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Après avoir obtenu le refus de renouvellement d'admission au séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français, nombreux sont les étrangers qui se trouvent dans l'embarras et le désarroi. La plupart ignorent qu'ils relèvent des catégories des personnes protégées contre l'OQTF.
L'article L. 611-3 du nouveau Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pose le principe selon lequel un étranger qui relève de l'une des catégories posées par cette disposition ne peut, en aucun cas, faire l'objet d'une OQTF.
Quelles sont les personnes protégées par ces dispositions ? (I), qu'en est-il de leur applicabilité au cas par cas ? (II), notamment au regard de la
réserve d'ordre public (III) ?
Les personnes protégées ne pouvant pas faire l'objet d'une OQTF sont celles relevant des différentes catégories prévues par le législateur.
En ce sens, l'article L. 6113 du CESEDA dispose :
" Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français :
1° l'étranger mineur de dix-huit ans ;
2° l'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en
France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;
3° l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans, sauf s'il a été pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ;
4° l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ;
5° l'étranger qui est frère ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ;
6° l'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ;
7° l'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de 10 ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage ;
8° l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20% ;
9° l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre des soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié " (.....) ".
Toutefois, ces dispositions connaissent une exception dans la mesure où le législateur a prévu une dérogation s'agissant des points 2° et 8°. Elle concerne l'étranger vivant en état de polygamie. Ainsi dans la pratique, " par dérogation (....), l'étranger mentionné aux 2° à 8° peut faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l'article L. 611-1 s'il vit en France en état de polygamie ".
Pour mieux comprendre l'application de l'article L. 611-3, imaginons un contexte relevant du 2° du CESEDA à titre d'illustration. Ce dernier vise " l'étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ".
Ceci implique que les dispositions s'appliquent au cas par cas. Dès lors, le requérant peut se prévaloir de ces dispositions selon qu'elle relève de l'une des catégories fixées par la loi.
Or, dans de nombreuses situations, l'autorité administrative justifie le refus de renouvellement de titre de séjour assorti de l'OQTF par le fait que le requérant a fait l'objet de condamnations pénales ou de l'incarcération.
A ce sujet, la Cour d'Appel Administrative de Bordeaux, réaffirmant que l'intéressé est entré en France à l'âge de 9 ans, a jugé :
" Il n'est pas contesté que M. YOUSSFI est entré en France en 2005 à l'âge de 9 ans, y réside et y a été scolarisé dès cette date. Sa détention du 22 Mars 2016 au 22 Mars 2018 ne remet pas en cause le caractère habituel de sa résidence en France. Dès lors, il entrait dans le champ des dispositions du 2° de l'article L. 511-4 du CESEDA (ancien) et ne pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ".
Comme on peut le constater, il est certain que le préfet ne pourrait édicter à l'encontre de Monsieur YOUSSFI la mesure d'éloignement en litige, sans commettre une erreur de droit. Souvent, le comportement de l'étranger est considéré comme constituant un danger pour la société.
Dans de nombreuses situations concernant les étrangers, sans parfois savoir ni chercher à comprendre que ceux-ci relèvent des catégories de personnes protégées, l'autorité administrative se contente de justifier sa décision par le fait que le comportement du requérant constitue une menace pour l'ordre public. Or, il n'en est rien.
Sur ce point, Le Défenseur des droits dans sa décision n°2017-262, précise:
" En tout état de cause, il y a lieu de relever que les protections prévues à l'article L. 511-4 du CESEDA (ancien) dont Monsieur X pourrait se prévaloir sont formulées sans réserve". Dans la même optique et poursuivant son raisonnement, Le Défenseur des Droits ajoute : " Que dès lors, les menaces à l'ordre public ne sauraient être invoquées pour exclure l'intéressé au bénéfice de ses protections ".
En résumé, à la lumière des développements qui précèdent, sauf pour l'étranger vivant en état de polygamie, il nous semble que la circonstance que le requérant a fait l'objet de nombreuses condamnations pénales et d'une incarcération aussi déplorable soit-elle, ne saurait remettre en cause, ce qui constitue pour lui une base juridique et légale de protection, notamment le caractère habituel de sa résidence en France. D'où, la nécessité de se faire accompagner par un avocat.
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