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S'il est un texte issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 qui a été contesté, c'est bien l'article 1165 du Code civil relatif à la détermination du prix dans les contrats de prestations de service.
Pour rappel, ce texte prévoit que " dans les contrats de prestations de services, à défaut d'accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation ".
L'arrêt rendu par la chambre commerciale le 20 septembre 2023 témoigne que cette nouvelle disposition n'a pas convaincu la Cour de cassation non plus, laquelle semble confirmer sa jurisprudence antérieure à l'ordonnance de réforme du droit des contrats. Dans cette décision, tant la mise à l'écart du pouvoir du créancier de fixer unilatéralement le prix de sa prestation que l'affirmation du devoir des juges de le déterminer eux-mêmes sonnent comme un désaveu du législateur.
Dans les faits, un cabinet d'experts-comptables assigne une société cliente en paiement de factures au titre de diverses prestations. Débouté par les juges du fond, suivant la procédure d'injonction de payer, le demandeur saisit la Cour de cassation d'un pourvoi sur le fondement tiré de la violation de l'article 1165 du Code civil par les juges du fond.
Selon le demandeur, les juges devaient ordonner le paiement des factures, puisque la partie adverse, absente à l'instance, n'avait évidemment soulevé aucune contestation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi doublement.
Tout d'abord, elle estime que le prix des honoraires de l'expert-comptable doit faire l'objet d'un accord de volontés des deux parties, conformément aux règles de la profession, qui impose à l'expert-comptable – comme à l'avocat – de conclure par écrit avec son client une convention d'honoraires, dans laquelle doivent être précisés, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles.
Ensuite, qu'en est-il si les honoraires n'ont pas été fixés et acceptés lors de la conclusion du contrat, eu égard la possibilité pour le créancier de les fixer unilatéralement ?
Renouant avec sa jurisprudence constante antérieure à l'ordonnance de 2016 selon laquelle, à défaut
d'accord des parties sur le prix, il revient au juge de fixer celui-ci, la Cour de cassation réaffirme à contre-courant de l'évolution législative, une double exigence, la première à l'égard du créancier, et la seconde à la charge du juge.
Comme il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention[1], " il incombe au prestataire, en sa qualité de demandeur, d'établir le montant de sa créance, et, à cet effet, de fournir les éléments permettant de fixer ce montant "[2].
Enfin, la Haute juridiction vient censurer les juges du fond au visa du déni de justice. En effet, visant l'article 4 du Code civil[3], et c'est assez rare pour être souligné, la Cour enjoint au juge du fond de fixer lui-même le prix de la prestation due par le client, en cas de désaccord ou si le créancier n'en motive pas le montant.
[1] Article 9 du Code de procédure civile
[2] Cass. 1re civ., 18 nov. 1997, n° 95-21161
[3] " Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. "
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