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Le harcèlement moral, défini par l'article L. 1152-1 du Code du travail, est une problématique récurrente dans les relations de travail. Il englobe des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail, pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, ou à l'état de santé du salarié.
Si les conséquences humaines et professionnelles du harcèlement moral sont considérables, la principale difficulté de ce type de contentieux réside dans l'administration de la preuve.
Comment un salarié peut-il démontrer des faits souvent subtils et dissimulés ?
En matière de harcèlement moral, la charge de la preuve est aménagée conformément à l'article L. 1154-1 du Code du travail qui vise à faciliter la démonstration, par le salarié, des faits qu'il invoque.
La règle en matière de charge de la preuve est la suivante :
1. Double étape probatoire
1.1. Le salarié doit présenter des faits précis et concordants
Le salarié qui s'estime victime de harcèlement moral doit apporter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Ces éléments doivent être suffisamment concrets, précis et concordants.
Il peut s'agir, par exemple :
- De courriels, messages ou documents écrits ;
- De témoignages (attestations) ;
- De certificats médicaux attestant d'une dégradation de son état de santé.
1.2. L'employeur doit ensuite démontrer que ces faits ne caractérisent pas un harcèlement
Si le salarié parvient à présenter des éléments laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il revient à l'employeur de prouver que les agissements en question relèvent de décisions de gestion légitimes, de conflits ordinaires ou qu'ils ne constituent pas un harcèlement.
2. Interprétation par les juges :
Le juge joue un rôle essentiel dans l'appréciation des faits. Il examine les éléments apportés par les deux parties pour déterminer si le harcèlement est caractérisé ou non.
En cas de doute persistant, la jurisprudence tend à protéger le salarié, puisque le doute lui profite.
Ce mécanisme probatoire a été consolidé par une jurisprudence abondante, dont un arrêt récent de la Cour de cassation est venu nous éclairer sur une question essentielle : celle des moyens de preuve admissibles (Cass. soc. 10 juillet 2024, n°23-14,900).
Dans cet arrêt, la Cour de cassation s'est prononcée sur l'utilisation d'un enregistrement clandestin comme moyen de preuve, en matière de harcèlement moral.
En l'espèce, une salariée licenciée pour cause réelle et sérieuse contestait son licenciement devant le Conseil de prud'hommes, invoquant des faits de harcèlement moral. Pour prouver les faits qu'elle alléguait, elle produisait un enregistrement clandestin révélant des insultes proférées par l'employeur.
La Cour d'appel de Montpellier avait écarté cet enregistrement des débats, considérant que la salariée disposait d'autres moyens de preuve.
La Cour de cassation a cassé cette décision en affirmant que l'enregistrement clandestin ne peut être automatiquement rejeté. Elle a rappelé que les juges doivent vérifier si ce moyen de preuve est indispensable à l'exercice du droit à la preuve, notamment en cas de harcèlement moral. Ce contrôle doit être réalisé à travers une analyse de nécessité et de proportionnalité. Ainsi, lorsque le salarié ne dispose pas d'autres moyens pour prouver les pressions exercées par l'employeur, la production d'un enregistrement clandestin peut être admise.
À travers cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme l'importance d'un droit effectif à la preuve dans des situations où la victime est en position de vulnérabilité, renforçant ainsi la protection des salariés confrontés à des agissements de harcèlement.
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