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Peut-on rire du contrat de franchise SUBWAY ?
Qu'on se le dise : chez Subway, on a le sens de l'humour.
J'ai rarement autant ri à la lecture d'un contrat de franchise.
Le droit de la franchise prêtant assez peu souvent à la franche rigolade, ne boudons pas notre plaisir, puisque l'occasion se présente.
On aimerait être exhaustif, mais cela est hélas impossible, tant il est vrai que ce qui frappe d'entrée à la lecture de ce contrat, c'est sa concision : 21 pages exactement.
21 pages en très petits caractères, avec des paragraphes tellement bien aérés qu'on en suffoque déjà.
Bref, eût-il été correctement présenté qu'il eût comporté, au bas mot, une soixantaine de pages.
Que l'on se rassure, ce document a été rédigé par un juriste aussi talentueux qu'excellent écrivain. Il a d'ailleurs, selon toute vraisemblance, été traduit en français par un hollandais maîtrisant parfaitement le japonais.
D'entrée, le lecteur est averti : « La traduction de ce document est fournie à titre d'information dans le seul but de faciliter la compréhension du système SUBWAY et n'engage pas les parties, sauf disposition contraire de la législation locale ».
Nous voilà rassurés : ce contrat n'en est pas un. Chance. Pourtant, deux centimètres plus bas, il est bien titré « contrat de franchise ».
Contract or not contract ? J'enterre mon lapin. Pardon, j'en perds mon latin. Enfin, mon hollandais.
En tout cas, et sur ce point, le franchiseur n'a pas menti, après avoir lu ce contrat, j'ai bien compris le système SUBWAY.
Procédons :
Le franchiseur est hollandais. Après tout, pourquoi pas. Ah, non, en fait ce n'est pas lui. C'est une autre société, domiciliée au Lichtenstein, pays réputé pour la lourdeur de sa fiscalité.
Suis-je bête, j'ai mal lu : le franchiseur est américain, domicilié en Floride : il a accordé une sous-licence à la société du Lichtenstein, qui elle-même a princièrement accordé une sous-licence à l'autre société hollandaise, laquelle, heureusement, a le pouvoir d'accorder des licences SUBWAY en France.
Tout s'éclaire.
Le restaurant de mon franchisé est situé « à France », dixit le contrat. Le territoire exclusif est sévèrement délimité.
Hélas, cher ami franchisé, tu n'as aucune exclusivité :
« le présent contrat ne vous accorde aucun droit territorial et nous nous réservons, ainsi que nos Affiliés, le droit illimité de vous faire concurrence et d'accorder des licences à d'autres personnes susceptibles de vous faire concurrence ».
Pour ça, on peut faire confiance à SUBWAY...
Notons au passage que le franchisé reconnaît avoir reçu « au plus tard 20 jours avant la signature du présent contrat » (mais qui n'en est pas un, grâce à l'avertissement figurant sur la page de garde...) une « Circulaire d'Offre contenant des informations précontractuelles ».
Chance.
Quelle est donc cette mystérieuse circulaire d'offre ? En fait de circulaire d'offre, mon franchisé n'en a eu que l'accusé de réception...
Fort heureusement, SUBWAY nous informe que le franchisé doit impérativement recevoir « un contrat de franchise contenant les principaux termes et conditions au moins 5 jours ouvrables avant la signature d'un contrat de franchise ». Le délai de cinq jours ? Une vieille exigence du droit canon sans aucun doute.
Mieux : « si nous ne vous délivrons pas le prospectus/circulaire d'offre en temps voulu ou s'il contient une information erronée ou trompeuse, ou une grave omission, il se peut qu'il y ait eu violation de la législation nationale/fédérale et locale et qu'elle soit rapportée à la National Agency/Federal Trade Commission (United States), Washington DC 20580 et à votre agence nationale mentionnée en annexe F ».
C'est dommage, je n'ai pas l'annexe F. Mais je tremble comme une feuille.
Concernant la loi applicable au contrat, on savoure la clarté de la chose :
« Vous reconnaissez que vous êtes soumis à l'ensemble des lois nationales, régionales et locales relatives aux franchises commerciales ».
Au passage, le franchisé reconnaît « que certains restaurants SUBWAY ont échoué et que d'autres échoueront à l'avenir ».
En plus d'être un franchiseur honnête, SUBWAY est visionnaire. Je suis ému, et c'est l'oeil humide que je poursuis la lecture de ce nectar.
Nous pensons donc être soumis à la législation française.
Fatale erreur. C'était compter sans cette superbe clause, qu'on trouve une dizaine de pages plus loin : « Le présent contrat est régi par et sera interprété conformément au droit de l'Etat du Lichtenstein sans référence à ses conflits de lois, sauf stipulation contraire du présent contrat ».
Et le franchiseur de nous expliquer benoîtement qu'il est « domicilié au Lichtenstein et qu'il désire que l'interprétation et l'exécution du présent contrat soient identiques à travers le monde ».
Si c'est pour la bonne cause...
Mais attention, car « le présent contrat sera interprété dans toute la mesure du possible en conformité avec l'Exemption en Bloc ». De l'Est ?
Sans doute pas. Ce doit être « le Règlement CE n°4087/88 du 30 novembre 1988 tel qu'il pourra être modifié », et dont les parties ont souhaité que le « présent contrat soit conforme aux dispositions de l'exemption par catégorie », « la France faisant partie de l'Union Européenne ».
Avec SUBWAY, on fait aussi de la géographie.
Rassurons le franchiseur, au niveau de la conformité avec le règlement d'exemption (légèrement modifié depuis 1988, mais nous n'en sommes plus là), il faudra repasser. J'aurais quelques milliers d'observations à faire, trois fois rien.
Un peu sonné quand même, je poursuis la lecture de ce monument, et ne peux résister au plaisir de vous narrer par le menu la procédure de résolution des litiges, d'une pureté quasi-cristalline : « les parties conviennent que, sauf stipulation contraire du présent contrat, les procédures de médiation et d'arbitrage s'appliquent à la résolution de tout litige ».
Mais là encore, SUBWAY nous rassure : « Les parties désirent que tout différend soit réglé rapidement, à l'amiable et de la façon la moins onéreuse ».
Quoi de mieux pour cela qu'un bon arbitrage à New-York ?
« la procédure d'arbitrage se déroulera conformément aux règles d'arbitrage établies par un tribunal d'arbitrage tel que la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sous l'égide du Centre de Résolution des Litiges dans le cadre d'une audience qui se déroulera à New York, Etat de New York, Etats-Unis ».
Mais que fait la police ?
Toutefois fais bien attention ami franchisé, ne t'envole pas trop tôt pour New York : il te faut d'abord en passer par une procédure de médiation, laquelle sera « effectuée sous l'autorité de l'Institut du Règlement des Litiges du CPR (si possible) par un médiateur de votre région ou par tout autre service de médiation choisi par les parties ».
En fait de procédure simple et pas chère, ils s'y connaissent chez SUBWAY.
De là à dire que ce type de clause est destiné à enterrer profondément un litige et que le franchiseur ne veut surtout pas qu'on fasse publiquement étalage des turpitudes du réseau, ce qui nuirait au matraquage publicitaire et au recrutement, il n'y a qu'un pas que je franchirai avec autant d'allégresse que César le Rubicon.
Résumons à l'attention du franchisé SUBWAY un peu perdu :
Le contrat -qui n'en est pas un - est soumis au droit du Lichtenstein, mais le franchisé est soumis à l'ensemble des lois nationales, régionales et locales régissant la franchise commerciale.
Loi locale ? Parfaitement, le droit breton de la franchise est réputé.
Mais attention, il y a une astuce : seul le franchisé a reconnu être soumis au droit français de la franchise commerciale. Pas le franchiseur, qui lui, en est très loin... (il ne communique même pas de DIP).
Pour pimenter un peu la chose, les parties « souhaitent » que le contrat soit conforme au règlement européen d'exemption par catégorie. C'est sans doute la raison pour laquelle il est conclu pour l'éphémère durée de vingt ans. Si.
C'est donc tout naturellement qu'un tribunal arbitral new yorkais règlera, en anglais et conformément au droit du Lichtenstein mâtiné de droit européen de la concurrence, un contrat exécuté en France par un franchisé soumis à la loi française, à l'inverse de son franchiseur.
Un léger saupoudrage de droit russe n'aurait peut-être pas été superflu.
Mais ce n'est pas fini.
« si un tribunal compétent décide que les stipulations de l'article 10c relatives à la procédure d'arbitrage ne sont pas exécutoires et si, après épuisement de toutes les voies de recours, cette décision est confirmée, les parties s'engagent, en cas d'échec de la médiation, à soumettre le litige au tribunal fédéral de 1° instance du district du Connecticut, aux Etats Unis ».
Il fallait y penser, SUBWAY l'a fait.
Quelque chose me dit que ce fameux « tribunal compétent », c'est le Godot de SUBWAY. Qu'on veuille bien me croire sur parole : il n'y a pas que les voies de recours qui sont épuisées.
Chez SUBWAY, quand on signe un contrat, on vote.
Notez l'astuce : « Vous effectuerez un versement hebdomadaire dans le Subway Franchisee Advertising Fund (Caisse de Financement des Franchisés Subway, ci-après le SFAFT) de 3,5% du montant brut des ventes réalisées par le Restaurant, jusqu'à ce que les franchisés de France choisissent d'augmenter cette contribution de manière permanente à 4,5% après un vote recueillant plus de deux tiers des voix des franchisés du pays, chaque restaurant en exploitation donnant lieu à une voix ».
Je me suis laissé entendre dire que la Caisse de Financement des Franchisés Subway serait mieux titrée Caisse de Financement du Franchiseur Subway. Encore des propos tenus par de petits jaloux, auxquels je ne saurais bien sûr apporter la moindre crédibilité.
Et ici survient le coup de Jarnac : « Le fait de signer ce contrat signifie que vous avez voté en faveur d'une augmentation permanente du pourcentage publicitaire à 4,5% pour votre restaurant et, conformément à la clause 14, pour l'ensemble des restaurants SUBWAY dont vous êtes propriétaires ».
Mais il y a encore mieux.
Le franchiseur accorde princièrement aux franchisés le droit « d'augmenter de façon temporaire ou permanente le pourcentage de leur contribution pour le financement de la publicité dans leur pays ou sur tout autre marché local mentionné par la SFAFT, dans la mesure où cette décision est adoptée par un vote recueillant les deux tiers des voix, un restaurant exploité donnant lieu à une voix ».
Fort heureusement « les fonds pourront être utilisés à notre entière discrétion et à celle de nos affiliés pour le bénéfice des franchisés ».
Chez SUBWAY, plus le franchiseur signe de contrats, plus les franchisés votent en faveur d'une augmentation, et plus il perçoit de redevances publicitaires.
Mais que le franchisé ne vienne pas se plaindre : s'il exploite en France, il peut décider d'augmenter sa redevance publicitaire, qui bénéficiera non pas aux franchisés français, mais à des franchisés d'autres pays, à la discrétion du franchiseur.
Cette franche camaraderie nous semble louable, et trop peu présente dans nombre de réseaux.
Chez SUBWAY, qu'on se le dise, les terroristes ne sont pas les bienvenus :
« vous reconnaissez que nous souhaitons nous conformer aux lois anti-terrorisme, y compris, mais de façon non limitative, au USA PATRIOT ACT et au Décret-Loi 13224 édicté par le Gouvernement des Etats-Unis, ainsi qu'à toute autre loi équivalente en France. Vous reconnaissez également que nous ne souhaitons pas collaborer avec quiconque suspecté de terrorisme ou associé directement ou indirectement à des activités terroristes. Les parties conviennent que, si à tout moment durant l'exécution du présent contrat, vous êtes suspecté de terrorisme ou associé directement ou indirectement à des activités terroristes, le présent contrat sera résilié conformément à l'article 8c ».
Chez SUBWAY, les sandwiches n'exploseront pas, ce qui est tout de même une garantie de taille donnée au consommateur.
Comment blâmer le franchiseur d'avoir inséré une telle clause dans son contrat ? Il est scientifiquement prouvé en effet que les sandwicheries sont des nids à terroristes.
Je me permettrais quand même de suggérer au rédacteur de ce bijou de cesser de consommer des substances illicites.
Plus sérieusement, de qui se moque-t-on ? Il est des limites à ne pas dépasser, surtout pour le plus grand réseau de franchise au monde, devant Mc Donald's.
Je pourrais poursuivre des pages entières sur ce contrat, mais je crois que tout un chacun aura compris que le franchiseur l'a voulu, à dessein, incompréhensible.
Chaque clause n'est destinée qu'à spolier un peu plus le franchisé, à mettre à sa charge des obligations toutes plus délirantes les unes que les autres, pour finalement étouffer dans l'oeuf toute velléité de contentieux de sa part, afin de ne pas écorner la précieuse réputation de ce franchiseur modèle.
La seule chose compréhensible dans ce contrat, c'est la clause microscopique relative aux obligations du franchiseur : trois petits paragraphes, aussi vagues qu'insipides.
Sans nier le fait que le franchisé ayant signé ce type de contrat sans réfléchir n'à qu'à s'en prendre qu'à lui-même, il conviendrait de commencer à agir pour mettre au ban de la franchise de telles pratiques.
J'ai vu beaucoup de contrats farfelus, suant le dol par toutes leurs pores, mais à ce niveau, jamais.
A ce stade, un simple contrat de travail aurait été amplement suffisant, et plus rentable pour le franchisé.
Ce franchiseur m'étant extrêmement sympathique, je donnerai une astuce au franchisé assez fou pour avoir signé.
Une clause précise : « au cas où, en vertu du droit local [c'est le cas en France, le contrat comportant une licence de marque], ce contrat devrait être enregistré, alors il ne prendra effet qu'une fois l'enregistrement effectué ».
Pas d'enregistrement, pas de contrat. A bon entendeur...
Félicitations pour votre excellent article, je me sens moins seul dans la mise en lumière des turpitudes de Subway. Je m'interroge toujours sur le fait que la FFF les laissent exposer à Franchise Expo... alors qu'ils s'engagent à analyser un DIP et le contrat... et que tous les magazines dédiés à la franchise diffusent allègrement des pages de pub Subway!! A quand le grand ménage? Certainement pas encore pour demain.
Bernard-Yves Saint-Paul
Consultant en développement d'enseignes
Cher maître,
en un mot, je me suis régalé.
Les clauses au contenu déroutant que vous citez et vos commentaires allègres ont procuré au conseil en franchise que je suis et qui en a vu de belles ... un intense moment de bonheur ...
Soyez remercié pour votre humour.
Heureusement il y a aussi d'excellents franchiseurs ... il convient aux meilleurs candidats à la franchise de les identifier.
Hauts les coeurs !
Pascal H. Lambert
Conseil en franchise - Business designer
Franchise Expert
Hélas, si seuls les "bons" réseaux pouvaient bénéficier du label FFF, cela se saurait !!!
Il serait à mon avis bénéfique pour tous d'instaurer un peu plus de transparence dans la franchise, pourquoi pas en créant une agence de notation indépendante des réseaux, qui évaluerait ceux-ci sur la base d'un certain nombre de critères objectifs.
Mais ça n'est pas pour demain !!!
Cher Monsieur,
Vous avez fort heureusement raison : la franchise est un bon modèle économique et, utilisée intelligemment, elle génère de belles réussites.
Il reste que, dans la plupart des réseaux, tout reste à construire dans le processus de recrutement des franchisés, souvent complètement anarchique, alors qu'une réussite passe à mon avis par une sélection sévère et rigoureuse.
Mais tout dépend de la stratégie de développement choisie : soit une croissance rapide, au détriment des franchisés et souvent aussi du franchiseur, soit à l'inverse une croissance raisonnée, par définition plus lente, mais aussi plus pérenne.
C'est justement le travail des conseils en franchise d'épauler les têtes de réseau dans le choix et la mise en place de bons outils de sélection des franchisés. Votre tâche est encore lourde, tout comme la mienne !!!
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