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Com. 24 mars 2021, F-P, n° 19-22.708
La destruction volontaire par le transporteur de la cargaison qui lui a été confiée n'est pas en soi une faute inexcusable au sens de l'article L. 133-8 du code de commerce, dans la mesure où cette qualification dépend des circonstances de la destruction.
Les faits litigieux sont classiques. L'ayant droit à la marchandise est une société d'entretien de matériels aéronautiques. Elle confie les opérations de transport routier d'un certain nombre de colis au transporteur UPS. Ce dernier les a conservés, en attente de la livraison chez le destinataire. Durant ce transit-stockage, le matériel a été gravement endommagé par un incendie résultant d'une tentative de vol avec effraction. Le transporteur a été mise en cause par l'expéditeur et son assureur subrogé. Les juges du fond écartent la faute inexcusable au sens de l'article L. 133-8 du code de commerce en estimant qu'une destruction, même volontaire,
par le transporteur des marchandises qui lui ont été confiées ne pouvant pas, par principe, être qualifiée de faute inexcusable, cette qualification dépendant des circonstances concrètes de chaque espèce. La Cour de cassation approuve ce raisonnement.
Pour rappel, pour faire échec aux limitations légales d'indemnités applicables au transporteur, l'article L. 133-8 du code de commerce exige que l'ayant droit à la marchandise apporte la preuve de 4 conditions cumulatives suivantes :
1. Faute délibérée et volontaire.
2. Conscience de la probabilité du dommage.
3. Acceptation téméraire du risque.
4. Absence de raison valable de l'acceptation d'un tel risque.
En appliquant ces critères, les tribunaux exigent donc que l'ayant droit à la marchandise démontre :
1) Une attitude psychologique particulièrement téméraire qui se déduit concrètement d'une attitude " ça passe ou ça casse ". Il y a un risque, le transporteur le prend en toute connaissance de cause et de manière voulue, délibérée et consciente. L'élément psychologique (conscience de la probabilité du dommage et son acceptation sans raison valable) sera recherché par le juge.
2) Les circonstances concrètes du sinistre de nature à caractériser la faute inexcusable. A cet égard, comme le rappelle la Cour de cassation dans cette affaire, ayant donné lieu à l'arrêt du 24 mars 2021, la faute inexcusable ne se déduit pas automatiquement de la décision du transporteur de procéder à la destruction de la cargaison en question (en l'espèce, l'incendie aurait fait perdre toute valeur marchande des biens sinistrés, circonstance de nature à permettre au voiturier de procéder, de son propre chef, à la destruction).
La solution retenue par la haute juridiction doit être approuvée. La faute inexcusable est un concept juridique extrêmement
restrictif qui contrebalance, - par le biais des limitations légales d'indemnités, - l'obligation de résultat et la présomption de responsabilité du transporteur que le législateur lui impose avec très peu de cas d'exonération possible (faute de l'expéditeur et force majeure).
L'interprétation restrictive préservée par la Cour de cassation permet aux professionnels de transport d'exercer leur activité sereinement en payant des primes d'assurance "tenables" car (il faut le rappeler) les primes d'assurance se calculent par les assureurs transport en considération de l'exposition financière du transporteur au risque d'être condamné à verser à l'ayant droit une indemnisation plafonnée aux limitations légales d'indemnités nationales et internationales. L'équilibre économique du système se trouve ainsi préservé par la haute juridiction.
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