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Trouver un équilibre entre l'obligation de quitter le territoire français et le droit à une vie privée et familiale peut prendre une forme que le Conseil d'Etat a récemment indiquée. D'un côté, l'autorité administrative peut décider d'éloigner un étranger du territoire français. De l'autre côté, le droit de l'étranger à une vie privée et familiale est consacré par le dixième alinéa du préambule de la constitution.
Par sa décision n° 461305 du 2022 du 16 février 2022, le Conseil d'État concilie la compétence de l'administration en matière d'éloignement et le droit de l'étranger à une vie privée et familiale.
Cette décision du juge administratif a dû s'appuyer sur une modulation temporelle des effets des obligations et droits en cause de l'administré. Car il en résulte qu'il est possible d'exécuter une obligation de quitter le territoire français dans le but de mettre l'administré en conformité avec l'obligation de détenir un visa long séjour (I), afin qu'il puisse jouir, postérieurement, de son droit à une vie privée et familiale (II).
D'après l'article, L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un étranger marié depuis au moins trois ans avec un(e) français(e) ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à condition que :
-il ne représente aucun danger pour l'ordre public ;
-la communauté de vie après le mariage n'ait pas été rompue ;
-le conjoint français n'ait pas perdu la nationalité française.
En revanche, si la communauté de vie après le mariage est inférieure à 3 ans ou encore s'il constitue une menace pour l'ordre public, l'étranger peut être éloigné du territoire français.
La mesure d'éloignement est d'autant plus applicable à son encontre lorsque l'étranger ne fournit pas la preuve qu'il est entré sur le territoire français moyennant un visa long séjour tel que prévu aux 1° ou 2° de l'article L. 311-1 du même code.
Le juge considère désormais que l'insuffisance de la durée du mariage n'altère certes pas le droit à une vie privée et familiale de l'étranger, mais que ce dernier ne constituant pas un danger à l'ordre public, peut jouir de son droit à condition qu'il présente à l'autorité administrative un visa long séjour qui démontre finalement son entrée en situation régulière sur le territoire.
Pour ce faire, l'étranger doit, s'il ne possède aucun visa long séjour à présenter dans l'immédiat à l'autorité administrative, se rendre dans son pays d'origine, y faire, dans un délai ne rompant pas la communauté de vie avec son épouse, soit en deux mois maximum, une demande de visa long séjour lui permettant de revenir en France. En conséquence, ni l'obligation de quitter le territoire français, ni l'interdiction d'y entrer prise à son encontre ne saurait lui être opposée. Cela a pour effet de protéger son droit à une vie privée et familiale en tant marié à une personne de nationalité française
Il ressort de ce qui précède que le visa de long séjour est aussi un élément indispensable pour prétendre au droit à une vie privée et familiale. Ainsi, le Conseil d'Etat a opéré une double conciliation. La première concerne la conciliation dans le temps des effets résultant des mesures d'éloignement avec le droit garanti à l'étranger en raison de sa situation marital avec une personne de nationalité française. La deuxième est relative, aux obligations, interdictions et droits des personnes de nationalités étrangères qui prétendent au séjour sur le territoire français.
Pour autant, l'effectivité et la constance de cette conciliation restent à vérifier dans la pratique administrative à l'endroit des étrangers, d'autant plus que demeure le risque, voir l'incertitude qui pèse sur l'étranger qui retourne dans son pays d'origine pour faire la demande en bonne et due forme d'un visa long séjour, de ne pas pouvoir fournir un dossier complet.
En effet, étant entré de manière irrégulière en France et le cas échéant dans une période relativement récente, un étranger pourrait être dans l'incapacité de fournir certains documents requis lors de la demande de visa auprès des autorités consulaires de son pays d'origine. Par conséquent, cette perspective ouverte par le juge administrative promet des aménagements, voire des précisions ultérieures en vue de sa mise en oeuvre.
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