Madame,
L’article 373-2-11 du Code civil dit que lorsque le juge aux affaires familiales se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, il prend notamment en considération :
- La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure,
- Les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil,
- L’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre,
- Le résultat des expertises éventuellement effectuées tenant compte notamment de l’âge de l’enfant,
- Les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 du Code civil,
- Les pressions ou violences à caractère physique ou psychologique exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.
Le juge des affaires familiales a besoin dans nombre de dossiers de divorces et de séparations, d’informations objectives et actualisées sur l’environnement des enfants, afin de statuer sur l’autorité parentale, la fixation de la résidence alternée ou non, le droit de visite et d’hébergement classique, restreint ou élargi, le montant de la contribution à l’éducation et à l’entretien.
Le juge aux affaires familiales est en effet de plus en plus confronté à des conflits parentaux complexes de nature différente. L’entretien avec les parties à l’audience et les pièces communiquées sont bien souvent insuffisants pour éclairer le JAF.
Les différentes formes de parentalité, l’homoparentalité, l’immaturité parentale avec des parents adolescents, le déni de parentalité, le déni de paternité, le refus de l’enfant d’aller chez un parent, les aliénations parentales, les conflits culturels, les parents de bébé séparés, un parent expatrié, un parent étranger, la revendication d’un droit de visite d’un ascendant ou d’un tiers non parent, autant de situations ayant un impact direct sur la vie des enfants que le JAF doit analyser.
L’article 373-2-12 du Code civil prévoit qu’avant toute décision fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale du droit de visite ou confiant les enfants à un tiers, le juge peut donner mission à toute personne qualifiée d’effectuer une enquête sociale.
Une liste des enquêteurs sociaux ayant vocation à être désignés en application des articles 1072, 1171 et 1221 du Code de procédure civile, est dressée tous les cinq ans dans le ressort de chaque Cour d’appel.
Le décret n°2009-265 du 12 mars 2009 stipule que l’enquêteur social doit avoir moins de 70 ans, et avoir exercé pendant un temps suffisant une profession ou une activité, notamment dans le domaine social ou psychologique en relation avec l’objet des enquêtes sociales.
L’article 1 al 3 du décret stipule aussi que le juge peut le cas échéant désigner toute autre personne qualifiée de son choix.
Aucune précision n’est toutefois apportée sur la qualification.
Il n’existe pas actuellement de diplôme d’Etat ou de diplôme spécialisé. Pourtant l’enquêteur social doit cumuler dans l’exercice de sa mission des connaissances juridiques, sociales et psychologiques.
Le juge aux affaires familiales peut ordonner d’office une enquête sociale lors d’une audience de tentative de conciliation d’une procédure de divorce, lors d’une audience d’incident, lors d’un référé JAF, ou d’une requête JAF.
Les parties peuvent solliciter aussi une enquête sociale.
Le juge aux affaires familiales peut rejeter la demande des parties en motivant son refus.
L’article 1072 du Code de procédure civile indique que l’enquête sociale porte sur la situation de la famille ainsi que sur, le cas échéant, les possibilités de réalisation du projet des parents ou de l’un d’eux quand aux modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Elle donne lieu à un rapport où sont consignées les constatations faites par l’enquêteur et les solutions proposées par lui.
Le juge donne communication du rapport aux parties en leur fixant un délai dans lequel elles auront la faculté de demander un complément d’enquête ou une nouvelle enquête.
Après le dépôt du rapport d’enquête sociale, les parties et leurs avocats sont convoqués à nouveau devant le juge aux affaires familiales.
Comment est réalisée l’enquête sociale ?
L’enquête sociale est réalisée selon un référentiel d’actes prévu par le décret n° 2009-285 du 13 janvier 2011 et défini par l’ arrêté du 13 janvier 2011 du ministre de la justice.
L’article 2 de l’arrêté du 13 janvier 2011 emploie le terme de trame.
L’enquêteur social doit prendre l’initiative de recueillir tous les éléments visant à éclairer le juge. Il ne faut pas hésiter à compléter la trame jouant plus le rôle de guidelines.
Le caractère intrusif de l’enquête sociale peut être mal supporté.
L’enquêteur social doit expliquer les modalités du jugement avant-dire droit, de la mesure et de son intervention.
Il doit maîtriser les situations d’entretien. Anticiper sur les résistances et les rétentions d’informations.
L’enquêteur social doit réaliser deux entretiens avec chaque parent. Un entretien se déroule au domicile. Une difficulté se pose lorsqu’un parent habite hors du ressort du tribunal, à grande distance ou à l’étranger. Il faut en pratique missionner un autre intervenant. Se pose le problème de la méthodologie de l’enquête et de son unité sans parler des délais pendant lesquels la situation des parents et de l’enfant peuvent évoluer, rendant caduques certaines informations au moment du dépôt du rapport.
La tâche de l’enquêteur est difficile si un des parents est détenu, hospitalisé ou ne parlant pas français.
L’enquêteur social doit identifier la composition de la famille.
Reconstituer le parcours familial et social voire judiciaire des parents.
La nature de leurs activités professionnelles. S’ils travaillent à temps partiel, à temps complet, de jour ou de nuit. A quelle distance kilométrique de leur domicile.
Leur disponibilité.
Si les parents peuvent bénéficier d’une aide d’autrui pour les enfants.
Il doit connaître les caractéristiques de leur logement. Les conditions d’accueil des enfants.
La situation financière. Les ressources et les charges.
Le justiciable a tout intérêt avec l’aide de son avocat à lister les pièces afin de faciliter l’enquête sociale. Certaines attestations, certaines main-courantes, certains dépôts de plainte, peuvent éclairer l’enquêteur social.
L’enquêteur social et le dossier médical
La trame précise que l’enquêteur social doit prendre contact avec les médecins et les thérapeutes. Cette prise de contact peut se faire par courrier, par questionnaire ou par téléphone. Mais on imagine mal un médecin violer le secret professionnel par téléphone sans pouvoir identifier la qualité exacte de son interlocuteur.
Lorsqu’un des parents souffre d’une pathologie évoquée dans la procédure et susceptible d’avoir un impact sur ses droits, il est utile de transmettre certaines pièces à l’enquêteur social.
Le dossier médical unique n’existe pas. Le justiciable devra faire les démarches suffisamment à temps auprès de chaque professionnel médical concerné pour la communication de son dossier.
Concernant le dossier médical d’un mineur, peuvent consulter le dossier d’un patient mineur, le mineur lui-même et son représentant légal. Il incombe à ce dernier de transmettre à l’enquêteur social les informations médicales utiles.
Si le mineur reçoit des soins à l’insu de ses parents, il peut s’opposer à ce que le médecin communique son dossier. [1] L’enquêteur social ne bénéficiera d’aucune information dans ce cas.
Les pathologies psychiatriques, dépression, ou autres maladies, tentatives de suicide anciennes ou non, sont souvent des motifs de saisine du JAF. Par conséquent, le justiciable souhaitant communiquer à l’enquêteur social, des pièces médicales, démontrant une guérison, un état stable, une situation s’améliorant, une observance du traitement, un suivi spécifique, compatible avec la résidence d’un enfant ou avec un droit de visite et d’hébergement, doit respecter certaines règles pour récupérer son dossier médical.
En psychiatrie, en cas d’hospitalisation d’office ou sur demande d’un tiers, le détenteur des informations peut estimer que la communication doit avoir lieu par l’intermédiaire d’un médecin. Dans ce cas, il en informe l’intéressé. Si le demandeur refuse de désigner un praticien, le détenteur des informations saisit la commission départementale des hospitalisations psychiatriques. Le demandeur peut également saisir cette commission de son côté. L’avis de celle-ci est notifié au demandeur et au détenteur des données. Il s’impose à eux conformément à l’article L.1111-7 du Code de la santé publique.
Le concubin
L’enquêteur doit rencontrer le concubin éventuel. Vérifier dans la mesure du possible son parcours et dresser un profil. Eventuellement rencontrer les enfants du concubin vivant au domicile commun et les enfants vivant au foyer de l’ex-concubin s’il bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement en tant que tiers non parent, sur le fondement de l’article 371-4 du Code civil.
L’audition des enfants reste la tâche la plus sensible et la plus complexe.
L’audition de l’enfant par l’enquêteur social
Le juge aux affaires familiales peut en effet décider d’auditionner l’enfant lui-même dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code civil mais aussi d’attribuer cette mission à l’enquêteur social.
L’enquêteur social doit prendre contact avec les enseignants, la protection maternelle et infantile, les thérapeutes.
L’enfant doit avoir la capacité de discernement. Aucun seuil d’âge n’est prévu par la loi. L’enfant est un enjeu pour beaucoup de parents. Il est fréquemment dans un conflit de loyauté. Dans une position d’arbitre. Potentiellement manipulable. Il faut amener l’enfant à parler de sa vie familiale, de son environnement. De ses copains. De ce qu’il aime, de ce qu’il n’aime pas.
L’enquêteur social doit dire à l’enfant que ses déclarations peuvent ne pas être retranscrites ou seulement partiellement s’il le souhaite.
Le climat de confiance est indispensable pour recueillir la parole de l’enfant.
Concernant les adolescents, l’enquêteur social doit être à même de remarquer une conduite à risques potentiellement plus grande chez l’un ou l’autre des parents.
L’enquêteur social et le juge des enfants
Le juge des enfants est parfois amené à prendre certaines mesures de protection d’un mineur concerné par une enquête sociale.
La communication des pièces n’est pas des plus aisées.
L’article 1187-1 du Code de procédure civile dit en effet que le juge des enfants communique au juge aux affaires familiales ou au juge des tutelles, les pièces qu’ils sollicitent quand les parties à la procédure devant ces derniers ont qualité pour consulter le dossier.
Le juge des enfants peut ne pas transmettre certaines pièces lorsque leur production ferait courir un danger physique ou moral grave au mineur, à une partie ou à un tiers.
Conformément aux articles 1072-2 et 1321-2 du Code de procédure civile, le juge aux affaires familiales ou le juge des tutelles transmettent copie de leur décision au juge des enfants ainsi que de toute pièce que ce dernier estime utile.
Le juge des enfants a donc un pouvoir d’appréciation dans la communication des pièces au juge aux affaires familiales alors que ce dernier doit communiquer l’intégralité de son dossier au juge des enfants.
L’enquêteur social doit pouvoir se repérer dans les procédures parallèles devant le juge aux affaires familiales et le juge des enfants. Il doit être informé d’une procédure devant le juge des enfants.
Le juge aux affaires familiales doit l’orienter et faire le point avec lui à chaque fois qu’il le demande même si les emplois du temps sont surchargés.
L’objectif est que l’enquêteur social bénéficie de toutes les informations nécessaires pour faire des propositions au juge aux affaires familiales.
L’enquête sociale dans la cause du divorce
L’article 373-2-12 du code civil interdit d’utiliser l’enquête sociale dans la cause du
divorce alors que les conclusions d’une expertise médico-psychologiques peuvent être utilisées au titre des causes de divorce en tant que griefs ou autres.
Le secret professionnel
L’enquêteur social, indépendant, objectif, est tenu en outre au secret professionnel conformément à l’article 226-13 du code pénal.
Le coût d’une enquête sociale
Les décrets n°2009-285 du 12 mars 2009 et n°2013-770 du 26 août 2013 fixent les tarifications des enquêtes sociales. La rémunération des enquêteurs sociale est très disproportionnée par rapport à ce qu’on exige d’eux. D’où les difficultés de les recruter et de les conserver.
La demande de contre-enquête ou d’une nouvelle enquête
L’article 373-2-12 du Code Civil permet à une partie de solliciter une contre-enquête ou une nouvelle enquête.
Mais le juge n’est pas tenu d’y faire droit.
Il faut motiver la demande de contre-enquête et de nouvelle enquête. Il faut prouver par exemple que l’avis de certaines personnes aurait dû être sollicité. Ou apporter la preuve d’une mauvaise appréciation de certains éléments. Ou bien des évolutions très importantes de la situation rendant caduques les propositions de l’enquêteur social. Ou bien des confusions dans les états-civils et des erreurs de rédaction. Ou bien un parti pris et une absence d’objectivité. L’enquêteur social peut être récusé dès sa nomination si son professionnalisme est défaillant.
L’article 276 du Code de Procédure Civile dit que l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties et lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Certains enquêteurs sociaux adressent aux parties un pré-rapport, permettant d’affiner certains points.
Quand les parties considèrent qu’elles ont été entendues, et que leurs observations ont été prises en considération, le rapport d’enquête sociale est beaucoup mieux appréhendé et accepté.
Les demandes de contre-enquête et de nouvelle enquête sont alors peu fréquentes.
Le rapport d’enquête sociale est une étape primordiale dans une procédure. L’enquêteur social doit analyser la problématique du dossier. Confronter la position de chaque parent.
Le juge attend ses propositions.
Mais le magistrat n’est pas lié. Il peut ne pas suivre les conclusions de l’enquêteur social, parfois trop prudentes ou peu motivées.
Si la question est résolue, merci de l'indiquer