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Les publicités présentes sur internet envahissent quotidiennement les internautes. Parmi celles-ci, quelques-unes sont des publicités mensongères, ce qui nous amène à la question suivante : les moteurs de recherche et réseaux sociaux vérifient-ils le contenu et la véracité des publicités ? Peut-on engager leur responsabilité en cas d'arnaque ?
Ce sont aux articles L. 121-1 à L. 121-4 du code de la consommation qu'est aujourd'hui incriminée pénalement la " publicité fausse ou de nature à induire en erreur " sous la forme d'une pratique commerciale déloyale qualifiée de " trompeuse par action ".
L'alinéa 2 de l'article L.121-2 du code de la consommation précise la nature de ces publicités dites mensongères. Il s'agit de publicités qui reposent sur des " allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs ". Sont par la suite listés les éléments sur lesquels la publicité mensongère doit porter afin que le dispositif soit applicable.
La charge de la preuve appartient à la victime qui n'a toutefois pas besoin d'apporter la preuve de la mauvaise foi de l'annonceur ou du publicitaire. En effet, la loi prévoit que c'est celui pour le compte duquel la publicité a été créée qui est condamné, pénalement ou civilement, au principal. Le publicitaire pourra néanmoins faire l'objet d'une poursuite en qualité de coauteur ou de complice.
Ceux-ci ne sont ni des annonceurs, ni des publicitaires. A l'instar de nombreux autres domaines, l'émergence de ces nouveaux acteurs dans le système économique interroge quant à l'adaptation du droit à leur égard.
Aujourd'hui, les consommateurs sont confrontés à l'explosion du nombre de publicités mensongères. Qu'il s'agisse d'arnaques au phishing (piratage informatique du compte de l'utilisateur ayant cliqué sur un hyperlien mensonger), ou de publicités apparaissant sur leurs fils d'actualité Facebook ou en référencement dans l'espace " sponsonrig " de Google au moment d'une recherche, ces arnaques profitent du système de communication des géants du numérique afin d'escroquer de plus en plus de personnes. Ces publicités, souvent très visibles en raison de leurs titres racoleurs ou des promesses intenables dont ils se prévalent, sont très régulièrement à l'origine de préjudices pour les utilisateurs mal avertis.
Avec l'émergence de ces acteurs du web 2.0, le système de répression de la publicité dite mensongère s'est adapté. Il n'était, a priori, pas possible d'engager la responsabilité de Google ou Facebook puisqu'ils n'étaient ni à l'origine du produit promu, ni à l'origine de la publicité. Pourtant, ils obtenaient un gain économique de la vente d'espaces publicitaires (ou de " mots-clés " pour ce qui est des recherches Google) !
La jurisprudence, d'abord protectrice du consommateur, a imaginé pour ces sociétés un devoir général de vigilance, leur imposant un contrôle rigoureux de la licéité des publicités qu'ils diffusent. En cas d'arnaque ou de préjudice pour leur utilisateur, ils engageaient leur responsabilité civile au regard de l'article 1382 (ancien) du Code civil.
La loi du 21 juin 2004 est intervenue, par transposition de la directive 2000/31/CE en rappelant qu'un tel devoir général viole la logique de neutralité du réseau internet. La LCEN (loi pour la confiance dans l'économie numérique) est en effet fondée sur l'idée suivant : " la liberté des usages, dont la neutralité des intermédiaires techniques est la condition ". Elle prévoit en ce sens un régime dérogatoire de protection des hébergeurs numériques, en écartant le devoir général de vigilance de la jurisprudence en lui préférant un régime de responsabilité allégé mais soumis à des conditions.
L'article 6 de ladite loi dispose que l'afficheur ou le support publicitaire engage sa responsabilité à partir du moment où, ayant eu connaissance du caractère illicite de la publicité qu'il a affichée, il n'a pas retiré cette publicité.
Ainsi, échappe à la toute responsabilité civile celui qui :
Des utilisateurs ont avancé que la qualité d'intermédiaire technique ne pouvait être retenue pour Google dès lors que la société " prodigue conseil et assistance à leurs clients dans l'outil de suggestion de mots-clés, en conseillant et permettant de réserver des mots-clés correspondant aux signes distinctifs des sociétés demanderesses "[1]. Cet argument ne peut être accueilli puisque l'activité de Google repose sur le stockage d'informations fournies par des annonceurs et que la société n'intervient pas sur le choix des mots-clés qu'elle vend ce qui ne lui permet pas d'en contrôler systématiquement la licéité. Google et Facebook n'ont, de surcroît pas, a priori, de rôle actif dans la gestion de ces publicités puisque leur système est automatisé.
Par ailleurs, la jurisprudence considère que la commercialisation de publicité n'exclut pas la qualification du statut d'hébergeur[2]. Ainsi, " L'exploitation d'un site de partage de vidéos par la commercialisation d'espaces publicitaires, dès lors qu'elle n'induit pas une capacité d'action du service sur les contenus mis en ligne, n'est pas de nature à justifier de la qualification d'éditeur du service en cause "[3].
[1] Paris, 9 avril 2014, RG N° 13/05025
[2] à propos de la commercialisation de publicité par Dailymotion : Paris, 14 avr. 2010
[3] Paris, 14 avril 2010, n° 2088/08604
La Cour de justice de l'Union européenne dans la célèbre affaire Google a précisé, en interprétant l'article 14 de la directive 2000/31/CE (transposé à l'article 6 de la loi du 21 juin 2014) que ce dernier article s'applique " au prestataire d'un service de référencement sur Internet lorsque ce prestataire n'a pas joué un rôle actif de nature à lui confier une connaissance ou un contrôle des données stockées ', que 's'il n'a pas joué un tel rôle, ledit prestataire ne peut être tenu responsable pour les données qu'il a stockées à la demande d'un annonceur à moins que, ayant pris connaissance du caractère illicite de ces données ou d'activités de cet annonceur, il n'ait pas promptement retiré ou rendu inaccessibles lesdites données ".
Les juges du fond interprétant la jurisprudence de l'UE ont dit, au sujet de Google, que " de l'analyse concrète du processus de création et de mise en ligne des liens promotionnels et des annonces au regard des critères définis par l'arrêt du 23 mars 2010 de la Cour de justice de l'Union européenne, il apparaît que Google intervient comme un prestataire intermédiaire dont l'activité est purement technique, automatique et passive, impliquant l'absence de connaissance ou de contrôle des données qu'il stocke "[1].
La Cour de cassation, par trois arrêts du 17 février 2010[2] tient compte de la position des juges de l'UE et dégagent des critères de la qualité d'hébergeur : " Est tel celui qui ne décide pas du contenu mis en ligne, de même que celui qui procède ? des modifications techniques du contenu ou crée son indexation permettant sa consultation, ou encore accompagne de publicités la diffusion des contenus stockés par les bénéficiaires de son service ". En somme c'est la neutralité qui est déterminante dans la qualification d'hébergeur.
[1] Paris, 9 avril 2014, RG N° 13/05025
[2] Civ. 1re, 17 févr. 2011, no 09-15.857 ; Civ. 1re, 17 févr. 2011, no 09-67.896 ; Civ. 1re, 17 févr. 2001, no 09-13.202,
Enfin, malgré la qualité d'hébergeur, il est toujours possible d'engager leur responsabilité en raison d'une faute spéciale (en ce sens elle se distingue de l'article 1240 du Code civil) s'ils n'ont pas agi promptement, dans l'hypothèse où ils ont eu une connaissance effective du contenu illicite de la publicité. Un prestataire technique est présumé avoir une telle connaissance dès lors qu'il est informé par une notification d'un utilisateur. C'est en ce sens que la LCEN a instauré un mécanisme de notification légal à l'attention des utilisateurs trompés[1].
Désormais, si les hébergeurs n'ont plus d'obligation générale de surveillance et de contrôle des publicités qu'elles partagent, ni d'obligation de filtrage de ce même contenu (ceci serait irréaliste), ils sont tenus à une obligation spéciale d'intervention dès lors qu'ils sont informés du caractère illicite de ladite publicité.
Le Conseil constitutionnel a émis, en ce sens, une " réserve d'interprétation " quant à la LCEN, en précisant que l'hébergeur peut voir sa responsabilité engagée lorsqu'il n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers, dès lors que le caractère illicite est manifeste ou qu'un juge en ordonné le retrait[2].
[1] L. no 2004-575, 21 juin 2004, art. 6, I, 5
[2] Cons. const. 10 juin 2004, no 2004-496 DC
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