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En application des dispositions de l'article L 8221-6 I 3o) du code du travail, ce statut de dirigeant de personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés emporte pour Melle Aurore X... une présomption simple de ne pas être liée à la société ALDEM " par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou à inscription " ;
Que l'appelante peut renverser cette présomption en rapportant la preuve qu'elle accomplissait au profit de l'intimée une prestation personnelle de travail, moyennant une rémunération et qu'il existait en fait entre elle et la société ALDEM un lien de subordination juridique permanente ; qu'en effet, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ;
l'existence de ce système institutionnalisé au sein du réseau BABOU ressort encore de deux coupures de presse et d'échanges sur internet entre divers " salariés " estimant avoir été piégés dans un statut de cogérant ;
Attendu qu'il résulte clairement du témoignage de M. G..., corroboré par celui de M. J... et par l'absence d'exercice effectif d'un quelconque mandat social par Melle X..., le tout conforté par les décisions de justice intervenues en matière de travail dissimulé et les témoignages émis sur internet que, nonobstant sa désignation comme cogérante non salariée et son affiliation au RSI à compter du 1er octobre 2007, l'appelante n'a pas été, à compter de cette date, libre de l'organisation de ses conditions de travail, de son temps et de l'accomplissement de ses tâches, mais qu'elle a continué, comme dans le cadre des CDD antérieurs, à être entièrement à la disposition de la société ALDEM, exécutant son travail sous l'autorité de M. D... et de Mme E..., gérants très majoritaires et seuls gérants effectifs, lesquels avaient toujours le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de son travail, qui est demeuré très voisin de ses fonctions antérieures sauf quelques responsabilités supplémentaires de chef de rayon qui ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec une relation salariale, et de sanctionner ses éventuels manquements ;
Attendu que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la preuve d'un lien de subordination juridique permanente à l'égard de la société ALDEM est bien rapportée par l'appelante s'agissant de la période qui a commencé à courir à compter du 1er octobre 2007 ; que le statut de cogérant n'est donc qu'un habillage qui permettait à l'intimée de satisfaire aux amplitudes horaires choisies par ses dirigeants en échappant aux règles du droit du travail applicables aux travailleurs salariés ;
Cour d'appel d'Angers ---chambre sociale
Audience publique du mardi 15 novembre 2011
N° de RG: 11/01474
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 01474.
Jugement Conseil de Prud'hommes du MANS, du 04 Mai 2011, enregistrée sous le no 10/ 00416
ARRÊT DU 15 Novembre 2011
FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant " convention de mandat " du 1er juillet 2006, la société BABOU a confié à la société ALDEM la mission de gérer et d'animer un fonds de commerce, lui appartenant, de distribution de " produits multiples relevant de l'équipement du foyer et de l'équipement de la personne " exploité sous l'enseigne " BABOU ", dans une surface commerciale située à Allonnes (72 700), ZAC des Viviers.
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 4 avril 2007, la société ALDEM a engagé Melle Aurore X..., âgée de 21 ans, en qualité d'employée libre service à temps plein et ce, jusqu'au 5 mai 2007, moyennant un salaire brut mensuel de 1. 254, 31 ?, le lieu de travail étant fixé à Allonnes.
Suivant contrat de travail à durée déterminée du 30 avril 2007, à effet au 7 mai 2007, elle a engagé Melle X... pour exercer les mêmes fonctions et ce, pour remplacer, jusqu'à son retour, Melle Virginie B..., salariée bénéficiant d'un congé parental.
Le 1er octobre 2007, Melle Aurore X... a participé à une assemblée générale de la société ALDEM aux termes de laquelle il a été décidé, notamment, de l'agréer en tant que nouvelle associée porteuse de dix parts sur 500, de la nommer en qualité de cogérante à compter du même jour pour une durée illimitée et de lui attribuer une rémunération fixe mensuelle de 1472 ? au titre de son mandat de cogérante.
Le même jour, un acte de cession de ces dix parts sociales a été conclu entre Melle Gwénaëlle Y... et Melle Aurore X... moyennant le prix de 150 ?.
Le capital social de la société ALDEM était donc réparti comme suit :
- à chacun de M. Emmanuel D... et Melle Astrid E... : 230 parts, soit au total 460 parts ;
- à cahcun de MM. Arnaud F... et Christophe G..., de Melles Aurore X... et Aurélie H... : 10 parts, soit au total, 40 parts.
Courant janvier 2008, Melle Aurore X... a adressé au responsable de la société BABOU un courrier aux termes duquel elle exposait que la salariée qu'elle avait remplacée dans le cadre du second CDD n'avait toujours pas repris le travail, qu'elle avait accepté un poste de co-gérante par naïveté, les gérants de la société, M. D... et Melle E..., lui ayant tenu des propos " alléchants " à cet égard et ayant profité de son jeune âge, qu'elle avait signé concomitamment un document mentionnant un horaire hebdomadaire de travail de 55 heures, un repos hebdomadaire d'une journée et demi et une rémunération mensuelle de 1472 ? mais que ce document ne lui avait jamais été remis et que Melle E... en niait l'existence. Elle dénonçait des horaires de travail atteignant 58 h 30 puis, dans le dernier état de la relation de travail, 70 heures par semaine, sans paiement d'heures supplémentaires et avec un repos hebdomadaire réduit à une journée. Enfin, elle y dénonçait l'attitude des gérants à l'égard des salariés et leur manque d'investissement personnel.
Début février 2008, Melle X... a été placée en arrêt de maladie pour état dépressif.
Par courrier recommandé du 5 février 2008, la société ALDEM lui a fait part de son étonnement s'agissant de sa démarche auprès de la société BABOU, lui a rappelé qu'en qualité de co-gérante, elle faisait partie de l'équipe dirigeante de l'entreprise, devait consacrer tout son temps aux affaires sociales, n'était soumise à aucun planning de travail et avait un statut de travailleur indépendant. Se déclarant favorable à une solution amiable, elle lui demandait de lui préciser si elle entendait ou non poursuivre son mandat social et lui indiquait que M. Emmanuel D... offrait de lui racheter ses parts sociales moyennant le prix de 150 ?.
Le 9 février 2008, Melle X... a répondu qu'elle n'entendait pas démissionner de son mandat social ni vendre ses parts et qu'elle réintégrerait l'entreprise dès que son état de santé le lui permettrait.
A compter de son arrêt de travail, Melle X... a cessé de recevoir sa rémunération et les cotisations à la Caisse du Régime Social des Indépendants n'ont plus été versées.
Par courriers des 13 février et 7 mai 2009, se présentant comme les nouveaux gérants de la société ALDEM en remplacement de M. D... et de Mme E... depuis le 27 janvier 2009, M. Et Mme I... ont fait observer à Melle Aurore X... qu'elle n'exerçait plus aucune activité au sein de la société ALDEM, ni son mandat de gérante. Ils lui ont proposé de racheter ses parts moyennant le prix de 150 ? et de lui verser en contrepartie de sa démission de son mandat social une indemnité de 750 ?, portée à 2. 300 ? aux termes du second courrier.
Le 15 juillet 2010, Melle Aurore X... a saisi le conseil de prud'hommes afin de voir requalifier son statut de cogérante en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2007, de voir prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat de travail aux torts exclusifs de la société ALDEM et afin d'obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel d'heures supplémentaires, de travail de dimanche, de rappel de salaires, de remboursement de sanctions pécuniaires, d'indemnité pour licenciement irrégulier, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour violation du repos dominical et pour préjudice moral.
Par jugement du 4 mai 2011, auquel il est renvoyé pour un ample exposé, considérant que la preuve du contrat de travail allégué n'était pas rapportée, le conseil de prud'hommes du Mans s'est déclaré incompétent en raison de la matière au profit du tribunal de commerce du Mans, a débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et condamné Melle Aurore X... aux dépens.
Ce jugement a été notifié à la société ALDEM et à Melle Aurore X... respectivement les 9 et 10 mai 2011.
Cette dernière a formé contredit par acte remis au secrétariat greffe du conseil de prud'hommes le 13 mai 2011, lequel secrétariat greffe en a délivré récépissé le jour même et a notifié ce contredit à la société ALDEM qui en a accusé réception le 19 mai suivant.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Aux termes de son contredit de compétence déposé au greffe le 13 mai 2011, repris oralement à l'audience, ici expressément visé et auquel il convient de se référer, Melle Aurore X... demande à la cour, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- de la recevoir en son contredit ;
- de rejeter l'exception de compétence soulevée par la société ALDEM et de déclarer le conseil de prud'hommes du Mans compétent pour connaître du litige ;
- d'évoquer le fond et de :
¤ requalifier son statut de cogérante en contrat de travail ;
¤ prononcer la résiliation judiciaire de ce contrat de travail aux torts exclusifs de la société ALDEM ;
- de condamner cette dernière à lui payer les sommes suivantes :
¤ 7 794, 28 ? de rappel de salaire pour heures supplémentaires du 1er octobre 2007 au 3 février 2008 outre 779, 42 ? de congés payés afférents ;
¤ 3 144, 42 ? de rappel de salaire pour heures de travail de dimanche outre 314, 44 ? de congés payés afférents ;
¤ 2 944 ? de rappel de salaires au titre des mois de février et mars 2008 outre 294 ? de congés payés afférents ;
¤ 196, 11 ? à titre de remboursement de sanctions pécuniaires ;
¤ une indemnité légale de licenciement de 1/ 5ème de mois par année d'ancienneté sur la base d'un salaire moyen de 2 392, 58 ? ;
¤ 2 392, 58 ? indemnité pour licenciement irrégulier ;
¤ 4 406, 96 ? d'indemnité compensatrice de préavis outre 440, 69 ? de congés payés afférents ;
¤ 24 000 ? d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
¤ 30 000 ? de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
¤ 5 000 ? de dommages et intérêts pour violation du repos dominical ;
¤ 7 000 ? de dommages et intérêts pour préjudice moral.
Elle sollicite également la condamnation de la société ALDEM :
- à lui payer une indemnité de procédure de 3 000 ? du chef de la première instance et une somme de 2 000 ? à cet égard en cause d'appel ;
- à lui remettre, sous astreinte de 80 ? par jour de retard les bulletins de salaire régularisés, l'attestation Pôle Emploi et le reçu pour solde de tout compte ;
- sous la même astreinte, à régulariser sa situation au regard du Régime Social de Indépendants, à payer les cotisations et intérêts de retard et apporter tous justificatifs nécessaires ;
- à supporter les dépens de première instance et d'appel.
A l'appui de ses prétentions, Melle Aurore X... soutient que :
- la société ALDEM et, à travers elle, ses deux gérants très largement majoritaires, M. D... et Mme E..., ont eu recours au statut de cogérant à son égard comme à l'égard des autres " co-gérants " minoritaires afin de s'exonérer des règles du droit du travail et des obligations sociales ;
- cette pratique correspond, à l'échelon local, à celle utilisée par la société BABOU au niveau national et qui a valu à cette dernière diverses condamnations pour travail dissimulé ;
- elle n'a jamais exercé de fonctions de mandataire social et n'a jamais été associée à la gestion de l'entreprise mais a continué à remplir ses tâches antérieures au rayon bazar ;
- au contraire, elle démontre l'existence d'un contrat de travail en ce qu'elle a fourni un travail et perçu une rémunération en contrepartie de l'exécution de cette prestation de travail et non de son statut de co-gérant, et ce, dans le cadre d'un lien de subordination à l'égard de la société ALDEM, via ses deux gérants majoritaires.
Aux termes de ses dernières écritures déposées au greffe le 2 septembre 2011, reprises oralement à l'audience, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer, la société ALDEM demande à la cour :
- à titre principal, de confirmer le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes du Mans s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans ;
- à titre subsidiaire au fond, de débouter Melle Aurore X... de l'ensemble de ses prétentions ;
- de la condamner à lui payer la somme de 2. 000 ? en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
L'intimée soutient que tout contrat de travail a pris fin entre elle et Melle X... à compter du 1er octobre 2007, date à laquelle elle est devenue co-gérante d'un collège de gérance majoritaire sans jamais cumuler un mandat social et un contrat de travail, et est devenue associée en acquérant dix parts sociales, qu'elle détient toujours, ce qui caractérise pleinement sa volonté d'intégrer pleinement la direction de la société.
Elle ajoute que Melle X... ne produit aucun justificatif du lien de subordination dont elle argue à compter du 1er octobre 2007 et conclut que, le présent litige caractérisant un conflit opposant des codirigeants/ co-associés d'une société, seul le tribunal de commerce est compétent pour en connaître en application des dispositions de l'article L 721-3 du code de commerce.
Elle fait valoir que, Melle X... étant encore à ce jour associée et cogérante, la demande de requalification de sa période de gérance en contrat de travail ne peut pas relever de la juridiction sociale.
La société ALDEM conteste que Mme X... se soit trouvée dans un quelconque lien de subordination mais argue au contraire de sa nomination régulière en qualité de cogérante, avec accomplissement de toutes les formalités imposées par la loi, de l'acquisition par ses soins de parts sociales, de l'exercice réel de son mandat social et de ses fonctions de dirigeant caractérisé par une liberté des horaires de travail, une intervention au sein de l'entreprise en toute indépendance, l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction à l'égard des autres salariés, la gestion de la caisse.
Elle conclut que Melle X... est défaillante à rapporter la preuve du lien de subordination qu'elle allègue.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1) Sur la recevabilité du contredit
Attendu que le contredit formé par Melle Aurore X... à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 4 mai 2011 est recevable pour avoir été, conformément aux exigences de l'article 82 du code de procédure civile, remis au secrétariat greffe de la juridiction de premier degré, le 13 mai 2011, soit dans les quinze jours de la décision contestée ; qu'en outre, ce contredit est dûment motivé ;
2) Sur la compétence
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour connaître des litiges qui s'élèvent à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient ;
Attendu que la solution du présent litige quant à la question de la compétence implique de déterminer si Melle Aurore X... avait le statut de travailleur indépendant comme cogérante non salariée de la société ALDEM ou celui de salariée de cette dernière ;
Attendu que, pour écarter la compétence prud'homale, les premiers juges ont retenu que Melle X... avait librement acquis la qualité de cogérante de la société ALDEM, que cette qualité était mentionnée au RCS, que les tâches accomplies par l'intéressée répondaient bien aux fonctions d'un cogérant et qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un lien de subordination nécessaire pour caractériser le contrat de travail invoqué à l'égard de l'intimée ;
Attendu qu'il apparaît utile de rappeler le cadre juridique dans lequel s'inscrit la gestion du fonds de commerce exploité par la société ALDEM ;
Attendu qu'aux termes de " la convention de mandat " conclue le 1er juillet 2006, la société BABOU a donné mandat à la société ALDEM de gérer et d'animer un fonds de commerce lui appartenant, dans des locaux situés à Allonnes ZAC des Viviers, de vendre au détail, pour son compte " des produits multiples relevant de l'équipement du foyer et de l'équipement de la personne " ; que l'exploitation doit être réalisée sous l'enseigne " BABOU " et que la société ALDEM doit s'approvisionner auprès du dépôt appartenant à la société BABOU ou d'autres fournisseurs, étant précisé qu'elle ne détient les produits qu'à titre de dépôt avec mandat de les vendre, ceux-ci restant, ainsi que les recettes provenant de leur vente, propriété de la société BABOU ;
Attendu que la rémunération convenue au profit de la société ALDEM est égale à 10 % du chiffre d'affaires hors taxes du mois considéré provenant " des produits de vente déposés et encaissés " sous déduction du montant des chèques revenus impayés, cette rémunération étant stipulée payable le 15 du mois suivant et aucune rémunération n'étant due sur les ventes réalisées dont le produit n'aura été ni déposé, ni encaissé ;
Attendu que la société ALDEM a l'entière initiative et responsabilité de l'embauche et du licenciement du personnel nécessaire à l'exploitation du fonds ;
Attendu qu'aux termes de ses écritures reprises oralement, la société ALDEM explique (page 8) que le magasin exploité à Allonnes représente une surface de vente de 3 000 m ² ; qu'il s'agit d'un magasin " hard-discount " " entraînant une rotation de stocks très importante " ; que " les dirigeants ont fait le choix d'horaires d'ouverture les plus larges possibles 7 jours sur 7 de 9 heures à 19 heures du lundi au samedi, et de 10 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures le dimanche " ; que " c'est la raison pour laquelle les pouvoirs et les responsabilités sont partagés entre plusieurs gérants ", dirigeants co-associés car, selon elle, " un seul gérant ne pourrait pas diriger un tel magasin " ; qu'elle ajoute que " l'intérêt d'une équipe de cogérance réside dans le fait que les gérants peuvent se relayer, eu égard aux horaires d'ouverture et de gestion du magasin qui sont très importants, ce à quoi il faut ajouter les horaires de préparation du magasin, avant l'ouverture et après la fermeture, ainsi que les relations avec les fournisseurs et partenaires de la société, la gestion économique et administrative etc... " ; qu'elle ajoute qu'" en raison du faible effectif de l'entreprise " et " afin de soulager le personnel salarié ", les gérants eux-mêmes participent et réalisent les tâches de commande et réception des marchandises, de mise en rayon etc... ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats et des explications fournies par la société ALDEM que son capital social était détenu par six associés, M. Emmanuel D... et Mme Astrid E..., associés immuables, détenant chacun 230 parts, soit, au total 460 parts sur 500, tandis que les quatre autres associés, fluctuant au gré des cessions de parts intervenues au fil du temps, détenaient chacun 10 parts sociales ; que tous étaient juridiquement cogérants ;
Attendu qu'en vertu de deux contrats de travail à durée déterminée successifs, Melle X... a été la salariée de la société ALDEM du 4 avril au 30 septembre 2007, moyennant un salaire brut mensuel de 1254, 31 ? pour un horaire de travail mensuel de 151, 67 heures ; qu'elle a été, à chaque fois, engagée en qualité d'employée libre service, avec les fonctions suivantes :
- " présenter et mettre en rayon les produits et marchandises dans le magasin,
- manutentionner les cartons de produits de la réserve au rayon et vice-versa,
- vérifier les marchandises et leur conditionnement,
- déballer et étiqueter les marchandises proposées à la vente,
- tenir la caisse,
- aider aux préparatifs des différentes manifestations commerciales (Noël, St Valentin, Halloween, Fête des mères etc...),
- participer à l'entretien et au rangement du magasin afin de le maintenir toujours accueillant et permettre un meilleur service de la clientèle (rangement du magasin, de la réserve, nettoyage des sols, des rayons...) ", cette liste de fonctions étant expressément qualifiée de " ni limitative, ni exhaustive " ;
Attendu que Melle X... indique, sans être contredite, qu'il a été mis fin à son second CDD, conclu jusqu'au retour de Melle Virginie B... alors que cette dernière n'était pas rentrée de congé parental ;
Attendu que le 1er octobre 2007, elle a acquis de Melle Gwenaëlle Y... dix parts du capital social de la société ALDEM et a été désignée, par assemblée générale du même jour, cogérante aux lieu et place de Melle Y..., démissionnaire, et ce, pour une durée illimitée, l'assemblée générale décidant de lui allouer au titre de son mandat de cogérante une rémunération fixe mensuelle de 1 472 ? à compter du 1er octobre 2007 ; que Melle X... a, comme l'ont relevé les premiers juges, signé une " fiche d'acceptation " de ses fonctions de gérant ;
Attendu que les statuts de la société ont été modifiés, que la publicité dans un journal d'annonces légales a été assurée, qu'une déclaration de modification de la personne morale liée à une modification des dirigeants a été souscrite au RCS du Mans le 20 novembre 2007 et que Melle X... a été affiliée au Régime Social des Indépendants ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 8221-6 I 3o) du code du travail, ce statut de dirigeant de personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés emporte pour Melle Aurore X... une présomption simple de ne pas être liée à la société ALDEM " par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou à inscription " ;
Que l'appelante peut renverser cette présomption en rapportant la preuve qu'elle accomplissait au profit de l'intimée une prestation personnelle de travail, moyennant une rémunération et qu'il existait en fait entre elle et la société ALDEM un lien de subordination juridique permanente ; qu'en effet, l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ;
Attendu que l'accomplissement d'une prestation personnelle de travail au profit de l'intimée ne fait pas débat puisque cette dernière indique elle-même qu'en raison d'un faible effectif salarié, Melle X..., comme les autres cogérants, accomplissait l'ensemble des tâches rendues nécessaires par l'exploitation du fonds : commande et réception des marchandises, déballage, mise en rayon, tenue de la caisse etc... ;
Que l'existence d'une rémunération en contrepartie de la prestation fournie est établie par les copies de chèques versées aux débats, émis par la société ALDEM les 29 octobre, 30 novembre, 31 décembre 2007, et 31 janvier 2008, chacun pour un montant de 1 472 ? ;
Attendu, s'agissant du lien de subordination, que Melle X... verse aux débats les attestations, très circonstanciées, établies les 8 décembre 2010 et 23 février 2011 par M. Christophe G..., ayant eu, lui aussi, jusqu'à fin décembre 2007, le statut de cogérant de la société ALDEM dont il détenait dix parts, et desquelles il résulte que :
- lorsque Melle Y... a souhaité céder les dix parts qu'elle détenait dans la société, se libérer de son statut de cogérante et devenir salariée, M. D... a entrepris de convaincre Melle X... de " prendre ce poste de cogérante " et s'est montré de plus en plus insistant à cet égard ;
- chaque " petit cogérant " avait un secteur bien défini : M. Arnaud F... au " Blanc-linge de maison " sous l'autorité de M. D..., Melle Aurélie H... au rayon " Enfant " sous les ordres de Mme E..., lui-même et Melle Aurore X...étant affectés au secteur " Bazar " sous les instructions de M. D... ;
- l'appelante, comme les autres " petits cogérants " voyait ses horaires de travail définis et imposés par M. D... et Mme E..., Melle X... étant soumise à l'horaire de base de 6 H-12 H/ 14 H-19 H 30, sans possibilité de s'absenter librement ; comme les autres " petits cogérants ", elle assurait, selon les instructions de M. D... et Mme E..., l'ouverture (accueil des salariés) et la fermeture du magasin ;
- lorsque lui-même a quitté l'entreprise, à Noël 2007, M. D... a imposé à Melle X... de commencer son travail à 5 heures du matin et de renoncer à une demi-journée de congé ;
- les instructions relatives au travail à réaliser et à l'organisation du travail étaient données aux salariés, mais aussi aux " petits cogérants " par M. D... et Mme E..., Melle X... n'ayant pas le pouvoir d'intervenir dans des secteurs autres que le secteur " Bazar " auquel elle était affectée, et n'ayant pas de pouvoir de direction à l'égard des salariés, son rôle se limitant tout au plus, comme les autres " petits cogérants " à être le " porte-parole " de M. D... et Mme E... auprès des salariés en transmettant leurs directives à ces derniers ;
- lorsque sa caisse comportait une erreur, comme les autres " petits cogérants ", Melle X... devait combler " le trou de caisse " de ses deniers personnels ;
Attendu que M. Christophe G... précise que, lors d'une soirée qui s'est déroulée dans un piano-bar du Mans, après un retour de vacances en Crète de Mme E... et M. D..., ce dernier lui a " avoué que, co-gérant n'était qu'une façon détournée de faire travailler les personnels le dimanche, qu'en fait, ce n'étaient que des chefs de rayon ne pouvant pas refuser de travailler le dimanche sans supplément de salaire. " ; attendu que le témoin conclut en indiquant que la seule différence pour Melle X... entre son travail dans le cadre de son statut de cogérante et celui qu'elle accomplissait en qualité de salariée en CDD était qu'elle se devait de travailler le dimanche et les jour fériés, bien au-delà de 35 heures pour un salaire net mensuel immuable de 1472 ? ;
Attendu que, si M. Franck J... n'a pas été " petit cogérant " au sein de la société ALDEM en même temps que Melle Aurore X..., il l'a été à compter du mois d'août 2006, et son témoignage, s'agissant du " système " adopté par l'intimée concorde parfaitement avec celui de M. G... et avec les indications fournies par l'appelante ; qu'il précise qu'il travaillait selon les instructions de M. Emmanuel D..., lequel définissait ses horaires de travail ainsi que son jour de congé hebdomadaire ; qu'il travaillait aussi le dimanche et que ses tâches étaient multiples et générales allant de la réception des livraisons, à la mise en rayon, au rangement de la réserve, à l'étiquetage, à la tenue de la caisse... ;
Attendu que l'existence du lien de subordination de Melle Aurore X... à la société ALDEM, précisément décrit par M. G..., est corroborée par la circonstance que, a contrario, il apparaît que l'appelante n'était nullement associée à la gestion et à l'animation de la société et n'avait pas accès aux comptes ou aux moyens de paiement de la société ; que l'intimée ne produit aucun justificatif à l'appui de sa thèse selon laquelle Melle X... aurait été partie prenante dans la gestion et les prises de décision ; que le versement de sa rémunération a d'ailleurs été arrêté dès la fin janvier 2008 sans qu'il soit justifié d'une décision d'une assemblée générale de ce chef ; que l'intimée ne produit d'ailleurs qu'une seule convocation de Melle X... à une assemblée générale et ce, pour le 21 juin 2010, soit plus de deux ans après son départ de l'entreprise ; que suivant acte des 1er et 8 avril 2008, la société ALDEM a signé une autre convention de gérance mandat avec la société BABOU relativement à l'exploitation d'un fonds de commerce à Carcassonne ; que Melle X... ne figure pas au nombre des cogérants appelés à signer cette convention et qu'il n'est pas établi qu'elle en ait jamais été informée ;
Attendu que la société ALDEM verse aux débats une attestation de Mme Brigitte K..., gérante d'un magasin BABOU dans le département du Nord, et ex salariée du magasin BABOU d'Allonnes d'août 2003 à novembre 2009, ainsi que les témoignages de quatre personnes, employées de libre service au sein du magasin BABOU d'Allonnes ; attendu, outre qu'elles émanent de personnes liées par un contrat de travail à la société ALDEM et, s'agissant de Mme K..., d'une personne liée par un contrat de gérance avec la société BABOU, que ces attestations, établies les 6, 7 et 8 décembre 2010, réduites à trois ou quatre lignes, sont stéréotypés et non circonstanciées ; que les seules indications selon lesquelles l'intimée était " cogérante ", organisait les caisses, ouvrait et fermait le magasin et donnait des directives aux salariés ne contredisent pas le témoignage circonstancié de M. G... selon lequel en tant que " petite cogérante ", Melle X... remplissait une fonction équivalente à celle d'un chef de rayon, et elles ne permettent pas d'établir que l'appelante aurait exercé son activité professionnelle de façon indépendante et était partie prenante de la gestion et de la direction de la société, ainsi que des prises de décision ; qu'aucun de ces témoins ne vient soutenir que Melle X... ne se serait pas trouvée sous les ordres de M. D... et de Mme E... ; que l'indication de Mme K... selon laquelle " contrairement aux EPS, elle ne respectait aucun horaire particulier " ne permet pas, à elle seule, d'établir que Melle X... était libre de ses horaires de travail ;
Attendu que Mme X... produit diverses décisions de la Cour de cassation desquelles il résulte, d'une part, que la société BABOU, anciennement dénommée EURO TEXTILE, a depuis plusieurs années recours à ce procédé d'exploitation de fonds de commerce via des conventions de mandat dans le cadre desquelles le mandataire ne dispose en fait d'aucun actif, d'autre part, a recours, au moins en partie, pour assurer le fonctionnement du magasin, à des co-gérants déclarés comme travailleurs indépendants dans le but d'écarter l'application des règles du droit social ;
Que l'existence de ce système institutionnalisé au sein du réseau BABOU ressort encore de deux coupures de presse et d'échanges sur internet entre divers " salariés " estimant avoir été piégés dans un statut de cogérant ;
Attendu qu'il résulte clairement du témoignage de M. G..., corroboré par celui de M. J... et par l'absence d'exercice effectif d'un quelconque mandat social par Melle X..., le tout conforté par les décisions de justice intervenues en matière de travail dissimulé et les témoignages émis sur internet que, nonobstant sa désignation comme cogérante non salariée et son affiliation au RSI à compter du 1er octobre 2007, l'appelante n'a pas été, à compter de cette date, libre de l'organisation de ses conditions de travail, de son temps et de l'accomplissement de ses tâches, mais qu'elle a continué, comme dans le cadre des CDD antérieurs, à être entièrement à la disposition de la société ALDEM, exécutant son travail sous l'autorité de M. D... et de Mme E..., gérants très majoritaires et seuls gérants effectifs, lesquels avaient toujours le pouvoir de lui donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution de son travail, qui est demeuré très voisin de ses fonctions antérieures sauf quelques responsabilités supplémentaires de chef de rayon qui ne sont pas en elles-mêmes incompatibles avec une relation salariale, et de sanctionner ses éventuels manquements ;
Attendu que, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la preuve d'un lien de subordination juridique permanente à l'égard de la société ALDEM est bien rapportée par l'appelante s'agissant de la période qui a commencé à courir à compter du 1er octobre 2007 ; que le statut de cogérant n'est donc qu'un habillage qui permettait à l'intimée de satisfaire aux amplitudes horaires choisies par ses dirigeants en échappant aux règles du droit du travail applicables aux travailleurs salariés ;
Attendu que le jugement entrepris doit en conséquence être infirmé en ce que le conseil de prud'hommes a considéré que la preuve de l'existence d'un contrat de travail entre la société ALDEM et Melle Aurore X..., pour la période ayant commencé à courir le 1er octobre 2007, n'était pas rapportée et en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans ;
3) Sur l'évocation
Attendu que, statuant sur contredit et étant juridiction d'appel relativement au conseil de prud'hommes du Mans estimé compétent, qu'en application des dispositions de l'article 89 du code de procédure civile, la cour peut, comme le sollicite Melle Aurore X..., évoquer l'affaire au fond ;
Attendu, les deux parties ayant conclu au fond, qu'il apparaît d'une bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive ;
4) Sur l'existence d'un contrat de travail à compter du 1er octobre 2007
Attendu, comme la cour l'a précédemment mis en évidence, qu'il résulte clairement du témoignage de M. G..., corroboré par celui de M. J... et par l'absence d'exercice effectif d'un quelconque mandat social par Melle X..., le tout conforté par la rotation importante des " petits cogérants " au sein de la société ALDEM en quelques mois, que la désignation de Melle X... en qualité de cogérante à compter du 1er octobre 2007 et son affiliation au RSI procèdent d'un habillage et que, dans les faits, moyennant une rémunération mensuelle de 1472 ?, loin d'être libre de l'organisation de son travail, elle a continué à compter de cette date à exécuter une prestation personnelle de travail pour le compte de la société ALDEM, sous l'autorité et les directives de cette dernière, via les personnes de M. D... et de Mme E..., gérants très majoritaires et seuls gérants effectifs, lesquels déterminaient ses tâches, ses horaires de travail et le nombre de jours de repos hebdomadaire, et exerçaient, le cas échéant, un pouvoir de sanction disciplinaire ;
Qu'il est donc établi qu'à compter du 1er octobre 2007, Melle X... a continué d'exercer son activité professionnelle dans un lien de subordination juridique permanente vis à vis de la société ALDEM, caractérisant l'existence d'un contrat de travail à l'égard de cette dernière, peu important la nomination de l'appelante en qualité de cogérante et son affiliation au régime social des travailleurs indépendants ;
Qu'il convient en conséquence de juger que Melle X... était bien, à compter du 1er octobre 2007, liée à la société ALDEM par un contrat de travail ;
5) Sur la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires et travail de dimanche
Attendu que, s'il résulte des dispositions de l'article L 3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, il appartient toutefois au salarié qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, l'employeur devant ensuite fournir les éléments propres à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Attendu que Melle X... indique qu'elle a accompli 31, 5 heures supplémentaires par semaine, hors dimanche, du 1er octobre 2007 au 3 février 2008, date de son arrêt de maladie pour avoir travaillé 11, 50 heures par jour pendant cinq jours de la semaine ;
Attendu qu'embauchée à temps plein, elle aurait dû accomplir 35 heures de travail par semaine, soit 151, 67 heures par mois ;
Attendu que la demande de l'appelante est étayée par l'attestation de M. Christophe G... qui indique que ses horaires minima imposés s'établissaient de 6h à 12h et de 14h à 19h30, soit, comme l'indique l'appelante, une durée journalière de travail de 11, 50 heures ;
Que cette demande est encore étayée par les propres énonciations de la société ALDEM selon lesquelles elle avait fait le choix d'horaires d'ouverture les " plus larges possibles " sept jours sur sept, de 9 h à 19 h du lundi au samedi, ainsi que de 10 h à 12 h et de 14 h à 19 h le dimanche, ce à quoi il " faut ajouter les horaires de préparation du magasin, avant l'ouverture et après la fermeture ainsi que les relations avec les fournisseurs et partenaires de la société, la gestion économique et administrative... " et selon lesquelles le recours à plusieurs cogérants permettait de couvrir l'exécution de ces tâches selon ces amplitudes horaires ;
Attendu que la société ALDEM ne fournit, quant à elle, aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée ;
Attendu qu'il résulte de l'attestation de M. G... et du courrier adressé par Melle X... au dirigeant de la société BABOU que, jusqu'à fin décembre 2007, l'appelante a disposé d'une journée et demi de congé par semaine, la réduction de son congé hebdomadaire à une journée étant en lien avec le départ de M. G... ; qu'il suit de là qu'elle n'a pas, comme elle le soutient, accompli 11, 50 heures de travail par jour pendant cinq jours par semaine du 1er octobre 2007 au 3 février 2008, mais 11, 50 heures de travail par jour pendant quatre jours et demi par semaine du 1er octobre au 31 décembre 2007 et 11, 50 heures de travail par jour pendant cinq jours par semaine du 1er janvier au 3 février 2008 ;
Qu'elle a donc accompli 16, 75 heures supplémentaires par semaine, hors dimanche, du 1er octobre au 31 décembre 2007 (période représentant treize semaines), et 22, 50 heures supplémentaires par semaine, hors dimanche, du 1er janvier au 3 février 2008 (période représentant cinq semaines) qui ne lui ont pas été payées ;
Attendu qu'en considération d'une rémunération mensuelle de 1472 ?, le taux horaire de rémunération de Melle X... ressort, comme elle l'indique, à la somme de 9, 705 ? ;
Qu'elle est donc en droit de prétendre, à titre de rappel de salaire, au paiement de la somme de 2 917, 72 ? pour la période du 1er octobre au 31 décembre 2007 et au paiement de celle de 1 540, 80 ? pour la période du 1er janvier au 3 février 2008, soit un montant total de rappel de salaire de 4 458, 52 ? outre 445, 85 ? de congés payés afférents que la société ALDEM sera condamnée à lui payer ;
****
Attendu que M. G... atteste de ce que Melle Aurore X... travaillait le dimanche ; que M. Franck J... confirme les indications de l'appelante selon lesquelles les horaires de travail du dimanche étaient de 10 h à 13 h et de 14 h à 20 h, soit 9 heures par dimanche ; que, là encore, il résulte des propres indications de l'intimée que le magasin était ouvert à la clientèle tous les dimanches de 10 h à 12 h et de 14 h à 19 h et que c'est le recours à plusieurs cogérants qui permettait de couvrir ce choix d'amplitude d'ouverture du magasin à laquelle s'ajoutent le temps nécessaire à la préparation du magasin ;
Attendu que la demande de rappel de salaire formée par Melle Aurore X... au titre du travail de dimanche est donc suffisamment étayée, tandis que la société ALDEM, qui oppose que le code du travail n'était pas applicable compte tenu du statut de cogérante de l'intéressé, ne fournit aucun élément de nature à justifier les journées de travail et horaires effectivement réalisés par la salariée ;
Attendu que l'appelante indique à juste titre que la période litigieuse a comporté 18 dimanches et réclame à bon droit une majoration de salaire de 100 % pour les 162 heures travaillées pendant ces périodes dominicales ; Attendu que le rappel de salaire auquel Melle X... peut prétendre de ce chef s'établit à la somme totale de 2 679, 48 ? (16, 54 ? x 162 h) à laquelle s'ajoute celle de 267, 94 ? au titre des congés payés afférents, paiement auquel il convient de condamner la société ALDEM ;
6) Sur la demande de rappel de salaire des mois de février et mars 2008
Attendu que Melle Aurore X... justifie avoir été en arrêt de travail à compter du lundi 4 février 2008 jusqu'au vendredi 21 mars 2008 ; qu'elle ne produit aucun justificatif au-delà de cette date ; qu'il est constant qu'elle n'est pas retournée travailler au sein de la société ALDEM et elle a indiqué à l'audience avoir retrouvé un emploi en mars 2008 ;
Attendu que l'intimée ne justifie pas avoir acquitté la rémunération mensuelle de Melle X... au-delà du 31 janvier 2008 ;
Attendu que le paiement du salaire est la contrepartie de la prestation de travail ; que ce versement est suspendu en cas d'arrêt de travail ; qu'en l'absence de dispositions plus favorables maintenant ce paiement, Melle X... est mal fondée à solliciter le paiement de son salaire au-delà du 3 février 2008 ;
Attendu que le rappel de salaire afférent au dimanche 3 février 2008 a été alloué ci-dessus ; que le rappel du salaire de base pour les 1er et 2 février 2008 s'établit à la somme de 105, 14 ? outre 10, 51 ? de congés payés afférents que la société ALDEM sera condamnée à payer à Melle X... ;
7) Sur la demande de remboursement des sanctions pécuniaires interdites
Attendu qu'il résulte de l'attestation circonstanciée de M. Christophe G... que les petits cogérants étaient tenus de combler les éventuels écarts de caisse de leurs deniers personnels ;
Attendu qu'ill est logique que les paiements de ce chefs aient été effectués à l'ordre de la société BABOU puisqu'aux termes de la convention de mandat conclue entre elle et la société ALDEM, la mandante était propriétaire tant des marchandises en stock que des recettes ;
Attendu que, par les copies de chèques qu'elle verse aux débats, Melle X... justifie avoir ainsi réglé à la société BABOU, à titre de comblement de trous de caisse les sommes suivantes : 32, 97 ? le 9 novembre 2007, 18, 96 ? le 17 novembre 2007, 35, 91 ? le 25 novembre 2007, 31, 45 ? le 23 décembre 2007, 36, 82 ? le 13 janvier 2008, soit un montant total de 156, 11 ? ; que, ces sommes ayant été réglées à titre de sanctions pécuniaires illégales pratiquées par la société ALDEM, elle est fondée à en réclamer le remboursement à cette dernière outre le paiement des frais de demande de copie de chèques qu'elle justifie avoir exposés pour un montant de 40 ? ;
Que l'intimée sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 196, 11 ? qu'elle réclame ;
8) Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ALDEM, l'indemnité pour licenciement irrégulier, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité légale de licenciement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Attendu que le salarié peut poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations ;
Attendu qu'en l'espèce, le fait pour la société ALDEM d'avoir, dans le cadre d'une relation contractuelle nouée avec une jeune fille âgée de 21 ans, dépourvue d'expérience significative du monde du travail et de ses règles, autant que de connaissances juridiques, mis fin à un second CDD avant même la survenue de l'événement convenu pour son terme pour perpétuer en fait la même relation de travail, sauf quelques responsabilités supplémentaires pour la salariée, sous couvert d'un prétendu statut de cogérante et de travailleur indépendant afin de permettre le fonctionnement de l'entreprise sept jours sur sept selon une amplitude horaire importante, en s'exonérant des obligations du droit du travail et, corrélativement, en privant Melle X... des garanties qui en découlent pour le salarié, notamment du paiement des heures supplémentaires et du travail dominical qu'elle a effectués, la société ALDEM a gravement failli à ses obligations découlant du contrat de travail ; que ces manquements justifient que la résiliation du contrat de travail soit prononcée à ses torts exclusifs ;
Attendu que Melle X... demande que la résiliation du contrat de travail soit prononcée à effet à la date du présent arrêt ; mais attendu que la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail ne peut être fixée à la date de la décision judiciaire qui la prononce que dans l'hypothèse où le salarié est toujours alors au service de son employeur ; que tel n'est pas le cas en l'espèce où Melle X... n'est pas revenue travailler au sein de la société ALDEM après son arrêt de travail pour maladie et a indiqué lors de l'audience avoir retrouvé un autre emploi en mars 2008, étant observé qu'elle a d'ailleurs limité sa demande de rappel de salaire à fin mars 2008 ;
Qu'il convient donc de fixer la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail unissant Melle Aurore X... à la société ALDEM au 31mars 2008 ;
Attendu que la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'elle ouvre donc droit à toutes les indemnités de rupture mais non à l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ; que Melle X... sera en conséquence déboutée de ce chef de prétention formé à hauteur de 2 392, 58 ? ;
Attendu que l'appelante sollicite une indemnité légale de licenciement d'un montant équivalent à 1/ 5ème de mois par année d'ancienneté sur la base d'un salaire moyen de 2 392, 58 ?, montant auquel elle estime son salaire moyen des douze derniers mois ;
Attendu qu'au regard de la date de prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail de Melle X..., le droit de cette dernière au paiement d'une indemnité légale de licenciement s'apprécie en considération des dispositions de l'article L 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi 2008-596 du 25 juin 2008, fixant à deux ans la durée d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur ouvrant droit à l'indemnité légale de licenciement ; attendu, la salariée ne justifiant pas de cette ancienneté, ni même de l'ancienneté d'un an fixée par la loi nouvelle, que sa demande formée de ce chef doit également être rejetée ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 1234-1 2o du code du travail, la durée du préavis applicable est d'un mois ; que le salaire de base à prendre en considération est celui de 1 472 ? auquel il convient d'ajouter les heures supplémentaires (22, 50 heures par semaine) et le travail dominical (quatre dimanches) qu'aurait accomplis la salariée si elle avait travaillé dans la mesure où ils constituaient un élément stable et constant de la rémunération sur laquelle elle était en droit de compter ; que l'indemnité compensatrice de préavis due à Melle X... s'établit donc à la somme de 3 300, 08 ? (1472 ? + 1 232, 64 ? + 595, 44 ?) à laquelle il convient d'ajouter celle de 330 ? de congés payés afférents, sommes au paiement desquelles la société ALDEM sera condamnée ;
Attendu, Melle Aurore X... comptant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au moment de la rupture, que trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail pour la détermination de l'indemnité due pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'eu égard à son âge, à l'ancienneté de ses services et à sa capacité à retrouver un nouvel emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour évaluer à 4 500 ? l'indemnité que la société ALDEM devra payer à l'appelante pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
9) Sur le travail dissimulé et la demande pour violation du repos dominical
Attendu que l'article L 8223-1 du code du travail, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l'employeur au travail dissimulé, dispose qu'" en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire " ;
Attendu que le fait pour la société ALDEM d'avoir mis fin de façon anticipée au second contrat de travail à durée déterminée de Melle Aurore X... et de lui avoir, immédiatement après, attribué artificiellement le statut de cogérante et de travailleur indépendant, en continuant en fait à l'utiliser pour la fourniture de la même prestation de travail, sauf quelques responsabilités supplémentaires, accomplie moyennant rémunération dans le cadre d'un lien de subordination juridique permanente à son égard sans quelconque exercice d'un mandat social, et ce, afin d'échapper à la législation sociale applicable aux travailleurs salariés, caractérise de la part de la société ALDEM le recours au travail dissimulé ;
Que l'intention frauduleuse de l'intimée est parfaitement caractérisée par la volonté de cette dernière de parvenir, grâce à cet artifice, à faire fonctionner son établissement selon une amplitude horaire hebdomadaire maximum au moindre coût en termes de salaires et de charges sociales, étant rappelé que cette pratique apparaît s'inscrire dans un système plus global institutionnalisé au sein du groupe BABOU ;
Attendu qu'en application du texte susvisé, il convient donc de condamner la société ALDEM à payer à Melle Aurore X... la somme de 8 832 ? à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
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Attendu que l'appelante est fondée à soutenir que la société ALDEM a eu recours à son égard au travail le dimanche en dehors de tout respect de ses droits de salariée ; que le préjudice qui en est résulté pour elle, sera réparé par l'allocation d'une somme de 600 ? que la société ALDEM sera condamnée à lui payer ;
10) Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral
Attendu que Melle Aurore X... est bien fondée à soutenir que, dans la relation contractuelle qui s'est nouée entre elles à compter du 1er octobre 2007, la société ALDEM a abusé de son jeune âge, de son inexpérience du monde du travail et de ses règles, de son ignorance en matière juridique, et qu'elle a mis à profit la qualification artificielle et fausse de travailleur indépendant attribuée à cette jeune fille pour lui faire accomplir de plus amples responsabilités, de nombreuses heures supplémentaires et la faire travailler le dimanche sans juste contrepartie, mais moyennant la simple et modeste rémunération fixe convenue au titre de l'exercice de son prétendu mandat de cogérante ; que cette attitude caractérise de la part de l'employeur un comportement fautif dans l'exécution du contrat de travail ;
Attendu que l'appelante justifie qu'il en résulté pour elle un état dépressif qui a justifié un arrêt de travail ; que ce préjudice moral sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1 000 ? que la société ALDEM sera condamnée à payer à Melle Aurore X... ;
11) Sur la demande de remise des documents de fin de contrat et sur la demande relative aux cotisations relatives au RSI
Attendu que la société ALDEM sera condamnée à remettre à l'appelante des bulletins de salaire, une attestation destinée au Pôle Emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt ; que, pour en garantir l'exécution, il apparaît nécessaire d'assortir cette condamnation d'une mesure d'astreinte selon les modalités qui seront définies au dispositif ;
Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que les appels de cotisations concernant Melle X... étaient adressés par la caisse RSI à l'adresse du siège social de la société ALDEM à la fois au nom de cette dernière et à celui de l'appelante ;
Attendu, à supposer même que l'intimée ait pu acquitter certains de ces appels de cotisations, ce qui n'est pas établi, qu'en tout état de cause, il s'agit de charges personnelles de Melle Aurore X... ; que celle-ci ne peut donc qu'être déboutée de sa demande tendant à voir condamner l'intimée " à régulariser sa situation au regard du Régime Social des Indépendants, à payer les cotisations et intérêts de retard dus " et à en justifier ;
12) Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu, Melle Aurore X... prospérant amplement en son recours et en ses prétentions, qu'il convient de condamner la société ALDEM aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Melle Aurore X... une indemnité de procédure de 1 500 ? au titre de ses frais irrépétibles de première instance et une somme de 2 000 ? de ce chef en cause d'appel, le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;
Attendu que la société ALDEM sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire ;
DÉCLARE recevable le contredit formé par Melle Aurore X... à l'encontre du jugement du conseil de prud'hommes du Mans du 4 mai 2011 ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
DIT qu'à compter du 1er octobre 2007, Melle Aurore X... a été liée à la société ALDEM par un contrat de travail ;
En conséquence, REJETTE l'exception d'incompétence soulevée par la société ALDEM et DIT que le conseil de prud'hommes du Mans était compétent pour connaître des demandes de Melle Aurore X... ;
Evoquant l'affaire au fond,
DIT qu'à compter du 1er octobre 2007, Melle Aurore X... a été liée à la société ALDEM par un contrat de travail ;
PRONONCE la résiliation judiciaire de ce contrat de travail aux torts exclusifs de la société ALDEM à effet au 31 mars 2008 ;
CONDAMNE la société ALDEM à payer à Melle Aurore X... les sommes suivantes :
¤ 4 458, 52 ? (quatre mille quatre cent cinquante-huit euros et cinquante-deux centimes) à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires du 1er octobre 2007 au 3 février 2008 outre 445, 85 ? (quatre cent quarante-cinq euros et quatre-vingt cinq centimes) de congés payés afférents ;
¤ 2 679, 48 ? (deux mille six cent soixante-dix-neuf euros et quarante-huit centimes) de rappel de salaire pour heures de travail de dimanche outre 267, 94 ? (deux cent soixante-sept euros et quatre-vingt quatorze centimes) ? de congés payés afférents ;
¤ 105, 14 ? (cent cinq euros et quatorze centimes) de rappel de salaires au titre du mois de février 2008 outre 10, 51 ? (dix euros cinquante et un centimes) de congés payés afférents ;
¤ 196, 11 ? (cent quatre-vingt-seize euros et onze centimes) ? à titre de remboursement de sanctions pécuniaires ;
¤ 3 300, 08 ? (trois mille trois cents euros et huit centimes) d'indemnité compensatrice de préavis outre 330 ? (trois cent trente euros) de congés payés afférents ;
¤ 4 500 ? (quatre mille cinq cents euros) d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
¤ 8 832 ? (huit mille huit cent trente-deux euros) de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
¤ 600 ? (six cents euros) ? de dommages et intérêts pour violation du repos dominical ;
¤ 1. 000 ? (mille euros) de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
¤ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 500 ? (mille cinq cents euros) au titre de la première instance et celle de 2 000 ? (deux mille euros) en cause d'appel ;
- CONDAMNE la société ALDEM à remettre à l'appelante des bulletins de salaire, une attestation destinée au Pôle Emploi et un reçu pour solde de tout compte conformes aux dispositions du présent arrêt et ce, dans les trente jours suivant sa signification sous peine d'une astreinte provisoire de 40 ? (quarante euros) par jour de retard, qui commencera à courir à compter du 31ème jour et ce, pendant trois mois ;
- DÉBOUTE Melle Aurore X... de ses demandes d'indemnité légale de licenciement et d'indemnité pour licenciement irrégulier ainsi que de sa demande formée au titre des cotisations éventuellement dues à la caisse du Régime Social des Indépendants ;
- DÉBOUTE la société ALDEM de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- LA CONDAMNE aux entiers dépens de première instance et d'appel.
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