en sécurité consistant en la démolition du dernier étage et des combles de ce bâtiment ; que les consorts P. n'ayant pas réalisé les travaux dans le délai prescrit, le maire de la commune de Boulogne-sur-Mer y a fait procéder d'office ; qu'il a ensuite émis à leur encontre, les 16 février 2006 et 18 avril 2008, deux titres exécutoires d'un montant de 331,17 euros et 42 089,90 euros correspondant respectivement aux frais d'insertion dans la presse de l'appel à concurrence en vue de la réalisation des travaux et au coût des travaux euxmêmes ; que M. P. et Me R., mandataire chargé de la liquidation judiciaire de M. P., ont demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler ces titres exécutoires ; que M. P. se pourvoit en cassation contre le jugement du 21 juillet 2011 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
2. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article L 511-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable au litige : « Le maire, à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont définies par décret en Conseil d'Etat, met le propriétaire de l'immeuble menaçant ruine, et le cas échéant les personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L 511-1-1, en demeure de faire dans un délai déterminé, selon le cas, les réparations nécessaires pour mettre fin durablement au péril ou les travaux de démolition () » ; que le IV du même article dispose que : « Lorsque l'arrêté de péril n'a pas été exécuté dans le délai fixé, le maire met en demeure le propriétaire d'y procéder dans un délai qu'il fixe et qui ne peut être inférieur à un mois. /A défaut de réalisation des travaux dans le délai imparti, le maire, par décision motivée, fait procéder d'office à leur exécution. H peut également faire procéder à la démolition prescrite, sur ordonnance du juge statuant en la forme des référés, rendue à sa demande () » ; qu'aux termes de l'article L 511-3 du même code : « En cas de péril imminent, le maire, après avertissement adressé au propriétaire, demande à la juridiction administrative compétente la nomination d'un expert qui, dans les vingt-quatre heures qui suivent sa nomination, examine les bâtiments, dresse constat de l'état des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin à l'imminence du péril s'il la constate. / Si le rapport de l'expert conclut à l'existence d'un péril grave et imminent, le maire ordonne les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité, notamment, l'évacuation de l'immeuble. /Dans le cas où ces mesures n'auraient pas été exécutées dans le délai imparti, le maire les fait exécuter d'office. En ce cas, le maire agit en lieu et place des propriétaires, pour leur compte et à leurs frais () » ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si le maire peut ordonner la démolition d'un immeuble en application des dispositions de l'article L 511-2 du code de la construction et de l'habitation, après accomplissement des formalités qu'il prévoit, il doit, lorsqu'il agit sur le fondement de l'article L 511-3 afin de faire cesser un péril imminent, se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité ; qu'en présence d'une situation d'extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent qui exige la mise en oeuvre immédiate d'une mesure de démolition, le maire ne peut l'ordonner que sur le fondement des pouvoirs de police générale qu'il tient des dispositions des articles L 2212-2 et L 2212-4 du code général des collectivités territoriales ;
4. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'arrêté de péril du 3 octobre 2005 avait illégalement prescrit la démolition du dernier étage et des combles du bâtiment appartenant à M. P., le tribunal s'est borné à relever qu'il n'était pas contesté que cette mesure était seule de nature à mettre fin au péril ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si ces travaux de démolition d'un étage et des combles du bâtiment n'excédaient pas les mesures que le maire pouvait légalement ordonner sur le fondement de l'article L 511-3 du code de la construction et de l'habitation, le tribunal a commis une erreur de droit ; que, par suite, son jugement doit être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L 821-2 du code de justice administrative :
6. Considérant que la clôture de la procédure de liquidation judiciaire dont faisait l'objet M. P. est intervenue le 17 mars 2009 ; que la demande que Me R. a présentée conjointement avec M. P. a été introduite devant le tribunal administratif le 3 juillet 2009 ; qu'à cette date, Me R. n'avait plus qualité pour agir au titre de la procédure de liquidation judiciaire ; que, par suite, les conclusions de la demande, en tant qu'elles émanent de Me R., sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'exception tirée de l'illégalité de l'arrêté de péril :
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté de péril du 3 octobre 2005, qui a été régulièrement notifié à M. P. avec l'indication des voies et délais de recours, était devenu définitif à la date à laquelle M. P. a excipé de l'illégalité de la procédure de péril ; que, par suite, cette exception d'illégalité est irrecevable ;
Sur les autres moyens soulevés contre les titres exécutoires litigieux :
8. Considérant que les informations portées sur les titres exécutoires litigieux ne comportent aucune contradiction qui justifierait leur annulation ;
9. Considérant que le juge saisi d'un recours dirigé contre un titre exécutoire doit se prononcer au vu des circonstances de droit et de fait existant à la date de sa décision ; qu'il résulte de l'instruction que, par un jugement du 17 mars 2009, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a prononcé la clôture pour extinction du passif des opérations de la liquidation judiciaire de M. P. ; que, par suite, à la date de la présente décision, M. P. a recouvré l'entière maîtrise des droits et actions concernant son patrimoine ; qu'ainsi, la circonstance que ces titres aient été émis à son encontre alors que la procédure de liquidation judiciaire n'avait pas encore été clôturée n'est pas de nature à en justifier l'annulation ;
10. Considérant que les titres litigieux sont étrangers à la procédure d'abandon manifeste poursuivie par la commune ; que les moyens tirés de l'illégalité de cette procédure sont, par suite, inopérants ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. P. n'est pas fondé à demander l'annulation des titres exécutoires qu'il conteste ;
12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Boulogne-sur-Mer au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative ; que les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Boulogne-sur-Mer qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
Décide :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 21 juillet 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. P. et Me R. devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. P. et par la commune de Boulogne-sur-Mer au titre des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. L. P., à Me R. et à la commune de Boulogne-sur-Mer.
Source : Editions Francis Lefebvre
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