155 partages |
Le système de dématérialisation des prises de rendez-vous mis en place par les préfectures et notamment celle de la Préfecture de Police de Paris dans le présent cas, a engendré pour les ressortissants étrangers une difficulté qu'il n'est plus possible aujourd'hui de surmonter, les plaçant dans une impossibilité d'obtenir un rendez-vous pour le dépôt de leurs demandes de titres de séjour.
Cette dématérialisation a eu pour conséquence un recul de l'accès à leurs droits entrainant une rupture de la continuité du service public, dont la valeur constitutionnelle est pourtant garantie.
Le principe de la continuité du service public dérive de la règle constitutionnelle de la continuité de l'État : le principe de continuité est l' "essence du service public " (Tardieu, concl. sur CE, 7 août 1909, Winkell : S. 1909, III, 145).
Depuis maintenant plusieurs années, les conditions imposées par les services des préfectures aux ressortissants étrangers désireux de déposer une première demande de titre de séjour se sont dégradées.
Dans la majorité des préfectures et sous-préfectures, l'accès aux services est conditionné par l'obtention d'un rendez vous en vue du dépôt du dossier, via le site Internet de la préfecture. Et, sauf exception, aucune modalité alternative d'accès au service public n'est proposée aux usagers.
Or, très peu, voir aucun rendez-vous n'est effectivement proposé sur le site Internet, en raison le plus souvent de l'insuffisance des créneaux horaires disponibles. Les usagers sont contraints de multiplier les visites sur le site préfectoral, sans succès. Cette étape préalable à l'accomplissement des démarches administratives dure plusieurs semaines, voire plusieurs mois.
Lorsque les étrangers tentent d'accéder au service public par un autre moyen (téléphone, courrier, présentation physique au guichet) ils sont systématiquement renvoyés vers la prise de rendez-vous par Internet.
Sous couvert de la crise sanitaire, ils sont dans l'incapacité même d'accéder aux locaux de la préfecture, faute de convocation. En conséquence, les usagers étrangers souhaitant se conformer à leur obligation de demander la délivrance d'un titre de séjour sont maintenus dans l'irrégularité administrative et ceux devant demander le renouvellement de leur titre encourent une rupture de droit au séjour, de droit au travail et de droits sociaux.
Le défenseur des droits a, de nouveau, récemment insisté sur les difficultés rencontrées par les usagers du service public face à cette dématérialisation, en particulier pour les ressortissants étrangers (notamment rapport du 16 janvier 2019 " dématérialisation et inégalité d'accès aux services publics " et décision 11°2020-142 du 10 juillet 2020).
Il en résulte une situation intolérable puisque les rendez-vous proposés étant particulièrement restreints, il est aujourd'hui impossible d'obtenir un tel rendez-vous pour les ressortissants étrangers qui souhaitent solliciter la délivrance d'un titre de séjour ou le faire renouveler.
Le Conseil d'Etat a admis dans une décision du 21 avril 2021, que l'étranger peut prouver ses difficultés à obtenir un rendez-vous et l'absence de créneaux horaires disponibles en produisant des captures d'écran du site de la préfecture indiquant l'absence de plage horaire disponible. Dans cette affaire l'étranger avait produit de telles captures pour les mois de juin, juillet, août et octobre 2020. L'argument selon lequel ces captures d'écran sont anonymes n'est pas retenu par la haute juridiction, la page indiquant qu'il n'existe plus de plage horaire disponible étant toujours anonyme, dès lors qu'elle apparaît avant même que l'étranger ait été en mesure d'enregistrer ses données personnelles (CE 21 avr. 2022 n°448178).
Reprenant la jurisprudence (CE* 10 juin 2021 n°435594) le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil saisi d'un référé mesures utiles " a enjoint au préfet de donner dans un délai de six semaines une date de convocation à un étranger qui tentait en vain, depuis janvier 2022, de régulariser sa situation en essayant d'obtenir une date de rendez-vous afin de déposer son dossier d'admission au séjour. A l'appui de sa demande, le requérant avait fourni plusieurs captures d'écran justifiant de ses vaines tentatives (entre 24 janvier et 29 mars 2022), en quantité importante et différentes heures du jour et de la soirée. Deux courriers recommandés ont également été envoyés à la préfecture par son avocat. Le juge des référés considère que le requérant établit suffisamment les très nombreuses tentatives faites en vain pendant plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous en préfecture. Il en déduit que sa demande présente un caractère urgent et utile en l'absence d'autres voies permettant l'examen de son dossier de régularisation éventuelle de son séjour sur le territoire français (TA Montreuil, ord. réf.19 avril 2022 n°2205093).
Concrètement, les captures d'écran, les courriers recommandés avec accusé de réceptions ainsi que les courriels adressés à la Préfecture constituent des moyens de preuve à faire valoir devant le juge des référés.
Une question en Nos avocats vous répondent gratuitement | 83%de réponse |
* Durant les 60 dernièrs jours
Offre et délai minimum transmis par un avocat sur Alexia.fr au cours des 30 derniers jours dans au moins une région.