Un premier biais est celui de la prestation réservée.
Telle que rédigée, l'ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020 est
applicable à des prestations touristiques (hébergement ou forfait
touristique), mais pas à des réservations de titre de transport. C'est
pourquoi les compagnies aériennes remboursent les billets des vols
annulés. Or, de nombreux sites de type " comparateur de vols " tentent
de se prévaloir systématiquement de l'ordonnance du 25 mars 2020 pour
éviter d'avoir à rembourser immédiatement leurs clients.
Le caractère systématique nous semble pour le moins contestable.
Lorsque la prestation se résume à la réservation d'un vol, il ne s'agit
pas d'un forfait touristique tel que prévu par l'article L.211-2 du Code
du tourisme. Il faudrait que le consommateur ait réservé une prestationcomplémentaire (Vol + Hôtel par exemple). Mais en l'état d'une simple
réservation de vol, l'ordonnance 2020-315 du 25 mars 2020 n'est pas
applicable. Le professionnel ne peut donc pas contraindre le
consommateur à un avoir sur 18 mois. Il doit rembourser immédiatement si
le consommateur le souhaite.
Un autre biais est celui des conditions générales de vente.
En effet, il n'est pas rare que les entreprises du secteur décident
de soumettre leurs services à une règlementation étrangère plutôt qu'au
droit français. Tel est notamment les cas des Conditions Générales de
KAYAK (Droit suisse), BRAVOFLY (Droit suisse), SKYSCANNER (Droit
anglais), TRIP ADVISOR (Droit américain ? Massachussetts), ou encore
BOOKING (Droit néerlandais). Cela est très simple à vérifier. Il suffit
de parcourir les Conditions Générales de Vente ou les Conditions
Générales d'Utilisation (dont un exemplaire sur support durable a dû
être fourni au consommateur ou que le consommateur peut retrouver en
ligne sur le site du professionnel). La clause concernée est
généralement intitulée " Droit applicable " ou " Loi applicable ",
généralement stipulée à la fin du document. S'il n'y a pas de telle
clause, il convient de vérifier la clause " Dispositions Générales ",
elle aussi située en toute fin de document.
Ces clauses ne sont pas totalement efficaces car, en droit de la
consommation, tout consommateur français peut revendiquer les règles
françaises relevant de l'ordre public de protection en application du
Règlement Rome I. En définitive, en présence d'une clause optant pour
un droit étranger conduit à l'application de deux droits : le droit
français pour tout ce qui concerne l'ordre public de protection du
consommateur, et le droit étranger pour tout le reste.
C'est précisément sur cette distinction qu'il est possible de jouer.
L'ordonnance du 25 mars 2020 n'est pas selon nous une règle relevant de
l'ordre public de protection. Il ne vient pas fournir une protection
impérative au consommateur selon les dispositions du Règlement Rome. Il
vient au contraire déroger aux droits normaux du consommateur pour
permettre au professionnel de ne pas procéder au remboursement immédiat.
L'ordonnance ferait donc partie du bloc de disposition que l'on peut
écarter par une clause des conditions générales. Le professionnel ne
pourrait ainsi s'en prévaloir que s'il a opté pour le droit français
dans ses conditions générales. S'il a opté pour un droit étranger, il ne
devrait pas pouvoir ? en toute logique ? se prévaloir d'une dispositionqu'il a lui-même exclu dans ses CGV.