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Le cédant d'un fonds de commerce est tenu à certaines obligations d'information concernant l'exploitation du fonds cédé. En effet, la réticence du vendeur à fournir certaines informations peut entrainer la nullité de la cession du fonds de commerce. C'est ce qu'a rappelé la Chambre commerciale économique et financière de la Cour de cassation le 6 Janvier 2021 (n° 18-25.098) ; l'absence d'information du vendeur sur certains éléments relatifs aux modalités d'exploitation du fonds entraine ainsi la nullité de la cession.
A. L'obligation d'information comme conséquence de la loyauté contractuelle
Le devoir de loyauté contractuelle affirmé dans la solution de la Cour de cassation est une constante de la bonne foi ; il justifie les limitations à la liberté contractuelle et régit les relations entre les cocontractants. Ce devoir prévaut même antérieurement à la conclusion du contrat : la loyauté dans les relations contractuelles implique que certaines informations doivent être portées à la connaissance des futurs contractants, avant même que la cession d'un fonds de commerce ait lieu.
Toutes les informations ne doivent pas être obligatoirement portées par le cédant du fonds de commerce au cessionnaire. Par conséquent, le Code civil consacre et encadre l'obligation d'information précontractuelle au sein de l'article 1112-1 : celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Il est donc essentiel de connaitre la nature des informations qui doivent être communiquées par le cédant, afin de satisfaire à l'obligation de loyauté qui prévaut dans tout contrat.
En l'espèce, la cour d'appel a considéré que la société C auraient dû porter à la connaissance de la société G les dispositions du règlement de copropriété de l'immeuble.
En effet, la lecture des dispositions dudit règlement de copropriété révèlent que sont exclus les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs et les conséquences d'une contravention à ces dispositions, ainsi que la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 11 mai 1989 indiquant que l'activité de consommation de plats cuisinés était tolérée à condition qu'aucune clientèle ne soit accueillie sur place après 20 heures.
La cour d'appel a donc prononcé l'annulation pour dol de l'acte de cession du fonds de commerce de restauration et du bail commercial.
L'omission par un vendeur d'une information déterminante auprès de l'acheteur va à l'encontre de l'obligation légale de loyauté contractuelle. C'est donc la nature de l'information qui détermine si celle-ci doit être révélée ou non. Or, selon l'article 1112-1 du code civil, ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
La question est donc de savoir si, en matière de cession de fonds de commerce, les informations présentes dans le règlement de copropriété étaient d'une importance déterminante, avec un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat.
L'article L. 141-1 du Code de commerce met à la charge du cédant d'un fonds de commerce une obligation d'information relative aux principaux attributs et caractéristiques du fonds. Par conséquent, les informations relatives à l'exploitation et les caractéristiques du fonds de commerce sont d'une importance déterminante.
Or, la Cour de cassation rappelle que le règlement de copropriété de l'immeuble dans lequel se trouve le fonds de commerce vendu à la société G mentionne, concernant les locaux affectés à un usage commercial, que sont exclus les commerces de nature à gêner les autres copropriétaires par le bruit ou par les odeurs, que les baux consentis par les propriétaires devront contenir la déclaration par les locataires de ce qu'ils se soumettent à l'obligation de se conformer à toutes les dispositions du règlement de copropriété et du règlement intérieur sous peine de résiliation des baux, et qu'en cas d'inobservation par un locataire et après un deuxième avertissement donné par le syndic au copropriétaire, celui-ci sera tenu de donner congé à son locataire et d'en poursuivre l'expulsion.
Cela excluait toute fabrication de plats sur place et interdisait toute activité de restauration traditionnelle, donc l'impossibilité d'ouvrir le restaurant le soir. La société C n'a pas informé la société G des conditions d'exploitation du fonds de commerce, or, cette information était déterminante car elle permettait à la cessionnaire de connaitre les imitations d'exercice de son activité de restauration. Le cédant n'a donc pas respecté l'obligation d'information relative aux principaux attributs et caractéristiques du fonds.
L'omission de la société G est donc caractérisée, cette dissimulation porte sur une information déterminante, de plus, elle est intentionnelle, la sanction est donc la nullité de la cession.
A. Réticence dolosive et intention de tromper du vendeur
Selon l'article 1137 du Code civil, constitue un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
La solution de la Cour de cassation met en lumière le fait que la société C connaissait le contenu du règlement de copropriété ainsi que les termes de la décision de l'assemblée générale du 11 mai 1989. Elle connaissait donc le caractère déterminant de l'information pour la société G, qui souhaitait exploiter un fonds de commerce de restauration sans restrictions.
Or, la société C ne démontre pas avoir porté à la connaissance de la société G que le fonds cédé ne pouvait être exploité qu'à certaines conditions.
L'obligation légale de loyauté contractuelle imposait à la société C de porter à la connaissance de sa cocontractante la décision de l'assemblée générale qui avait une incidence directe sur les conditions d'exploitation du fonds, comme l'avaient fait à son égard les précédents propriétaires. Cela corrobore le fait que la société pouvait légitimement ignorer cette information ou faire confiance au vendeur. En effet, ce dernier vend un fonds de commerce de restauration, l'acheteur n'est pas supposé savoir que l'activité de restauration est exclue après 20 heures. Il pouvait donc légitimement ignorer cette information.
En ce qui concerne la réticence dolosive du vendeur, cette dernière doit être intentionnelle. En l'espèce, la connaissance de l'information par les vendeurs est établie, il appartenait donc au cessionnaire de rapporter la preuve du caractère intentionnel du dol pour que ses deux éléments constitutifs(connaissance et intention) soient caractérisés et la réticence dolosive des vendeurs retenue.
Le silence n'a pas toujours un caractère intentionnel. En effet, lorsque les pièces versées aux débats attestent du caractère déterminant de l'information et de leur répercussion sur leur fonds de commerce, mais qu'elles ne prouvent pas que les vendeurs étaient au courant, avant la vente du fonds, de l'affectation de ces informations sur le bien vendu ; alors les vendeurs peuvent omettre en toute bonne foi d'informer les acquéreurs dès lors que, pour eux, il était évident que ceux-ci en avaient connaissance (Cass. 3e civ., 21nov. 2019, n° 18-22.128).
La nullité d'une cession d'un fonds de commerce pour réticence dolosive ayant vicié le consentement de l'acquéreur lors de la signature de l'acte de cession, a pour effet d'annuler la cession et donne au cessionnaire le droit d'obtenir la restitution de l'intégralité des sommes qu'il avait versées lors de la cession.
Le consentement de la société G a en effet été vicié car, si elle avait eu connaissance du règlement de copropriété limitant l'activité de restauration le soir, il est évident qu'elle n'aurait pas contracté, ou aurait contracté dans des conditions différentes.
Or, on constate que le cédant n'a pas fourni l'information alors qu'il avait connaissance du procès verbal de l'assemblée générale des copropriétaires. D'autre part, la société C avait été prévenue par les anciens propriétaires du fonds lors de la cession en 2004. Pourtant elle n'a pas avisé le cessionnaire de cette situation, lequel pouvait légitimement ignorer que l'activité de restauration était exclue après 20 heures par le règlement de copropriété. On peut donc déduire que le cédant a trompé intentionnellement le cessionnaire pour l'amener à conclure la cession du fonds de commerce, accompagné du bail commercial.
La Cour de cassation confirme l'intention du vendeur de tromper l'acheteur en lui dissimulant des informations afin de l'amener à conclure la vente du fonds : la vente est annulée et le vendeur condamné à la restitution du prix d'achat du fonds à la société G et la restitution du fonds de commerce dans l'état où il se trouvait au jour d'entrée en jouissance.
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