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Le Conseil d'Etat a été amené à se prononcer sur les modalités de calcul du temps de résidence régulière des étrangers en France. Cette question a revêtu une résonnance particulière en ce qu'elle a notamment permis de clarifier le régime d'exécution des mesures d'éloignement et d'expulsion prises à l'encontre des étrangers. En effet, le Conseil d'Etat a été saisi en 2020 par la cour administrative d'appel de Versailles qui lui a posé les deux questions suivantes :
" 1° Les périodes d'incarcération peuvent-elles être assimilées à des périodes de résidence habituelle en France au sens du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la personne incarcérée ne peut plus être regardée comme résidant en France de son propre gré ?
2° Dans la négative, selon quelles modalités faut-il tenir compte d'une période d'emprisonnement sur la continuité du séjour en France, eu égard notamment à la gravité des faits à l'origine de la condamnation, et à la durée de la peine ? "
En réponse, la Haute juridiction administrative a considéré que les périodes d'incarcération doivent être exclues du calcul du temps de résidence régulière en France (I), bien que ces périodes ne soient pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France (II).
Pour le Conseil d'Etat, les éventuelles périodes d'incarcération d'un étranger en France ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence régulière. En effet, par son avis n° 446427 du 8 avril 2021, le Conseil d'Etat est venu confirmer la position adoptée avant lui par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et a posé de ce fait, une constance jurisprudentielle qui éclaire le régime des mesures d'éloignement et d'expulsion. Il émane effectivement de la décision n° 1906470 du 10 mars 2020 qui a le mérite d'êtreparticulièrement explicite sur ce point, que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a procédé à la clarification de la méthode de calcul du temps de résidence d'un étranger en France, favorisant ainsi une meilleure application de l'article L. 521-3 du CESEDA alors applicable.
Pour le tribunal, non seulement le temps passé par un étranger sous l'empire d'une interdiction définitive du territoire français doit être déduit de son temps de présence régulière en France, mais les périodes qu'il a effectivement passées en prison doivent également être soustraites de son temps de résidence régulière en France.
Ainsi, de cette position se dégage une précision qui permet de comprendre que le juge apprécie de manière restrictive la période de résidence des étrangers en France en cas séjour carcéral.
Bien qu'ayant exclu les périodes d'incarcération réellement vécues par les étrangers de la méthode calcul du temps de résidence régulière en France, le Conseil d'Etat a toutefois apporté une légère nuance qui sauvegarde le droit au séjour des étranger. En effet, la Haute juridiction administrative est d'avis que les périodes passées en prison par les étrangers ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de leur résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans, alors même qu'elles emportent, pour une partie de la période de présence sur le territoire, une obligation de résidence, pour les intéressés, ne résultant pas d'un choix délibéré de leur part.
En clair, un étranger résidant en France depuis son enfance ne démontre pas forcément une résidence régulière en France si une grande partie de ce temps de résidence a été passée en prison. Il est donc désormais clair pour la défense du droit au séjour et des intérêts des étrangers, que résider sur le territoire français depuis l'enfance ne permet pas nécessairement de revendiquer une résidence régulière. Cela implique donc que les mesures d'éloignement et d'expulsion conservent leur fondement légal en cas de séjour carcéral prépondérant.
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