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Principe
L'employeur ne peut produire dans une procédure des prud'hommes des messages qui touchent à la vie privée du salariée sans demander son accord
En cas de manquement à ce principe, il risque comme en l'espèce de devoir payer 5500€ de dommages et intérêts au salarié
LES FAITS
La société BATI DOLE conteste le jugement déféré en ce qu'il a alloué à Mme Nathalie X... la somme de 5 500 € de dommages et intérêts pour violation de la vie privée, en retenant que l'employeur a consulté les messages électroniques de Mme X... hors sa présence, et qu'il a diffusé ou a porté aux débats de manière unilatérale le contenu d'informations privées.
MOTIVATION DE l'EMPLOYEUR :
l'employeur se prévaut de ce que ces courriels ont été adressés par Mme X... à l'aide de son outil informatique professionnel, et de ce qu'ils ont été découverts lors de la prise de son bureau par M. D... ; que les connexions établies par un salarié sur des sites internes pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors la présence du salarié
MOTIVATION SUR LES CONTRADICTIONS DU SALARIE :
il résulte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble de l'article 9 du Code civil que chacun a droit au respect de sa vie privée ; que la production lors d'une instance prud'homale de faux courriels censés émaner d'un salarié et comportant de fausses informations personnelles porte atteinte à la vie privée de l'intéressé et lui ouvre droit à réparation ; qu'en l'espèce, pour débouter Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à sa vie privée, la Cour juge en substance que la salariée ne peut tout à la fois alléguer que les courriels produits par l'employeur sont des faux et ne comportent ainsi aucune indiscrétion véridique et demander réparation pour atteinte à sa vie privée ; qu'en statuant ainsi, la Cour viole les textes susvisés ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, qu'en l'espèce, pour débouter la salariée de sa demande de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée, la Cour se borne à énoncer que l'accusation de faux qu'elle porte à l'encontre de courriels produits par l'employeur est contestée par ce dernier ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur l'authenticité desdits courriels, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble des articles 4 et 9 du Code civil et de l'article 12 du Code de procédure civile.
SOLUTION ADOPTEE PAR LA COUR DE CASSATION
Si l'employeur peut toujours consulter les fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut toutefois les produire dans une procédure judiciaire, si leur contenu relève de la vie privée sans l'accord de ce dernier ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il lui appartenait de vérifier si les courriels produits concernaient des faits de la vie privée de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés
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Cour de cassation - chambre sociale
Audience publique du jeudi 10 mai 2012
N° de pourvoi: 11-11252 - Non publié au bulletin - Cassation partielle
M. Bailly (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président
Me Blondel, SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat(s)
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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 17 septembre 1993 par la société Bati Dole en qualité de vendeuse, en dernier lieu, cadre responsable de magasin, a été licenciée selon lettre du 5 septembre 2007 pour absences répétées perturbant gravement le fonctionnement de l'entreprise ;
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Et sur le second moyen :
Vu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code civil ;
Attendu que pour infirmer le jugement ayant alloué à la salariée des dommages-intérêts au titre d'une violation de sa vie privée et la débouter de cette demande, la cour d'appel a retenu que les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur sont présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l'employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors la présence du salarié ; que la mauvaise foi de l'employeur est d'autant moins crédible que la découverte des courriels en cause est intervenue après le licenciement ; que la salariée ne prétend pas avoir utilisé un mode d'identification de ses correspondances informatiques leur conférant un caractère personnel ; et que, soutenant que les courriels produits sont des faux, ce que conteste l'employeur, elle ne peut réclamer réparation pour des courriels qui ne comporteraient par là même aucune violation du secret des correspondances et aucune indiscrétion véridique sur sa vie privée ;
Attendu cependant que si l'employeur peut toujours consulter les fichiers qui n'ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut toutefois les produire dans une procédure judiciaire, si leur contenu relève de la vie privée sans l'accord de ce dernier ;
Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il lui appartenait de vérifier si les courriels produits concernaient des faits de la vie privée de la salariée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes indemnitaires en dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et pour violation de la vie privée, l'arrêt rendu le 5 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Bati Dole aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bati Dole à payer à Mme X... la somme de 2 500 euros
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