1. Qu'est-ce que la « distinctivité » ?
La distinctivité est la capacité d'une marque à identifier les produits ou services d'une entreprise et à les distinguer de ceux d'une autre entreprise.
En d'autres termes, une marque est " distinctive " dès lors qu'elle permet au consommateur d'associer immédiatement le signe à l'origine commerciale d'un produit ou d'un service, autrement dit au producteur du produit ou service.
En France, le droit des marques est régi par le Code de la propriété intellectuelle (CPI). Le critère de distinctivité est notamment précisé à l'article L711-2, qui précise que le caractère distinctif est une condition nécessaire pour qu'une marque soit enregistrée.
À l'échelle européenne, le Règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne dispose également que les marques doivent être distinctives pour bénéficier de la protection légale.
Ces textes précisent qu'un signe ne peut être enregistré comme marque :
- S'il est dépourvu de caractère distinctif,
- S'il est descriptif des produits ou services qu'il désigne,
- Ou encore s'il est exclusivement composé de termes laudatifs ou génériques.
2. Les signes interdits à l'enregistrement
Dans la pratique, trois types de marques sont généralement refusés à l'enregistrement en raison de leur manque de distinctivité.
Il s'agit :
- Des marques descriptives : un signe descriptif est celui qui décrit les caractéristiques, la qualité, la quantité, la destination, la valeur ou d'autres propriétés des produits ou services qu'il désigne. Ce signe sera systématiquement refusé. Par exemple, une entreprise qui voudrait déposer " Savon moussant " pour des savons se verrait opposer un refus.
- Des marques génériques : ce sont des termes couramment utilisés pour désigner des produits ou services dans un secteur d'activité. Par exemple, le terme " Vélo " ne pourrait pas être enregistré pour des bicyclettes.
- Des marques laudatives : ce sont des signes qui expriment uniquement des éloges sans permettre d'identifier la provenance commerciale d'un produit ou d'un service. Par exemple, " Top Qualité " pour des vêtements serait refusé, car il se contente de vanter la qualité du produit sans apporter de caractère distinctif.
Ces critères, appliqués par l'INPI et l'EUIPO, visent à éviter qu'une entreprise ne s'approprie un terme ou un concept que les autres acteurs du marché doivent pouvoir utiliser librement.
3. Quelles obligations concrètes pour les déposants ?
Les personnes souhaitant déposer une marque doivent veiller à respecter les critères de distinctivité afin de maximiser leurs chances d'acceptation.
Pour cela, voici quelques recommandations pratiques :
- Éviter les termes descriptifs : optez pour un signe qui ne fait pas immédiatement référence aux caractéristiques du produit ou du service. Pensez par exemple à " Apple ", " Le Chat " ou encore " Montblanc " : ce sont des signes puissants qui n'ont pourtant rien à voir avec les produits ou services enregistrés sous la marque.
- Bannir les termes purement laudatifs : recherchez un nom ou un logo original, qui ne se contente pas de vanter la qualité ou les propriétés du produit. Par exemple " Sleep well " pour des produits censés améliorer le sommeil.
- Privilégier l'imagination : Plus une marque est originale et éloignée des termes génériques ou usuels dans le secteur, plus elle aura de chances de passer le filtre des Offices d'enregistrement concernant la distinctivité. Encore une fois, pensez à des marques très connues et très fortes : ce sont la plupart du temps des marques sans rapport avec les produits ou services qu'elles représentent (par exemple : " Jaguar ", " Peugeot " ou " Toyota " pour des voitures, " Petit Bateau " pour des vêtement pour enfants, " Bic " pour des stylos, etc.).
4. Quelques décisions récentes illustrant la notion de distinctivité
Les décisions récentes de la Chambre des recours de l'EUIPO en matière de distinctivité mettent en lumière l'importance de procéder à une analyse précise avant de déposer sa marque.
- Chambre des recours de l'EUIPO – Décisionn°R1364/2024-2 du 22 aout 2024 concernant la marque " EUROPOD
La chambre a estimé que pris dans son ensemble, le signe demandé sera compris comme la combinaison des termes " euro ", qui signifie européen,et " pod ", abréviation de " podcast ", par le public anglophone.
Le signe " EUROPOD " sera donc compris comme " podcast lié à l'Europe ". Il décrit donc la nature de certains produits demandés à l'enregistrement (podcasts) et la destination, l'objet ou le contenu de certains autres services. (liés aux podcasts).
La Chambre conclut que la marque demandée, prise dans son ensemble, ne représente pas plus que la somme de termes qui la composent. Elle est donc descriptive et non distinctive.
- Chambre des recours de l'EUIPO – Décisionn° R1058/2024-2 du 25 octobre 2024 concernant la marque " HYPERGLOSS "
Au moins la partie spécialisée du public anglophone pourra identifier les composantes du signe " hyper " et " gloss " et percevoir le signe dans son ensemble comme " lustre brillant à la surface de quelque chose qui va au-delà de la normale. " (§ 25).
Pour une partie des produits, le signe demandé est directement descriptif. Cela concerne les peintures, vernis, apprêts, etc. ayant un brillant particulier qui va au-delà de l'ordinaire, ou des produits pouvant donner aux peintures, aux vernis, aux apprêts, etc. une surface brillante qui va au-delà de l'ordinaire (§ 27). La seule combinaison des éléments " hyper " et " brillant " sans séparation visuelle ne suffit pas à rendre le signe distinctif (§ 36).
Outre son contenu descriptif, le public pertinent verra dans le signe demandé une déclaration publicitaire élogieuse selon laquelle l'effet brillant qui peut être produit par l'utilisation du produit est très spécial ou que le produit est d'une qualité supérieure, allant au-delà de ce que le public pertinent peut normalement attendre de tels produits (§ 44).
Ces décisions confirment que les offices maintiennent une approche stricte en matière de distinctivité, protégeant ainsi le marché de l'appropriation abusive de termes usuels ou descriptifs.
5. Les recours en cas de refus
En cas de refus d'enregistrement pour défaut de distinctivité, le déposant dispose de plusieurs recours :
- L'ajout d'éléments distinctifs : il est parfois possible de renforcer la distinctivité d'une marque en y ajoutant un élément graphique ou un terme original. Par exemple, un logo associé à un terme descriptif peut rendre la marque acceptable.
- Le recours administratif : en France devant l'INPI ou en Europe devant la Chambre des recours, il est possible de former un recours pour contester une décision de rejet prise par l'Office.
- Le recours judiciaire : si les démarches administratives échouent, le déposant peut saisir la justice pour faire valoir son droit à la protection de sa marque.
Ce qu'il faut retenir :
La distinctivité est un critère essentiel à prendre en compte lors du dépôt d'une marque.
Il est impératif que le déposant s'assure que son signe ne soit ni descriptif, ni laudatif, ni générique pour éviter un refus d'enregistrement.
Les décisions récentes, tant nationales qu'européenne, rappellent l'importance de respecter ces obligations afin de garantir la protection effective de votre marque.
N'hésitez pas à consulter un expert en propriété intellectuelle pour vous accompagner dans cette démarche et maximiser vos chances de succès lors de l'enregistrement de votre marque.