Pour des raisons de respect de la dignité humaine, l’exécution sur la personne est exceptionnelle en matière civile. En effet, la contrainte par corps, qui consiste à faire incarcérer le débiteur afin de le contraindre moralement et physiquement à s’acquitter de sa dette, a été supprimée par la loi du 2 juillet 1867. Elle subsiste que de manière ponctuelle, comme pour garantir le paiement des amendes au profit du Trésor public ou en matière fiscale. Les mesures d’exécution sur les personnes sont donc très rares. Il en reste une qui demeure et qui ne manque pas de soulever de nombreuses difficultés dans le contexte actuel : la mesure d’expulsion.
L’expulsion consiste en l’évacuation d’une personne d’un immeuble ou d’un lieu habité lorsqu’elle l’habite sans droit. Par ses conséquences sur le plan humain, la procédure d’expulsion fait l’objet d’une réglementation spécifique qu’il faut mettre en relation avec la reconnaissance d’un droit au logement opposable par la loi du 5 mars 2007 (Développements dans l'ouvrage de libertés publiques relatifs au droit de propriété) . L’expulsion a fait l’objet d’une réglementation complète par la loi du 9 juillet 1991 et le décret du 31 juillet 1992. Nous envisagerons successivement les conditions à réunir pour pouvoir recourir à une mesure d’expulsion, avant de nous intéresser au déroulement des opérations de l’expulsion.
A des conditions générales, la loi ajoute des garanties lorsque le local qui est l’objet de la mesure d’expulsion constitue l’habitation du débiteur.
Ensuite, la loi exige que le titre exécutoire soit signifié au débiteur. Enfin, un commandement d’avoir à libérer les lieux doit être signifié par acte d’huissier. Comme toujours, cet acte d’huissier doit comporter certaines mentions à peine de nullité :
- indication du titre exécutoire sur lequel se fonde la demande d’expulsion ;
- désignation de la juridiction devant laquelle peuvent être portées les contestations ;
- indication de la date à laquelle les locaux doivent être libérés ;
- avertissement qu’à compter de cette date, il pourra être procédé à l’expulsion.
Il faut également préciser que l’acte est remis au parquet à toutes fins utiles lorsque le commandement est signifié à des personnes non dénommées telles que des squatters.
Les textes applicables ne prévoient aucun délai entre la signification de l’acte et le début des opérations d’expulsion. Cela s’explique par la volonté d’éviter tant que faire se peut de procéder à l’expulsion et donc de permettre au débiteur de s’exécuter spontanément.
Il faut ensuite préciser que suite à la réforme de la procédure de saisie immobilière opérée par l’ordonnance du 21 avril 2006 et du décret du 27 juillet 2006, le jugement d’adjudication vaut titre d’expulsion. D’où la question de savoir si les dispositions de la loi du 9 juillet 1991 qui ne prévoient l'évacuation de l'occupant qu'après écoulement d'un délai de deux mois après la signification du commandement d'avoir à libérer les locaux et l'information du représentant de l'Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant, s'appliqueront-ils ? On peut en douter, car ces dispositions, certes protectrices du droit au logement du saisi, semblent peu appropriées lorsque ce dernier ne respecte pas ses obligations de séquestre et qu'il y a, de ce fait, urgence à lui faire quitter les lieux.
Enfin, le législateur offre des garanties supplémentaires lorsqu’il s’agit d’un local d’habitation en raison des conséquences qu’une expulsion peut entraîner humainement.
Ensuite, la loi impose un délai minimum de deux mois entre la date de signification du commandement et le début des opérations d’expulsion (le délai peut être prorogé d’un délai maximum de trois mois, si l’expulsion entraînait des conséquences d’une extrême gravité pour le débiteur). Ce délai doit ainsi permettre à la personne concernée de s’acquitter de sa dette et surtout de pouvoir trouver un autre logement. Ce délai peut être réduit voire supprimé décision judiciaire lorsque les personnes sont entrées sans titre par voie de fait (squatters) ; ces personnes ne méritant pas la protection de la loi.
En outre, la loi interdit de pratiquer une expulsion pendant ce qu’on appelle la « trêve hivernale » durant la période du 1er novembre au 15 mars à moins que le logement des intéressés ne soit assuré dans des conditions suffisamment respectueuses des besoins de la personne. Comme précédemment, cette mesure favorable n’a pas à être respectée pour les personnes dont l’occupation est gravement illégale (squatters) ou si les locaux présentent un grave danger pour la sécurité des personnes.
L’huissier de justice doit enfin informer le préfet pour la mise en œuvre des mesures de relogement en faveur des personnes défavorisées (signification du commandement par lettre recommandée avec accusé de réception). La Cour de cassation a d’ailleurs récemment précisée que cette obligation ne concernait que les mesures d’expulsion dont un local d’habitation est l’objet : [...] la cour d'appel, qui a relevé que l’expulsion de X... concernait un local à usage de salon de coiffure ne comprenant aucun local d'habitation accessoire, a retenu à bon droit que l'article 197 ne pouvait être invoqué par X... » (3ème Chambre civile de la Cour de cassation, 20 janvier 2005) . Une telle solution est parfaitement raisonnable : il est plus grave d’expulser une personne de son logement que d’expulser une personne d’un local dans lequel elle exerce son activité professionnelle.
Elles sont naturellement conduites par l’huissier de justice. Les opérations ne peuvent avoir lieu avant six heures ou après vingt et une heures, ni un dimanche, ni un jour férié sauf en cas de nécessité, ou en vertu d’une autorisation spéciale du juge. Le demandeur de la mesure d’expulsion ne peut assister aux opérations pour des raisons de moralité et de protection de l’ordre public, sauf encore une fois pour des raisons de nécessité, comme par exemple, en cas d’expulsion d’un locataire d’un immeuble loué meublé afin que le propriétaire s’assure que le débiteur ne parte pas avec les meubles appartenant au bailleur.
L’huissier de justice dresse un procès-verbal des opérations. Il peut également solliciter le concours de la force publique aux conditions et avec les difficultés que nous avons énoncées précédemment. L’huissier ne peut pas procéder à l’ouverture forcée des portes. Le procès-verbal doit contenir l’inventaire des biens se trouvant sur les lieux, l’indication du lieu où se trouvent désormais ces biens. En effet, les biens de la personne expulsée sont remis à ses frais en un lieu qu’elle désigne. A défaut, l’huissier les laisse dans un lieu approprié tel que décrit dans le procès-verbal et adresse une sommation à la personne d’avoir à les retirer dans le délai d’un mois. Si ce délai n’est pas respecté, les biens pourront être vendus aux enchères publiques sur décision du juge de l’exécution. Ils seront vendus selon la procédure de saisie-vente . Le produit de la vente permettra de désintéresser les créanciers. Les biens sans valeur marchande sont déclarés abandonnés. Ce qui est précisé par le juge dans sa décision. En revanche, les papiers et documents personnels doivent être conservés par l’huissier de justice durant un délai de deux ans à l’échéance duquel il pourra procéder à leur destruction. La personne expulsée est bien entendu avertie au fur et à mesure de toutes ces étapes.
Le procès-verbal doit ensuite être remis ou signifié à la personne expulsée selon qu’elle est présente ou non sur les lieux. Il y a là une difficulté pratique pour l’huissier : à quelle adresse doit-il signifier le procès-verbal lorsque la personne est expulsé du logement qui constitue bien souvent son domicile. Dans ce cas, il doit trouver une autre adresse ou le signifier à son employeur. En effet, il n’est en principe plus possible de procéder à des significations à mairie.
La personne expulsée peut contester la mesure, en invoquant la nullité des opérations de saisie. Les contestations sont portées devant le juge de l’exécution du lieu de situation de l’immeuble objet de l’opération d’expulsion.
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