i. Le périmètre de l'obligation de négocier
L'article 9 de l'ANI du 10 février 2023 impose aux entreprises (i) dotées d'au moins un délégué syndical et (ii) qui disposent, au 29 novembre 2023 d'un dispositif d'intéressement ou de participation d'ouvrir, d'ici le 30 juin 2024, des négociations sur les conséquences d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal, tel que défini au 1° de l'article L. 3324-1 du Code du travail.
Le partage de la valeur résultant d'une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal peut prendre la forme :
- du versement d'un supplément de participation, ou du versement d'un supplément d'intéressement (si l'entreprise est dotée d'un accord à cet effet), ou
- de l'ouverture d'une nouvelle négociation ayant pour objet :
- de mettre en place un régime d'intéressement si l'entreprise n'en est pas dotée, ou
- de verser un supplément d'intéressement ou de participation, si l'accord en application duquel il est versé a donné lieu à versement, ou
- d'abonder un plan d'épargne salariale (PEE, PEI, Perco, Pereco), ou
- de verser la prime de partage de la valeur.
Ces dispositions ne s'appliquent pas aux entreprises qui justifient :
- d'un accord de participation ou d'intéressement comportant déjà une clause spécifique prenant en compte les augmentations exceptionnelles du bénéfice net fiscal, ou
- d'un régime de participation comportant une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation (RSP).
Veuillez noter que l'obligation de négocier n'est qu'une obligation de moyen, qui n'est d'ailleurs assortie d'aucune sanction en cas de non-respect. Dès lors, si l'entreprise ouvre une négociation, elle n'est pas tenue d'aboutir à un accord.
En outre, si la négociation aboutit à la distribution d'une prime de partage de la valeur, accorder un montant très faible aux salariés suffit à remplir cette obligation.
ii. Le contenu de la négociation
Concrètement, la négociation doit (i) porter sur ce qu'il convient d'entendre par " augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal de l'entreprise " et (ii) fixer les modalités de partage de la valeur en découlant.
A ce propos, il résulte des travaux parlementaires que la mise en place de la nouvelle obligation de négocier a pour objectif de permettre aux salariés des entreprises qui réalisent des " superprofits " de participer à ces résultats exceptionnels. Il doit donc nécessairement s'agir d'un niveau de bénéfice très rarement – voire jamais – atteint au cours des années antérieures. Il faut ici distinguer ce qui relève simplement d'une bonne performance et ce qui relève d'une performance exceptionnelle.
Aussi, dans l'hypothèse où les partenaires sociaux décident de définir l'augmentation exceptionnelle du bénéfice par le biais d'un pourcentage, le pourcentage retenu devra l'être au regard des écarts constatés au cours des années précédentes. Si une entreprise donnée a réalisé un bénéfice stable (+ ou – 10%) sur les 10 dernières années par exemple, la négociation pourrait considérer que la réalisation d'un bénéfice supérieur à cette fourchette constitue une augmentation exceptionnelle. A l'inverse, s'agissant d'une entreprise connaissant davantage de variations de son bénéfice, une augmentation exceptionnelle dudit bénéfice ne devrait probablement être caractérisée qu'en cas de variation significativement plus importante.
Pour définir la notion d'augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal, la négociation tient compte de critères comme (i) la taille de l'entreprise, (ii) le secteur d'activité, (iii) les bénéfices réalisés lors des années précédentes, (iv) les événements exceptionnels externes à l'entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice, ou encore (v) la survenance d'une ou plusieurs opérations de rachat d'actions de l'entreprise suivie de leur annulation dès lors que ces opérations n'ont pas été précédées d'attributions gratuites d'actions aux salariés.
Notez que dans le cadre de cette négociation le CSE, pour bénéficier d'un accompagnement et de l'éclairage d'un spécialiste, peut se faire assister par un expert-comptable. Le cas échant, l'employeur finance intégralement le recours à l'expertise.