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Pour les besoins d'un article, pour promouvoir un commerce ou encore pour créer une oeuvre (de collage par exemple), de nombreux internautes utilisent des photos accessibles gratuitement en ligne, afin d'enrichir leur propre contenu.
Or, il convient de prendre des précautions, au cas par cas, avant l'utilisation d'une photographie disponible sur internet, car il existe un véritable risque à les exploiter sans autorisation.
Il faut savoir, qu'un auteur, bénéficie, du seul fait de la création de son oeuvre, d'un droit d'auteur exclusif et opposable à tous. (Art. L111-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI)).
Le CPI liste précisément les oeuvres qui peuvent être protégées par le droit d'auteur et les oeuvres photographiques en font bien partie (L111-2). Cependant, cette protection n'est pas automatique. Toutes les photographes ne bénéficient pas d'un droit d'auteur sur leur photo. En effet, pour invoquer une protection, la photographie doit être originale.
Une photo est originale, au sens du droit d'auteur, lorsqu'elle porte "l'empreinte de la personnalité " de son auteur. Selon les juges , pour qu'une photographie porte l'empreinte de la personnalité de son auteur, il faut que celle-ci soit le fruit d'un choix libre et créatif, que le photographe prenne personnellement un parti, dans le choix du sujet, de son cadrage, de son éclairage, de sa mise en scène, de la distance de l'appareil de prise de vue par rapport au sujet, de l'angle de visée, dans le choix de la focale, de l'ouverture, de la vitesse d'obturation, choix qui entrent tous dans la détermination du résultat final.
L'existence de l'empreinte de la personnalité doit être démontrée par le photographe. Si la photo est originale, le photographe pourra revendiquer des droits d'auteur et donc autoriser, contre rémunération, (ou s'opposer) un tiers à utiliser cette photographie (Par exemple la photo du Che d'A.Korda est originale).
L'utilisation d'une oeuvre sans l'autorisation de son auteur est une contrefaçon. Une oeuvre tombe dans le domaine public 70 ans après la mort de son auteur.
Enfin, l'auteur jouit de droits moraux, qui sont eux perpétuels et inaliénables, c'est à dire que l'auteur et ses ayants droits ont le droit au respect du nom de l'auteur, droit au respect de la qualité d'auteur et droit au respect de son oeuvre (c'est à dire ne pas dénaturer l'oeuvre, respecter son esprit, son intégrité).
Avant l'utilisation d'une photo, il conviendra d'être vigilant, soit la photo est originale, il faudra demander l'autorisation, soit la photo n'est pas originale et n'est donc pas protégée par le droit d'auteur. L'arbitrage qui sera fait présente un risque inévitable, car la notion d'originalité est appréciée par un juge lors d'un contentieux. Il ne sera pas possible de déterminer si la photo, que souhaite utiliser l'internaute, sera finalement considérée comme original au sens du droit d'auteur.
Certaines personnes, notamment des auteurs de collage, ont tenté d'invoquer leur liberté d'expression (liberté artistique) pour paralyser le droit des auteurs. C'est le cas notamment de Peter Klasen après avoir conçu une oeuvre. Cet artiste avait utilisé la photographie d'une femme prise par un photographe (M. Malka) sans lui demander son autorisation. Le photographe l'avait donc assigné devant les tribunaux pour contrefaçon.
Dans ce litige les juges ont dû se demander si la liberté d'expression (liberté artistique) pouvait paralyser le droit d'auteur lors de la création d'une nouvelle oeuvre.
Dans un arrêt de renvoi après cassation, en date du 16 mars 2018, la cour d'appel de Versailles s'est prononcée en faveur du photographe. Dans cette décision les juges ont considéré que Peter Klasen aurait pu tout aussi bien utiliser d'autres photographies publicitaires du même genre. Il en découle que l'utilisation des oeuvre du photographe sans son autorisation, n'était pas nécessaire à l'exercice de la liberté d'expression que Klasen revendiquait.
En d'autres termes, selon la cour, il aurait fallu pour Klasen qu'il soit dans l'obligation d'utiliser cette photographie en particulier et qu'il soit en quelques sortes dans l'impossibilité de solliciter l'autorisation préalable de l'auteur. Or, les photos utilisées (de mode en l'occurrence) étaient parfaitement substituables, le droit d'auteur devait primer sur la liberté de création.
Sur ce point nous pouvons considérer qu'il est presque impossible de pouvoir invoquer sa liberté d'expression pour paralyser un droit d'auteur.
Cependant, dans une décision récente (31/03/2022), très critiquée, le tribunal judiciaire de Nanterre, sous l'influence de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'Homme, a fait primer la liberté d'expression sur le droit d'auteur. L'auteur de la photographie de Sylvia Kristel qui a servi de jaquette au film Emmanuelle a été débouté, au nom du droit à l'information du public, d'une action en contrefaçon contre Marie-Claire qui avait utilisé cette photo pour illustrer un article sur la mort de l'actrice.
"La condamnation de la SAS Marie Claire Album au paiement de dommages et intérêts pour réparer le préjudice subi par monsieur X. ne se réclamerait d'aucune nécessité, ne répondrait pas à un besoin social impérieux de protection du droit d'auteur, constituerait une atteinte disproportionnée à sa liberté d'expression et serait, partant, contraire à l'article 10 de la CESDH."
Le droit à l'image s'inscrit dans le cadre plus large du respect à la vie privée (article 9 du code civil et de l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme).
Le principe est l'autorisation de la personne et l'absence d'autorisation est l'exception.
Toute personne peut s'opposer, quelle que soit la nature du support utilisé à la captation, à la reproduction et à la divulgation, sans son autorisation expresse, de son image dès lors que celle-ci est identifiable.
L'autorisation de droit à l'image nécessite une autorisation écrite.
Le non-respect de cette obligation de respect de la vie privée peut-être sanctionné civilement (dommages-intérêts) mais aussi pénalement (226-1 du code pénal).
Si une personne a consenti à la diffusion de son image à un tiers, cette autorisation est considérée de façon très restrictive. L'image ne peut être utilisée que pour les supports autorisés, pour la destination ou le but autorisé, aux dates ou périodes indiquées, sur le territoire précisé. Au-delà de cette autorisation, il s'agira d'une atteinte au droit à l'image.
En d'autres termes ce n'est pas parce qu'une personne a consenti à ce que son image soit captée et diffusée sur un média (une célébrité par exemple lors d'une séance photo) que cette personne consent aussi à ce que cette photo soit utilisée par un une autre personne pour illustrer un autre contenu.
Les juges ont, dans certains cas, validé une autorisation tacite de l'utilisation de l'image d'une personne. La Cour de cassation considère qu'une autorisation est tacitement accordée dès lors que l'exploitation demeure conforme à celle dont la personne avait connaissance au moment de la captation (Cass. 1re civ., 7 mars 2006, no 04-20715).
La portée d'une autorisation tacite est limitée aux exploitations directement prévisibles par la personne concernée au moment de la captation.
La jurisprudence a prévu certaines exceptions au principe d'autorisation.
Ces exceptions doivent être entendues strictement si bien que lorsqu'un doute subsiste l'autorisation expresse de l'intéressé doit être sollicitée.
Ces exceptions d'origine jurisprudentielles sont relatives au contexte dans lequel la captation de l'image a été réalisée et à l'objet de la prise de vue.
Concernant ces exceptions la jurisprudence a pu décider que l'autorisation n'était pas nécessaire :
Les exceptions sont particulièrement encadrées.
La diffusion de l'image d'une personne en l'absence d'autorisation peut donc toujours s'avérer risquée, car cela peut faire l'objet de contestations de leur part.
Dans tous les cas, il est précisé à nouveau, qu'en cas de contestation de la part d'un photographe, sur le terrain du droit d'auteur, le fait de diffuser des images protégées ne permettra pas d'invoquer une quelconque exception au titre du droit à l'image en l'absence d'autorisation du photographe.
Il conviendra donc de faire attention si la photographie utilisée représente l'image de quelqu'un (son visage par exemple). L'utilisation d'une telle photo présente un double risque, un risque lié aux droits d'auteur du photographe et un risque lié au droit sur l'image de la personne représentée sur la photo. Ils pourront chacun revendiquer un préjudice (dommages-intérêts).
Enfin, une précision concernant le droit d'un propriétaire sur l'image de ses biens (un immeuble, une maison etc...).
Depuis un arrêt du 7 mai 2004, la Cour de cassation considère que le propriétaire d'un bien ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celui-ci et ne peut s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers que si cela lui cause un trouble anormal. (Cass. Ass. Plén. 7 mai 2004, n°02-10450).
Le trouble anormal est difficile à justifier, il faudra prouver par exemple que l'image du bien a entrainé un afflux de touristes perturbant la tranquillité des propriétaires ou une dévalorisation du bien.
Cependant, il convient de distinguer des images prises à l'extérieur d'un bien des images prises à l'intérieur de ce même bien. Pour des images à l'intérieur d'un bien, il est nécessaire d'obtenir l'autorisation du propriétaire, car dans ce cas, c'est la vie privée de la personne qui importe et non sa qualité de propriétaire.
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