Les faits :
Une salariée, vendeuse au sein de la société SFR distribution, a participé à une croisière en Floride organisée par la société pour récompenser les salariés lauréats d'un concours interne à l'entreprise.
Lors de cette croisière, elle a obstrué le détecteur de fumée de sa cabine avant d'y fumer le narguilé en présence d'une autre salariée de l'entreprise enceinte.
Le commandant de bord a ordonné le débarquement anticipé de la salariée.
Elle a été rapatriée par l'employeur, puis licenciée le 29 avril 2015.
La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 23 novembre 2022, a considéré que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à verser à la salariée une indemnité de 18 000 euros de dommages et intérêts.
L'employeur a alors formé un pourvoi en cassation.
Les moyens soulevés par l'employeur :
Au soutien de son pourvoi, l'employeur fait valoir que les faits, même s'ils ont été commis hors du temps et du lieu de travail, sont rattachables à la vie professionnelle de la salariée car il s'agit d'un manquement aux règles de sécurité à l'égard de collègues lors d'un séjour organisé par l'entreprise.
La société soutient également que les faits ont créé un trouble caractérisé au sein de l'entreprise car ils porté atteinte à son image et qu'elle a dû engager des frais pour loger et rapatrier la salariée en raison du débarquement anticipé.
La solution de la Cour de cassation :
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par l'employeur, et confirme donc la solution retenue par la Cour d'appel de Paris.
Elle commence par rappeler un principe bien ancré du droit du travail : un salarié ne peut pas être licencié pour un motif tiré de sa vie personnelle.
Toutefois, il existe deux exceptions à ce principe :
- Si le fait litigieux constitue un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail ;
- Si le fait litigieux engendre un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise (attention, le licenciement ici ne peut pas être disciplinaire).
En l'espèce, la salariée a été licenciée pour faute (licenciement disciplinaire). Le trouble objectif ne pouvait donc pas être invoqué par l'employeur pour justifier le licenciement.
Par ailleurs, la Cour de cassation a validé le jugement de la Cour d'appel qui a considéré que les faits relevaient de la vie personnelle de la salariée et ne pouvaient constituer un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail.
Elle a notamment relevé que la salariée ne se trouvait pas au temps et au lieu de travail, de sorte qu'elle n'était soumise à aucun lien de subordination et n'était pas soumise aux règles en vigueur au sein de l'entreprise.
Le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.
La portée de l'arrêt :
La solution de cet arrêt doit nécessairement être comparée à celle d'un arrêt du 8 octobre 2014 (n° 13-16.793), lequel concernait un salarié conseiller commercial au sein de la société GENERALI IARD, licencié en raison d'incidents survenus lors d'un séjour organisé par la société pour récompenser les lauréats d'un concours interne à l'entreprise.
La Cour de cassation avait alors considéré que le licenciement était justifié.
Contrairement aux apparences, ces deux solutions ne sont pas contradictoires.
En effet, les faits jugés dans l'arrêt de 2014 constituaient un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail car il avait menacé et insulté des collègues et supérieurs hiérarchiques.
Ainsi, lorsqu'un incident survient lors d'un évènement organisé par l'employeur en dehors du temps de travail, cet incident sera lié à la vie personnelle du salarié.
Pour savoir si ces faits peuvent justifier ou non un licenciement, il faut donc s'intéresser aux deux exceptions susvisées :
-Est-ce que l'incident constitue un manquement du salarié à l'une des obligations découlant de son contrat de travail ?
-Est-ce que l'incident créé un trouble objectif au fonctionnement de l'entreprise ?