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C'est en cette période de taux bas et de prix relativement hauts que l'exécutif s'est vu remettre un rapport, passé plutot inaperçu, sur la fiscalité des revenus fonciers en France.
En synthèse, le rapport du Comité Action Publique n°2022, rédigé à l'initiative du Gouvernement mais qui ne devait pas être initialement rendu public, préconise une refonte importante de l'imposition des revenus locatifs privés. Certains régimes d'exception, comme le dispositif Pinel, seraient purement et simplement supprimés. Il en irait de même du régime " loueur en meublé non professionnel " dit LMNP, véritable outil d'optimisation fiscale qui, lorsqu'il est parfaitement maitrisé, présente de nombreux avantages par rapport à d'autres régimes concurrents, que sont principalement les revenus fonciers ou les sociétés à l'IS.
Si pour les particuliers, la rentabilité d'un investissement locatif préoccupe généralement davantage que les considérations fiscales du projet, il ne faut jamais perdre de vue qu'un bon rendement financier peut se révéler in fine bien moindre si le régime fiscal n'a pas été correctement appréhendé.
Il ne s'agit pas ici de réciter des évidences, mais de revenir sur les aspects les plus essentiels, qui font selon moi la force du régime LMNP, et plus qu'une force, une suprématie sur les deux autres principaux régimes fiscaux applicables aux locations d'immeubles.
Nous comparerons dans un premier temps le régime LMNP au régime des revenus fonciers, pour réaliser ensuite le même exercice, plus bref, avec l'impot sur les sociétés. En aucun cas cette étude ne sera exhaustive, elle a seulement pour but d'attirer l'attention des particuliers investisseurs sur les paramètres clefs avant d'effectuer leurs acquisitions.
Qui dit location meublée dit une imposition à l'impot sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), au contraire des locations nues qui relèvent de la catégorie des revenus fonciers (RF).
Partons du principe général selon lequel, dans les deux cas de figure, l'investisseur particulier vient ajouter à son revenu global personnel les recettes (constituées donc des loyers) diminuées des charges déductibles selon les règles, soit des revenus fonciers, soit des bénéfices industriels et commerciaux.
Vous l'aurez compris, au plus le régime fiscal est permissif et autorise la déduction de charges, au plus votre résultat locatif fiscal sera faible, et l'impact en imposition sur votre situation personnelle sera moindre. J'insiste sur le fait que nous parlons bien ici de résultat fiscal, ce qui n'a aucun rapport avec le résultat financier et le cash-flow de votre exploitation.
Or, si l'on s'intéresse en détail aux charges fiscalement déductibles des loyers en matière de revenus fonciers, on s'aperçoit vite que le régime des revenus fonciers est très largement perdant face au LMNP.
La première différence se situe au niveau des frais d'acquisition (couramment désignés sous le vocable "frais de notaire", mais qui sont en grande majorité des impots). Dans la plupart des cas, pour un logement non neuf, ces frais sont d'environ 8% du prix d'achat, ce qui représente une somme non négligeable. En matière de revenus fonciers, ces frais d'acquisition ne sont pas déductibles des recettes locatives. A contrario, si l'on se place sous le régime du LMNP, ces frais sont soit déductibles immédiatement, soit amortissables avec l'immeuble. Si l'on prend pour exemple un bien valorisé à 100.000 euros, cela signifie que dans un cas (les revenus fonciers), 8.000 euros ont été versés sans aucune contrepartie, alors que dans l'autre cas (LMNP), ces 8.000 euros auront procuré une économie d'impot substantielle à l'investisseur.
Évoquons rapidement le traitement fiscal des intérêts d'emprunt. En matière de revenus fonciers, l'idée généralement répandue est que les intérêts sont déductibles sans limitation, ce qui est faux. En réalité, ces intérêts sont déductibles du résultat locatif, mais ne viennent pas s'imputer sur le revenu global du contribuable. En outre, au bout de 10 ans, ces intérêts sont définitivement perdus et ne viennent plus compenser les recettes locatives. La situation est donc plutot défavorable et ne permet pas au particulier d'optimiser le traitement fiscal des emprunts souscrits pour l'acquisition de ses biens. En matière de LMNP, les intérêts d'emprunt sont intégralement déductibles du résultat. Toutefois, comme vous le savez, le déficit créé par une activité LMNP n'est jamais imputable sur le revenu imposable du contribuable, ce qui empêche toute déduction des intérêts du revenu global. Match nul donc sur ce point, entre les revenus fonciers et le LMNP.
Profitons-en au passage pour souligner l'un des rares avantages du régime des revenus fonciers : l'imputation à hauteur de 10.700 euros du déficit foncier sur le revenu global du contribuable, étant rappelé que ce plafond ne comprend jamais les intérêts déductibles (en pratique, le déficit provient très souvent d'importants travaux). C'est un avantage que n'apporte pas le régime du LMNP, dans lequel les déficits ne sont jamais imputables sur l'IR personnel de l'investisseur. Mais là encore, il faut aller au-delà des apparences et des évidences, en rappelant que le LMNP n'est pas un régime de défiscalisation, mais un régime privilégiant le rendement financier à très faible cout fiscal, à l'opposition du régime des revenus fonciers, qui lui sert de support à la défiscalisation, mais n'offre pas un rendement comme l'offre le LMNP.
Le troisième point d'attention est surement le plus important, puisqu'il s'agit de l'amortissement de l'immeuble.
En matière de revenus fonciers, s'agissant d'un investissement locatif défini comme purement patrimonial par le droit fiscal, il est impossible de pratiquer un amortissement. Rappelons pour les néophytes que l'amortissement est une charge fiscalement déductible, mais totalement fictive, qui représente la dépréciation irréversible d'un bien au fil du temps.
En matière de LMNP en revanche, s'agissant d'une catégorie relevant des activités commerciales, le particulier peut amortir son immeuble, et déduire ainsi chaque année un pourcentage du prix d'acquisition. Deux précisions sont importantes à ce sujet. D'une part, l'amortissement ne doit jamais porter sur le terrain qui supporte l'immeuble (fiscalement, on considère qu'un terrain ne peut pas se déprécier. En pratique, l'amortissement porte sur 90% du prix d'acquisition, les 10% correspondant au prix du terrain). D'autre part, le taux d'amortissement n'est pas universel, même s'il est couramment admis qu'il soit d'environ 2.5% pour un local d'habitation. Si l'on reprend notre exemple, sur un bien à 100.000 euros, l'investisseur pourra chaque année déduire pendant 40 ans 2.250 euros du résultat locatif. Cet élément est décisif, et trop souvent occulté par les particuliers investisseurs.
En synthèse, si l'on devait comparer l'imposition des revenus tirés d'une location d'immeuble, selon qu'elle est nue ou meublée, il faudrait remarquer que dans les deux cas certes, le revenu est soumis à l'impot sur le revenu à la tranche marginale d'imposition et aux prélèvements sociaux (par exemple 40% + 17.2%). Toutefois, dans un cas, le revenu imposable additionnel est gonflé par l'application de règles très restrictives quant à la déductibilité des charges (les revenus fonciers), alors que dans l'autre, ce revenu imposable est nul ou quasi nul (les premières années en tout cas) en raison de règles très avantageuses concernant les frais d'acquisition et l'amortissement de l'immeuble (LMNP).
A la revente de l'immeuble, le régime du LMNP ne sera pas défavorable par rapport à celui des revenus fonciers. S'agissant d'une activité commerciale, le pire pourrait être à craindre en matière d'imposition des plus-values, puisque l'on sait que s'appliquent généralement les règles très défavorables des plus-values professionnelles.
Mais cela était sans compter sur le fait que, du point de vue la loi, l'activité de location meublée (lorsqu'elle est non professionnelle) n'entre pas dans le champ des plus-values professionnelles. Elle entre donc dans le champ des plus-values privées, autrement dit, le même régime que celui applicable aux cessions d'immeubles réalisées sous le régime des revenus fonciers. Match nul donc entre les deux régimes, s'agissant de l'imposition du gain à la revente de l'immeuble.
D'autres éléments viennent par ailleurs confirmer le regain d'intérêt justifié que présente le LMNP par rapport aux revenus fonciers, éléments que nous n'aurons pas le temps de développer ici. Relevons une dernière piste d'optimisation supplémentaire, qui consiste à réfléchir sur la double déduction qu'offre le régime du LMNP en matière de frais d'acquisition, lesquels sont déductibles nous l'avons vu une première fois lors de l'acquisition du bien, et pourraient également l'être une seconde fois à la revente, en venant majorer le prix d'acquisition dans le calcul de la plus-value imposable. En effet, les conseils s'accordent à penser que rien ne fait obstacle à cette double déduction, étant donné que la première relève du régime BIC, alors que la seconde relève du régime des plus-values immobilières privées. Une analyse particulière de chaque cas est cependant nécessaire, pour savoir vérifier la concordance dans régimes dans le temps et s'assurer que notre interprétation de la doctrine de l'administration fiscale est bien la bonne. Je ne peux que conseiller de ne pas prendre de risque inconsidéré en la matière (par exemple, la double déduction est bien moins évidente si l'immeuble est cédé sous régime des revenus fonciers après avoir été acquis en régime LMNP).
Il est une mode aujourd'hui que de vouloir absolument investir via une société à l'IS. Les principaux avantages mis en avant seraient les suivants : un taux d'imposition favorable (15% sur une partie du résultat, souvent 28% sur la tranche supérieure, avec un taux ramené à 25% à horizon 2022) et l'absence de prélèvements sociaux à 17.2%.
Présenté comme cela, il est clair que l'investissement en SAS à l'IS par exemple, est bien plus avantageux que l'investissement en LMNP, où rappelons-le, les revenus sont directement intégrés au revenu imposable du particulier et imposés très souvent à plus de 45%.
Soyons en revanche très clairs en affirmant que, du point de vue de l'impot sur la fortune immobilière, inscrire l'immeuble à l'actif d'une société n'a aucune incidence et ne permet pas d'échapper à l'imposition.
Rappelons également qu'en matière d'IS, les règles de déductibilité des charges sont celles des bénéfices industriels et commerciaux, autrement dit quasi identiques à celles exposées en matière de LMNP. Ce principe connait une exception : les intérêts d'emprunt sont déductibles du résultat comme en régime LMNP, mais la limitation dans le temps à 10 ans n'est pas applicable. En effet, les règles relatives à l'impot sur les sociétés prévoient que le déficit fiscal est reportable en avant sans limitation de durée, ce qui signifie que l'intégralité du cout financier de votre emprunt pourra servir à compenser les revenus locatifs, et donc diminuer l'imposition. En pratique, je nuance toutefois cette affirmation, puisqu'il faut constater que le pourcentage de déductibilité des charges en régime LMNP, permet déjà d'utiliser l'intégralité des intérêts d'emprunt pour compenser les recettes locatives.
Un autre point, beaucoup plus technique et délicat à développer en peu de mots, fait de la structure à l'IS un choix fiscalement avantageux : l'inapplicabilité des dispositions de l'article 39 C du code général des impots, qui limite la part déductible des amortissements des biens loués lorsque l'amortissement accroit un résultat déficitaire. Cette règle prévoit en substance qu'une personne physique donnant en location un bien ne pourra créer un déficit commercial grâce à la dotation aux amortissements (au plus, le résultat sera donc de 0). En matière d'IS, ces dispositions ne sont pas applicables, et le déficit fiscal comprend bien 100% des amortissements constatés sur le bien loué. Là encore, relativisons les choses. Cet article qui, a priori, limite l'intérêt de recourir au LMNP pour déduire des charges d'amortissement ne crée qu'un report dans le temps de déductibilité. En effet, les amortissements non déductibles en vertu de l'article 39 C sont reportés en avant, comme un déficit, sans aucune limite de durée. On peut même trouver dans cette règle un intéressant outil d'optimisation fiscale, consistant à mettre en réserves un stock important d'amortissements pendant les premières années (années durant lesquelles la déduction des frais d'acquisition et des intérêts notamment, permet de suffisamment compenser l'encaissement des loyers), pour l'utiliser dans la seconde partie de l'investissement, une fois que le déficit tiré des frais d'acquisition et des intérêts dégressifs commence à se raréfier.
L'investissement à l'IS pourrait donc à première vue faire jeu égal avec le régime LMNP.
Toutefois, il ne faut pas occulter qu'en investissant dans une structure à l'IS, les recettes locatives imposées au niveau de la société ne sont pas encore dans le patrimoine de l'investisseur. Une distribution de dividendes sera par exemple nécessaire, or une telle opération est désormais imposée à 30% (prélèvement forfaitaire libératoire de 12.8%, prélèvements sociaux à 17.2%). Le même traitement sera réservé à un éventuel rachat de titres et réduction de capital par le particulier associé personne physique. Les autres schémas envisageables pour distribuer à l'associé investisseur la trésorerie existant dans la société n'offrent pas plus de possibilités.
En conséquence, comparer l'imposition des revenus en régime LMNP à l'imposition des revenus à l'IS nécessite une analyse plus fine et détaillée que celle généralement servie au grand public. En aucun cas il ne faut comparer l'imposition de revenus qui ne sont pas perçus par la même personne.
Le point d'attention, marquant la différence entre le LMNP et la structure IS se situe au stade de la cession, puisqu'en investissant à l'IS, le particulier doit savoir que, lors de la revente de l'immeuble, le régime fiscal applicable au gain sera celui des plus-values professionnelles. Or, ce régime prévoit que la plus-value est égale à la différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable, c'est-à-dire le prix d'acquisition diminué des amortissements. Or, plus le prix d'acquisition est faible, plus la plus-value sera importante. On l'aura vite compris, au plus la société à l'IS conservera l'immeuble, au plus le gain taxable sera important, et la faiblesse des taux ne pourra rattraper cet écart avec le régime des plus-values privées, qui lui au contraire est de plus en plus avantageux au fil du temps.
En effet, l'imposition des gains immobiliers réalisés par les particuliers dans le cadre de leur gestion patrimoniale est rendue décroissante par l'application d'abattements pour durée de détention (ce qui n'est pas le cas dans une société à l'IS). En outre, nous avons vu que le second terme de la différence dans le calcul de la plus-value (le prix d'acquisition), pouvait être majoré (et le gain imposable donc réduit) des frais d'acquisition, et parfois même des travaux réalisés.
En synthèse du match LMNP v/ société IS, on peut encore une fois dire que le LMNP remporte la partie, grâce à un circuit d'imposition direct et moins couteux qu'à l'IS. Surtout, il permettra au particulier investisseur de conserver une grande partie de son prix de cession lors de la revente, ce qui est beaucoup moins évident dans une structure à l'IS. Vous noterez d'ailleurs qu'à l'IS, une moins-value économique peut très bien donner lieu à une plus-value fiscale, et donc taxable. Prudence donc !
Bien évidemment, ces éléments sont très généraux, et il est impossible de dire si cette vérité "générale" sera votre vérité et s'appliquera à la lettre à votre cas particulier. Pour cela, une analyse précise de votre situation patrimoniale, et surtout de vos objectifs, est nécessaire et primordiale.
Il n'en demeure pas moins que le LMNP est une véritable niche, ce qui n'a pas manqué d'attirer l'oeil des parlementaires et des exécutifs successifs. Ce que l'on peut craindre désormais, c'est la suppression de ce régime pour l'avenir, avec pour unique choix désormais, le régime des revenus fonciers ou d'une structure à l'IS.
Le rapport remis suite à la consultation du Comité Action Publique 2022 préconise la suppression pure et simple du régime LMNP, lequel serait remplacé par un régime d'imposition de droit commun. A ce stade, il faut préciser que ce rapport n'est en aucun cas contraignant pour le Gouvernement, et il serait bien présomptueux que d'affirmer dès maintenant la fin du régime LMNP. Il faudra pour cela attendre le mois de septembre et la fin d'année 2018, pour voir si le Gouvernement et le Parlement adoptent un budget 2019 en retenant les préconisations du rapport. Je reste bien entendu à votre disposition pour toute la durée des débats parlementaires, pour vous tenir informés de l'avancement des travaux et de l'inscription des solutions proposées par le rapport dans le projet de loi de finances pour 2019.
Le rapport précise que le nouveau régime de droit commun autoriserait la déduction d'une charge fictive d'amortissement, ce qui serait a priori une bonne nouvelle et synonyme du maintien d'un élément essentiel qui a fait la force du régime actuel LMNP.
Le rapport préconise aussi la fin de l'imputation des intérêts d'emprunt sur le revenu imposable. On a du mal à concevoir où veut en venir le rédacteur, puisque ces intérêts d'emprunt ne sont déjà pas déductibles du revenu imposable. En effet, on rappelle qu'en matière de revenus fonciers, les intérêts d'emprunt participent à la formation du résultat locatif, mais ne viennent jamais créer un déficit imputable sur le revenu global du contribuable. Tout au plus, ils viennent compenser un montant de recettes locatives trop important, et ainsi empêcher une trop grande majoration du revenu imposable.
Le rapport ne statue en revanche pas sur le traitement des plus-values immobilières, et pour cause, ce régime apparait comme un totem historique. Il y a fort à parier que dans le nouveau régime, s'il devait être mis en place, les plus-values resteraient soumises au régime des plus-values privées (imposition au taux forfaitaire de 36.2%).
Supprimer le régime du LMNP répondrait selon le rapport à des considérations de politique économique et sociale, les retours sur l'utilité du cadre juridique et fiscal précédemment décrit n'étant pas bons.
Personne ne sera pour autant dupe. Le régime du LMNP est bien la nouvelle cible à abattre pour Bercy, une cible qui, si elle devait succomber, n'aurait jamais connu auprès des particuliers un succès à la hauteur de son potentiel.
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