104 partages |
Les récentes déclarations d'Emmanuel Macron, le 27 mai 2021, en marge de son déplacement au Rwanda, assurant qu' " aucune porte n'est fermée par essence " s'agissant de la vaccination obligatoire contre la pandémie de Covid-19, méritent quelques observations d'ordre juridique.
Ces déclarations prennent le contre-pied subtil d'une allocution télévisée tenue le 24 novembre 2020 par laquelle le chef de l'Etat déclarait que la vaccination ne serait jamais rendue obligatoire à l'ensemble de la population.
Une telle mesure peut-elle être légalement mise en place ? Si oui, selon quelles modalités ?
1. Une mesure qui serait conforme à la loi
De manière générale et par principe, aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment, comme le dispose l'article 1111-4 du code de la santé publique.
Toutefois, le même article 1111-4 assortit cette exigence d'un tempérament de taille : le consentement libre et éclairé de la personne peut ne pas être requis " pour certaines catégories de soins ou d'interventions ".
La vaccination obligatoire semble s'inscrire dans le cadre de ce tempérament.
C'est ainsi qu'en 2017, la loi a défini 11 vaccins obligatoires pour les enfants nés après le 1er janvier 2018.
Par le passé, déjà, le Parlement était intervenu à plusieurs reprises pour rendre la vaccination obligatoire à l'égard de certaines catégories de la population : pour lutter contre la variole, la tuberculose ou encore la poliomyélite.
La mise en place d'une vaccination obligatoire en France pour lutter contre la pandémie de Covid-19 ne serait donc pas de nature à méconnaître les exigences légales en la matière.
2. Une mesure qui passerait vraisemblablement par un vote du Parlement
L'on peut se demander quel serait le niveau de norme pertinent pour instituer une mesure de vaccination obligatoire : faudrait-il une loi votée par le Parlement ou un simple décret adopté le Gouvernement suffirait-il ?
Notons que le ministère des Solidarités et de la Santé est habilité à prendre toute mesure d'urgence, y compris la vaccination obligatoire, en cas de " menace d'épidémie ", sans en référer au Parlement, conformément à l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.
Toutefois, compte tenu de l'ampleur que représenterait une mesure de vaccination obligatoire généralisée, la promulgation d'une loi votée par le Parlement serait hautement probable.
C'est d'ailleurs l'échelon de norme qui a historiquement été privilégié en France en matière de vaccination obligatoire.
La promulgation d'une nouvelle loi serait nécessaire dans la mesure où la loi du 23 mars 2020 instituant l'état d'urgence sanitaire n'a pas prévu de disposition en ce sens.
Une telle loi pourrait être votée dans de très brefs délais (de l'ordre de quelques semaines), compte tenu du contexte sanitaire exceptionnel.
Il reste à voir comment une telle vaccination obligatoire serait accueillie par le juge constitutionnel (Conseil constitutionnel) et européen (Cour européenne des droits de l'homme).
1. S'agissant du Conseil constitutionnel
Examinons d'abord l'orientation que pourrait prendre le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel est le juge chargé de contrôler la conformité des lois françaises à la Constitution et peut censurer des lois inconstitutionnelles.
Rappelons que le Conseil constitutionnel peut être saisi depuis 2008 à l'occasion d'une " Question prioritaire de constitutionnalité " posée par tout citoyen, partie à un procès, dès lors que ce dernier considère qu'une loi, en lien avec l'objet du procès, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
En 2015, le Conseil constitutionnel avait été amené à se prononcer sur une mesure de vaccination obligatoire pour les enfants et avait jugé que le caractère obligatoire de cette vaccination ne méconnaissait pas les droits et libertés garantis par la Constitution dès lors que cette mesure répondait à " l'exigence constitutionnelle de protection de la santé ".
Il n'est pas absolument évident qu'une telle position soit reprise à l'identique en cas de vaccination obligatoire de l'ensemble ou d'une large partie de la population, compte tenu de l'ampleur que représenterait une telle mesure.
2. S'agissant de la Cour européenne des droits de l'homme
De même, la question se pose de l'appréciation que pourrait porter la Cour européenne des droits de l'homme.
Cette juridiction est considérée comme la gardienne des droits et libertés fondamentaux des citoyens européens et peut, à ce titre, sanctionner un Etat qui méconnaîtrait les stipulations de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
La Cour européenne des droits de l'homme a développé une jurisprudence très protectrice de la vie privée et de la liberté de choix des individus.
Toutefois, par un jugement rendu le 8 avril 2021, la Cour a pu estimer que la vaccination obligatoire imposée en République tchèque aux enfants pour leur permettre d'être scolarisés ne portait pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et était " nécessaire dans une société démocratique ".
Là aussi, il n'est pas absolument certain que le juge européen applique la même solution en cas de vaccination obligatoire généralisée.
En définitive, une mesure de vaccination obligatoire, telle que l'a laissé envisager à demi-mot le Président de la République, ne contreviendrait pas au cadre légal actuel.
Toutefois, compte tenu de l'atteinte forte portée aux libertés individuelles, une telle mesure de vaccination obligatoire devrait être ajustée au plus près du contexte épidémique, afin de ne pas être censurée par le juge constitutionnel ou européen.
Notons, enfin, que le corps médical n'est pas défavorable à un tel projet de vaccination obligatoire. En atteste une déclaration du président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale anti-Covid-19, Jean-Paul HAMON, selon lequel une vaccination obligatoire " simplifierait les choses ".
A suivre !
Une question en Nos avocats vous répondent gratuitement | 83%de réponse |
* Durant les 60 dernièrs jours
Offre et délai minimum transmis par un avocat sur Alexia.fr au cours des 30 derniers jours dans au moins une région.