124 partages |
Une personne, même non salariée du syndic, qui travaille pour son compte, exécute ses ordres, accomplit des actes de gestion incombant au syndic et se comporte à l'égard des tiers et des copropriétaires comme la préposée du syndic ne peut recevoir mandat pour l'AG.
Le syndicat des copropriétaires d'un immeuble a pour syndic la société S. Lors d'une assemblée générale de copropriétaires, Mme L., salariée de la société P. (qui détient en grande partie la société S.), reçoit des mandats de représentation de certains copropriétaires. Une action en annulation de cette assemblée générale est introduite.
Par un premier arrêt, une cour d'appel prononce la nullité de cette assemblée générale.
L'article 22, alinéa 4 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 ne permet pas aux copropriétaires de confier un mandat de vote à un salarié de la société P, qui détient la quasi-totalité du capital de la société exerçant les fonctions de syndic, et qui n'en est donc qu'une émanation.
L'arrêt est cassé, ces motifs étant impropres à caractériser la subordination de Mme L. à l'égard de la société S (Cass. 3e civ. 5-7-2011 n° 10-02.352).
La cour d'appel de renvoi prononce à nouveau l'annulation de l'assemblée générale sur ce même fondement, retenant :
- que Mme L. était salariée d'une société détenant 100 % du capital de la société exerçant les fonctions de syndic et qu'il existait donc une interdépendance entre les deux entités ;
- que bien qu'aucun contrat de travail ne liât Mme L. à la société S exerçant les fonctions de syndic, les pièces produites (notamment bons à payer ou factures établis à l'en-tête de la société S portant, sous la mention « visa du directeur », le nom et la signature de Mme L., bons de commande émis par Mme L. ou factures de fournisseurs de la copropriété sur lesquelles elle est mentionnée en qualité de « contact » prouvant que la société S. a indiqué aux copropriétaires que Mme L. a été chargée de commander des boîtiers d'ouverture à distance de la barrière de l'immeuble) établissent que Mme L. travaille pour le compte de la société S., exécute ses ordres, accomplit pour son compte des actes de gestion incombant au syndic et se comporte à l'égard des tiers et des copropriétaires comme la préposée du syndic.
Le lien de subordination entre Mme L. et la société S. est donc suffisamment établi.
La Cour de cassation confirme. Ayant relevé que les pièces produites démontraient que Mme L. travaillait pour le compte de la société S., exécutait ses ordres, accomplissait pour son compte des actes de gestion incombant au syndic et se comportait à l'égard des tiers et des copropriétaires comme la préposée du syndic, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle était la préposée du syndic et qu'elle ne pouvait, en cette qualité, recevoir de mandats de copropriétaires pour voter à l'assemblée générale.
Remarques
1. La solution est nouvelle. L'article 22, alinéa 4 de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 interdit au syndic, à son conjoint ou son partenaire de Pacs et à ses préposés de recevoir mandat de représenter un copropriétaire. La présente affaire posait la question de la caractérisation du lien de préposition, puisque Mme L. n'était pas salariée de la société chargée des fonctions de syndic. En effet, l'interdiction édictée par l'article 22, alinéa 4 ne s'applique pas seulement aux salariés du syndic, mais également à ses préposés, lesquels ne sont pas nécessairement liés à lui par un contrat de travail. Il appartient aux juridictions du fond de caractériser l'existence éventuelle d'un lien de préposition. Le préposé est celui qui accomplit un acte ou exerce une fonction sous la subordination d'un autre, le lien de subordination étant caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Cass. soc. 1-7-1997 n° 94-43.998 : Bull. civ. V n° 242). Le fait que l'intéressé soit salarié d'une société qui détient 100 % du capital du syndic n'est donc pas suffisant pour caractériser un lien de préposition (Cass. 3e civ. 5-7-2011 n° 10-02.352). En revanche, ce lien est établi s'il résulte de l'analyse des éléments de fait du dossier qu'il exécutait les ordres du syndic, accomplissait pour son compte des actes de gestion incombant au syndic et se comportait à l'égard des tiers et des copropriétaires comme le préposé du syndic. Il ne pourra alors représenter des copropriétaires lors de l'assemblée générale. Cette solution est conforme à la volonté du législateur : la loi cherche à éviter la possibilité pour le syndic, directement ou par personne interposée, de se prononcer sur sa propre gestion et d'influer sur les décisions du syndicat. Le syndic est en effet le mandataire du syndicat et il ne faut pas qu'il puisse influencer les choix de son mandant.
2. La loi 2014-366 du 24 mars 2014, dite loi Alur, étend l'interdiction de représenter un copropriétaire à l'assemblée générale aux salariés du syndic, leurs conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité et leurs ascendants ou descendants qui sont également copropriétaires de l'immeuble.
Extrait de l'Arrêt :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 décembre 2012) rendu sur renvoi après cassation (3e civ., 5 juillet 2011, n° 10-20.352) que MM. B., L., V. et C., propriétaires de lots dans un immeuble en copropriété dénommé « Ormarine 2 » ont assigné le syndicat des copropriétaires et la société Sogire en annulation de l'assemblée générale du 2 mars 2007 au visa de l'article 22, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que le syndicat des copropriétaires et la société Sogire font grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors, selon le moyen :
1°/ que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; qu'en se bornant à énoncer, pour décider que Mme O. apparaissait comme la salariée de la société Sogire aux yeux des tiers et des copropriétaires, qu'elle avait engagé des dépenses pour le compte de la société Sogire en apportant son visa sur les factures, qu'elle avait émis des bons de commande dans l'intérêt d'une copropriété dépendant de l'AFUL, qu'elle a été destinataire de factures afférentes à des travaux d'entretien ou de devis et qu'elle était mentionnée dans un courrier de la société Sogire comme ayant été chargée de commander les dispositifs d'ouverture à distance des barrières de la copropriété, sans expliquer concrètement en quoi la société Sogire avait un pouvoir de direction et de contrôle sur Mme O. qui était déjà salariée de la société Pierre et Vacances et qu'elle était à l'égard du syndic en état de subordination, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1221-1 du code du travail, ensemble l'article 22, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965 ;
2°/ que l'article 22, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1965 permet à chaque propriétaire de recevoir trois délégations de vote au plus, à moins que le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n'excède pas 5 % des voix du syndicat ; qu'au soutien de leur appel, le syndicat des copropriétaires Ormarine 2 dit des Joncquières et la société Sogire ont versé aux débats la feuille de présence et les pouvoirs confiés à Mme O. dont il résulte que Mme O. a reçu trois délégations de vote si bien qu'il n'y a pas lieu de rechercher si le nombre total de ses mandats excédait 5 % des voix du syndicat ; qu'en affirmant, par des motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu'en l'absence de production de la feuille d'émargement en première instance, le syndicat des copropriétaires Ormarine 2 dit des Joncquières ne répondait pas à la question du nombre de délégations de vote reçus par Mme O. et du respect de la limitation de 5 % des voix, sans s'expliquer sur la feuille de présence et les pouvoirs établissant que Mme O. n'avait pas reçu plus de trois mandats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 22, alinéa 3, de la loi du 10 juillet 1965 ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que des bons à payer ou factures établis à l'entête de la société Sogire portaient, sous la mention « visa du directeur » le nom et la signature de Mme O., que celle-ci avait émis des bons de commande ou qu'elle était mentionnée sur des factures de fournisseurs de la copropriété en qualité de « contact » et que la société Sogire avait indiqué aux copropriétaires que Mme O. avait été chargée de commander des boîtiers d'ouverture à distance de la barrière de l'immeuble, la cour d'appel a pu retenir que, si aucun contrat de travail ne les liait, Mme O. travaillait pour le compte de la société Sogire, exécutait ses ordres, accomplissait pour son compte des actes de gestion incombant au syndic et se comportait à l'égard des tiers et des copropriétaires, comme la préposée du syndic et en a exactement déduit qu'elle était la préposée du syndic et ne pouvait, en cette qualité, recevoir de mandat pour voter à l'assemblée générale ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel ayant énoncé que l'assemblée générale du 2 mars 2007 devait être annulée au vu du 4e alinéa de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1965 et qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres griefs invoqués à l'encontre de cette assemblée générale, le moyen qui invoque les motifs adoptés du jugement est sans portée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la première branche du moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi ;
Condamne le syndicat des copropriétaires et la société Sogire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande du syndicat des copropriétaires et de la société Sogire et les condamne à payer à MM. B., L. et V. la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quatorze, signé par M. Terrier, président, et par Mme Berdeaux, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
Source : Editions Francis Lefebvre
Une question en Nos avocats vous répondent gratuitement | 83%de réponse |
Offre et délai minimum transmis par un avocat sur Alexia.fr au cours des 30 derniers jours dans au moins une région.