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L'appréciation stricto sensus des faits, seulement les faits et rien que les faits, c'est dans cet esprit que la Cour d'appel de Lyon a rendu son arrêt le 20 septembre 2013.
En l'espèce, Madame D, occupant le poste de responsable de magasin à Montbrison au sein d'une société de distribution depuis presque 13 ans s'était plainte durant son arrêt maladie du harcèlement moral qu'elle subirait de la part de son délégué régional.
Elle lui reprochait de l'accabler de multiples critiques, de la dévaloriser, de prendre des photos sur la tenue de son magasin et de multiplier les visites sur place. Elle concluait son courrier en ces termes : " vos méthodes auront raison de ma santé et de ma motivation ?".
Le jour même, la salariée adressait la même lettre à la Directrice des Ressources Humaines du groupe tout en lui demandant de saisir le CHSCT (Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail).
Trois jours après, la Directrice des Ressources Humaines répondit à la salariée qu??"??une enquête allait être diligentée par la société tout en lui précisant que l'instance chargée de traiter des problématiques afférentes au harcèlement était une cellule ad'hoc qui regroupait entre autre le médecin du travail et des membres du CHSCT.
Madame D n'avait toutefois pas jugé utile de saisir l'instance en question.
Quelques jours plus tard, le délégué régional qui ne pouvait tolérer des accusations de harcèlement moral, précisait à la salariée que les visites au magasin ainsi que la prise de photos sur la tenue du magasin faisaient parties intégrantes de ses fonctions et lui rappelait qu'il lui avait proposée son aide pour clarifier la situation compliquée avec son équipe de magasin.
En parallèle, l'employeur avait poursuivi son enquête et avait découvert, à travers les témoignages de l'ensemble des collègues de la salariée, que celle-ci, loin d'être harcelée par son délégué régional faisait vivre un cauchemar à ses collègues de travail.
En effet, selon les témoignages de ses collègues, la salariée tenait des propos déplacés et humiliants tant à l'égard de ses collègues que de son employeur, introduisait des personnes étrangères dans le magasin, passait son temps en conversation privée et s'affranchissait de toutes les procédures applicables au sein de la société et de toutes les formations de son équipe.
Ces faits ont conduit alors la société à engager une procédure de licenciement et à notifier à la salariée un licenciement pour faute grave et ce, malgré treize années de bons et loyaux services sans le moindre passé disciplinaire.
La salariée a contesté son licenciement devant le Conseil de Prud'hommes.
En première instance, la salariée insistait notamment sur ses treize années d'ancienneté et sur son absence de passé disciplinaire pour considérer que les faits ne pouvaient pas justifier son licenciement pour faute grave.
Elle soutenait qu'eu égard à son ancienneté, pour certains griefs reprochés, son employeur avait d'une certaine manière toléré son comportement, et ne pouvait plus la sanctionner désormais.
Enfin, elle réitérait avoir subi des agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de son délégué régional.
Par jugement du 27 novembre 2012, le Conseil de Prud'hommes de Montbrison a jugé que le licenciement de Madame D était abusif et que le harcèlement moral invoqué par la salariée était avéré.
Estimant que les motifs étaient infondés, la société avait alors régulièrement interjeté appel devant la Cour d'appel de Lyon.
En cause d'appel, la société reprenait tous les témoignages existants pour démontrer que la salariée avait eu un comportement incompatible avec ses fonctions de responsable de magasin.
La Cour d'appel de Lyon a pris en compte les pièces versées aux débats par chacune des parties pour apprécier si les faits de harcèlement moral invoqués par la salariée étaient justifiés.
Pour tenter de démontrer le harcèlement moral, la salariée avait produit aux débats ses différents échanges avec son employeur dans lesquels elle alertait sur des faits de harcèlement moral, un rapport négatif rédigé par son délégué régional, les témoignages des clientes du magasin ainsi que les arrêts maladie prescrits par son médecin mentionnant qu'elle était en dépression suite à un harcèlement moral.
Quant à la société C, elle avait notamment produit aux débats, les photos prises par le délégué régional du magasin de Montbrison, les témoignages de toutes les collègues qui démontraient la motivation de la salariée et un comportement incompatible avec ses fonctions de responsable de magasin.
Après confrontation des pièces, les conseillers ont considéré qu'il n'y avait pas de harcèlement moral au motif que le délégué régional était le supérieur hiérarchique de Madame D, que la société C avait versé aux débats des attestations régulières en la forme et circonstanciées qui justifiaient tous les griefs reprochés.
Ils ont également relevé que:" si le médecin traitant de Madame D a pu diagnostiquer une pathologie dépressive, il n'a pu en imputer l'origine au travail, n'étant pas témoin direct des faits et n'ayant qu'entendu les seules observations de sa patiente ?".
Sur le licenciement, la Cour a jugé que ?" les seules manquements commis par Madame D de propos déplacés tenus tant à l'égard de l'employeur que des salariés du magasin, d'introduction répétée de personnes étrangères à l'entreprise sur son lieu de travail, de conversations privées incessantes pendant le temps de travail sont caractérisés par des attestations circonstanciées versées aux débats et sont d'une gravité telle, s'agissant d'une responsable de magasin expérimentée, chargée d'animer une équipe et de montrer l'exemple, qu''ils justifient le prononcé d'un licenciement pour faute grave.
Que l'absence de passé disciplinaire ainsi que l'ancienneté de la salariée ne sauraient enlever aux faits commis leur gravité ?".
Une décision de la Cour d'appel de Lyon appréciable et rassurante pour les employeurs tant sur le harcèlement moral que sur le licenciement pour faute grave.
Sur le harcèlement moral, la reconnaissance des faits de harcèlement s'apprécie en confrontant les pièces versées de part et d'autre, tandis que la production d'arrêts maladie mentionnant une dépression ne saurait suffire à démontrer le lien entre la maladie et les faits invoqués.
Sur le licenciement pour faute grave, l'employeur peut exercer son pouvoir de direction et sanctionner un salarié en cas de manquement de celui-ci. L'absence de passé disciplinaire tout comme l'ancienneté ne peuvent constituer un blanc seing pour un salarié.
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