1. Principe de transmissibilité de plein droit du bail commercial par voie d'apport en société
L'apport en société d'un bail commercial est l'acte juridique par lequel le preneur apporte son contrat de location à une société qui va l'exécuter à sa place. L'apporteur transmet son droit de jouissance sur le local et le bénéficiaire de l'apport devient débiteur, à l'égard du bailleur, des obligations mises à la charge du locataire par le contrat de bail. En conséquence, l'apport en société d'un bail commercial est une véritable cession de créance au sens des articles 1689 et 1690 du Code civil. La société bénéficiaire de l'apport devient locataire au lieu et place de l'apporteur.
L'article 1717 du Code civil prévoit que le bail commercial est librement cessible sauf clause contraire du contrat. Cependant, l'article L. 145-16 du Code de commerce prévoit une dérogation aux interdictions stipulées dans le contrat de bail lorsque le droit au bail est incorporé à un fonds de commerce apporté. Cette disposition est transposable à l'apport d'un bail en société. Cette dérogation a un objectif d'assurer la pérennité de l'entreprise commerciale et la continuité de son exploitation. Dans ce cas, aucune clause du contrat de bail ne peut valablement interdire la cession et, par assimilation, l'apport en société.
Toutefois, cette dérogation n'est efficace que si le locataire apporte son contrat de bail commercial incorporé au fonds de commerce qu'il exploite. L'apport isolé du bail commercial peut toujours être interdit par une clause contractuelle. Le juge n'a aucun pouvoir sur le contrat qui contient une prohibition pure et simple d'apporter en société un bail commercial de manière isolée.
2. Clauses restrictives affectant l'apport en société d'un bail commercial
Certaines clauses restrictives peuvent être insérées dans le bail commercial.
Les clauses ayant pour objet de subordonner la cession du bail commercial incorporé à un fonds de commerce sont généralement admises à des conditions particulières. Ces clauses ne peuvent, toutefois, empêcher la cession ou l'apport en société.
- Autorisation du bailleur : Une clause imposant l'accord du bailleur pour la cession du bail commercial avec le fonds de commerce est valable. Elle permet au bailleur de vérifier la solvabilité et les compétences du nouveau locataire.
- Consentement exprès et écrit du bailleur : Une clause peut exiger que l'agrément du bailleur soit donné de manière expresse et écrite. Une clause peut également exiger que le locataire obtienne, avant la cession de son fonds de commerce, l'accord préalable et écrit du bailleur.
- Conditions d'activité : L'exigence que le cessionnaire poursuive la même activité est admise.
- Acte authentique obligatoire : Si le contrat impose la rédaction d'un acte authentique avec participation du bailleur, cette formalité est une condition de validité de l'apport.
- Droit de préemption du bailleur : Une clause accordant au bailleur un droit de préemption en cas d'apport en société du bail avec le fonds de commerce est licite.
- Clauses d'agrément abusives : Le bailleur ne peut refuser arbitrairement son agrément.
- Clauses interdisant l'apport à une personne morale : Ces clauses sont réputées non écrites.
- Obligation d'exploitation personnelle : Une clause imposant au locataire d'exploiter personnellement le bail pendant trois ans avant la cession est illicite.
Si le contrat de bail est apporté concomitamment au fonds de commerce à la société bénéficiaire, cette dernière pourra, lorsqu'elle demandera le renouvellement du bail, combiner sa propre durée d'exploitation avec celle de l'apporteur. Cela lui permettra de justifier que le fonds de commerce a été effectivement exploité pendant les trois années précédant l'expiration du bail. Ainsi, la durée du bail restant à courir à la date d'apport est sans importance particulière.