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Les aléas de la vie conduisent chacun à changer un jour ou l'autre de domicile.
Séparation, impécuniosité, mutation, licenciement, incarcération voir une simple envie de changer d'air, bref, tout conduit le citoyen à se déplacer facilement d'un lieu de résidence à un autre.
Et pourtant... cette opération apparemment anodine peut parfois cacher des conséquences importantes au regard du permis de conduire.
Sur le permis de conduire de l'automobiliste figure en effet une adresse qui est censée être la sienne, mais qui bien souvent ne l'est plus.
On assiste à une augmentation du contentieux qui trouve sa source dans le fait que les automobilistes découvrent tardivement qu'ils ont perdu une partie ou la totalité de leurs points sur leur permis de conduire sans en avoir eu connaissance, tout simplement parce qu'ils ne résidaient plus au lieu même qu'ils avaient officiellement déclaré.
L'occasion est donc donnée de faire un vaste point sur cette question et nous verrons que, contrairement à une crainte ancrée dans l'esprit du justiciable, l'oubli de déclarer son changement de résidence peut avoir des conséquences bénéfiques.
I. Les titres dont l'automobiliste doit être en possession.
L'automobiliste doit toujours être en possession de trois documents essentiels :
- son permis de conduire qui est le titre lui permettant de justifier de son droit à conduire un véhicule automobile.
- Le certificat d'immatriculation, plus communément appelé carte grise, qui est en quelque sorte la carte d'identité du véhicule.
- L'attestation d'assurance généralement visible grâce à l'étiquette verte que l'automobiliste colle sur son pare-brise avant, complétée par un formulaire qu'il garde sur lui.
Le permis de conduire mentionne l'identité complète de son titulaire à savoir son nom, son prénom, sa date et son lieu de naissance ainsi que son adresse au moment où le titulaire s'est vu délivrer le permis.
Le certificat d'immatriculation mentionne le numéro d'immatriculation du véhicule, la date de sa première immatriculation, le nom et le prénom et l'adresse du propriétaire du véhicule, ainsi que divers renseignements techniques concernant le véhicule.
Rappelons ici que le propriétaire d'un véhicule n'a pas à changer sa plaque d'immatriculation en cas de déménagement.
II. Le changement d'adresse et les formalités subséquentes.
En cas de déménagement, le conducteur n'a pas l'obligation de modifier son adresse sur son permis de conduire.
La plupart des conducteurs omettent donc cette formalité sans s'en inquiéter et demeurent avec un permis de conduire qui mentionne une adresse à laquelle ils ne résident plus depuis longtemps.
Sans doute faut-il y voir là une lacune dans notre droit positif que le législateur serait bien inspiré de combler.
De la même façon, il n'est pas obligatoire de déclarer son changement de résidence à son assurance.
Cela étant, si l'automobiliste oublie cette formalité, il risque de ne plus recevoir les appels de cotisations que lui adresse sa compagnie d'assurance, ce qui peut parfois entraîner un défaut de paiement de la cotisation et une résiliation du contrat d'assurance.
Là encore, il n'est pas obligatoire, mais fortement recommandé d'indiquer son changement de résidence à sa compagnie d'assurance pour éviter toute difficulté.
La situation est toute autre en ce qui concerne le certificat d'immatriculation.
La question est régie par l'article R 322-7 du code de la route qui oblige le conducteur à indiquer son changement de résidence dans le mois qui suit son déménagement.
Pour cela, le conducteur doit adresser au préfet du département une déclaration l'informant de sa nouvelle adresse.
Si le conducteur omet cette formalité, il est passible d'une contravention de la quatrième classe, c'est-à-dire d'une amende dont le montant maximum sera de 750,00 euros.
Bien évidemment, et pour des questions de preuve, il est recommandé aux automobilistes d'adresser leur courrier au préfet par lettre recommandée avec accusé de réception.
Il faut enfin savoir que l'omission de cette formalité empêche la vente du véhicule.
III. Le changement d'adresse au regard du permis à points.
Le permis de conduire de chaque automobiliste est affecté d'un nombre maximum de 12 points (6 points pour les jeunes conducteurs).
Lorsque l'automobiliste commet une infraction, celle-ci peut entraîner le retrait d'un ou plusieurs points.
Dans ce cas, l'automobiliste est informé de ce retrait, selon les cas, par lettre simple ou par lettre recommandée avec accusé de réception.
Il est évident que l'administration écrira au conducteur à la seule adresse que celle-ci connaît, c'est-à-dire à l'adresse déclarée par le conducteur.
On ne peut pas exiger des services de la préfecture ou du ministère de l'intérieur de connaître, voire de deviner, les adresses successives des automobilistes si ceux-ci restent discrets sur leurs divers déménagements.
Très souvent alors, l'administration écrit à une adresse à laquelle l'automobiliste ne réside plus.
Cela aura des conséquences sur le permis de conduire du conducteur, mais dont celui-ci pourra se prévaloir en cas de litige.
Il s'agit là d'un "joker procédural" que nous allons mettre en lumière.
Plaçons-nous pour cela dans l'hypothèse où un conducteur apprend que son permis est annulé au motif de la perte de la totalité de ses points.
De deux choses l'une :
- soit il est en possession du formulaire dit 48 SI utilisé par l'administration pour informer l'automobiliste de l'annulation de son permis.
Ce formulaire est toujours envoyé en recommandé avec accusé de réception.
- soit il n'est pas en possession de ce formulaire, mais simplement du relevé d'information intégral que chaque automobiliste peut obtenir auprès de la préfecture.
(Rappelons que le formulaire d'information intégral est un vaste récapitulatif de l'état du permis de conduire du conducteur qui recense l'ensemble des points perdus ainsi que ceux qui ont été récupérés)
Lorsque l'automobiliste apprend d'une manière ou d'une autre que son permis de conduire a été invalidé, car le solde de ses points est tombé à zéro, il peut contester cette décision en saisissant le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir.
La saisine du tribunal administratif doit se faire dans un délai de deux mois à compter de la réception du formulaire 48 SI.
a) en possession du formulaire 48 SI.
Rappelons l'hypothèse : un automobiliste a déménagé et n'a pas signalé son changement de résidence.
Le ministre de l'intérieur l'informe de l'annulation de son permis de conduire en lui envoyant par recommandé avec accusé de réception le formulaire 48 SI à la dernière adresse connue.
L'automobiliste est cependant en possession de ce formulaire.
C'est souvent le cas lorsque des couples se séparent et que l'ex-conjoint, resté dans l'ancien domicile, reçoit à la place du conducteur le formulaire 48 SI et le remet à son ancien compagnon.
Il arrive cependant que celui-ci le lui remette bien tardivement c'est-à-dire après l'expiration du délai légal de deux mois durant lequel l'automobiliste peut théoriquement saisir le tribunal administratif.
On pourrait croire que le délai de deux mois étant dépassé, l'automobiliste ne pourra plus rien faire sinon remercier son ex-conjoint qui a tardé à lui remettre le précieux document.
Il n'en est rien.
En pareille circonstance, l'automobiliste pourra malgré tout saisir le tribunal administratif et ne pourra se voir opposer l'expiration du délai de deux mois.
En effet, l'automobiliste n'a pas réceptionné lui-même le formulaire 48 SI.
Ici réside le " joker procédural ".
Le délai de deux mois courant à compter de la date de présentation de la lettre n'a pas pu courir à son encontre.
Cela a été rappelé par le Conseil d'État en date du 9 novembre 2009 qui pose un principe déjà affirmé dans un avis rendu le 18 septembre 2009, et selon lequel le titulaire d'un permis de conduire n'est pas obligé d'informer l'administration de son changement d'adresse :
" Considérant qu'aucun principe général, ni aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation au titulaire d'un permis de conduire de déclarer à l'autorité administrative sa nouvelle adresse en cas de changement de domicile ;
Qu'il en résulte qu'alors même qu'il n'aurait pas signalé ce changement aux services compétents, la présentation à une adresse où il ne réside plus du pli notifiant une décision relative à son permis de conduire et prise à l'initiative de l'Administration n'est pas de nature à faire courir à son encontre le délai de recours contentieux."
Dans ces conditions, la décision prise par Monsieur le Ministre de l'Intérieur, invalidant le permis de conduire de l'automobiliste, ne peut être considérée comme régulièrement notifiée, et le recours pour excès de pouvoir introduit après l'expiration du délai de deux mois ne pourra donc être considéré comme tardif, le délai de deux mois n'ayant en réalité jamais commencé à courir.
Que penser ce premier joker procédural ?
Ce premier joker procédural permet à l'automobiliste d'échapper aux délais légaux et de contester une décision administrative à tout moment.
On soulignera que cette facilité ainsi accordée au conducteur repose au départ sur une négligence de sa part puisqu'il a sciemment oublié de déclarer son changement d'adresse en préfecture.
Cette solution est cependant conforme au droit, et principalement au droit international, dont les traités nous rappellent que chaque justiciable doit être garanti de pouvoir faire valoir ses droits en justice et d'être informé préalablement de toute sanction qui le concerne.
Dans ces conditions, et même si la façon d'y arriver peut sembler critiquable, ce joker procédural permet finalement à chaque automobiliste de faire valoir ses droits.
Après tout, si l'administration se trompe et retire illégalement des points sur le permis de conduire d'un automobiliste, il est normal que celui-ci puisse le discuter et ne se voit pas simplement opposer des arguments de forme telle que l'expiration d'un court délai de deux mois.
Bien évidemment, lorsque l'automobiliste reçoit en main propre le formulaire 48 SI, le délai légal de deux mois retrouve son entière application, car l'on peut tout de même attendre de ce conducteur qu'il agisse promptement.
Le droit a besoin de certitude et il est normal qu'une décision administrative puisse être considérée comme définitive, et donc non contestable, à partir du moment où celui à qui on l'oppose a été informé en personne de son contenu.
Lorsque tel n'est pas le cas, il est tout aussi logique de laisser au justiciable la possibilité de s'expliquer sans lui opposer de délais.
Grâce à ce joker procédural, l'équilibre est donc trouvé entre les impératifs de la sécurité routière, l'administration qui en est le socle et les droits de l'automobiliste qui doit pouvoir se défendre.
b) en l'absence du formulaire 48 SI.
L'hypothèse reste la même, mais avec une nuance : un automobiliste a déménagé et n'a pas signalé son changement de résidence.
Le ministre de l'intérieur l'informe de l'annulation de son permis de conduire en lui envoyant en recommandé avec accusé de réception le formulaire 48 SI à la dernière adresse connue.
Ce formulaire n'est pas reçu par l'automobiliste puisque celui-ci a déménagé et le courrier est retourné au ministre de l'intérieur avec la mention " n'habite plus à l'adresse indiquée " ou encore " boite aux lettres non identifiable ".
En sollicitant son relevé d'information intégral à la préfecture, l'automobiliste apprend incidemment que son permis de conduire a été invalidé
Celui-ci entend saisir le tribunal administratif pour obtenir l'annulation de la décision du ministre de l'intérieur qui a annulé son permis de conduire, mais ne dispose pas du formulaire 48 SI qui a été envoyé à l'une de ses anciennes adresses.
Or, l'article R 412-1 du Code de justice administrative dispose :
" La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée, ou dans le cas mentionné à l'article R 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation."
Théoriquement, l'automobiliste doit donc produire le formulaire 48 SI en même temps qu'il introduit son recours.
Le Conseil d'État est heureusement venu au secours du justiciable.
Par trois arrêts du 27 janvier 2010, le Conseil d'État énonce expressément :
" Considérant que le titulaire du permis qui demande l'annulation d'une décision portant retrait de points ou invalidation de son permis ne peut se borner à produire le relevé d'information intégral... mais doit produire la décision elle-même telle qu'il en a reçu notification... ou, en cas d'impossibilité, apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour en obtenir la communication."
Les trois arrêts, rendus le 27 janvier 2010 par le Conseil d'État, permettent au requérant d'échapper aux contraintes énoncées à l'article R 412-1 du Code de justice administrative, si celui-ci justifie des diligences qu'il a accomplies pour obtenir une copie de la décision attaquée.
Il suffira donc à l'automobiliste d'écrire immédiatement en recommandé avec accusé de réception au ministre de l'intérieur afin de solliciter une copie du formulaire 48 SI.
L'envoi de ce courrier suffira à établir les diligences requises par l'arrêt précité et permettra donc à l'automobiliste de saisir le tribunal administratif en l'absence du formulaire 48 SI.
L'automobiliste pourra saisir le tribunal immédiatement après avoir écrit au ministre sans avoir à attendre sa réponse.
Le recours sera parfaitement recevable par la seule production du relevé d'information intégral ainsi que copie du courrier envoyé au ministre et l'original de l'accusé de réception de ce dernier.
Il s'agit là d'un second " joker procédural ".
IV En conclusion.
Nous avons vu que rien n'oblige l'automobiliste à déclarer son changement d'adresse afin de faire modifier son permis de conduire.
Nous avons vu qu'il en est autrement au regard du certificat d'immatriculation.
Nous savons cependant que la plupart des automobilistes ne se soucient guère de déclarer leur changement d'adresse, qu'une peine d'amende soit encourue ou non.
Nous constatons que cette souplesse que s'accordent ainsi les automobilistes a des conséquences heureuses pour eux puisqu'elle leur permet d'échapper aux rigueurs procédurales du droit administratif.
Mais ils seraient cependant mieux inspirés de déclarer leur nouvelle adresse afin de recevoir avec certitude tous courriers les informant des retraits de points pratiqués sur leur permis de conduire et de réagir en temps réel.
En effet, n'oublions pas que la décision du Conseil d'État qui leur vient aujourd'hui en aide peut être remise en cause demain par l'édiction d'un revirement de jurisprudence.
Rien n'oblige en effet les sages du Conseil d'État de rester sur cette position : ceux-ci peuvent revenir sur leurs pas et décider du contraire d'un jour à l'autre.
N'oublions pas en effet qu'avant cette décision, la jurisprudence accordait valeur probante au relevé d'information intégral.
La Cour Administrative d'Appel de Lyon énonçait clairement :
"À l'appui de sa demande... le requérant a produit le relevé d'information intégral portant notamment sur les décisions de retraits de points...
Que l'existence et le dispositif de ces décisions du ministre de l'intérieur étaient suffisamment établis par la production de ce relevé;
Qu'ainsi, le premier juge ne pouvait pas estimer que la demande n'était pas accompagnée de la décision attaquée;
Que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande au motif qu'elle ne satisfait pas aux exigences de l'article R 412-1 du Code de Justice Administrative et a demandé l'annulation de cette ordonnance"
(Cour Administrative d'Appel de Lyon, 18.12.2008, n° 07 LY000285)
À cela, la Cour Administrative d'Appel de Versailles emboitait le pas :
"le relevé d'information intégral relatif au permis de conduire de l'intéressé mentionne de manière suffisamment circonstanciée les différentes décisions de retraits de points dont il a fait l'objet de la part du ministre de l'intérieur ;
Que, par suite, lorsque l'intéressé exerce son droit d'accès à ce traitement automatisé des pertes de ses points, il prend connaissance de ces décisions et peut dès lors, le cas échéant, en contester la légalité devant le juge administratif...
Que c'est par suite à tort que le premier juge lui a adressé une mise en demeure de produire copie de la décision contestée et qu'il a rejeté sa demande comme irrecevable"
(Cour Administrative d'appel de Versailles, 18 juin 2009, n° 08VE 000 86.)
La Cour Administrative d'Appel de Paris suivait ce chemin clairement balisé :
"Le relevé d'information intégral relatif au permis de conduire de l'intéressé mentionne de manière suffisamment circonstanciée les différentes décisions de retraits de points dont il a fait l'objet de la part du ministre de l'intérieur ;
Que, par suite, lorsque l'intéressé exerce son droit d'accès à ce traitement automatisé des pertes de ses points, il prend connaissance de ces décisions et peut dès lors, le cas échéant, en contester la légalité devant le juge administratif."
(Cour Administrative d'appel de Paris, 27 janvier 2009, n° 08PA000 984.)
Le Conseil d'État se prononçait dans le sillage de cette jurisprudence par trois arrêts du 24 juillet 2009 en rejetant des pourvois fondés sur la seule inopposabilité au requérant des informations mentionnées dans le relevé d'information intégral.
Le Conseil d'État acceptait donc d'accorder à ce document la même force probante et procédurale que la décision attaquée.
Entre le 24 juillet 2009 et le 27 janvier 2010, le Conseil d'État adoptait donc deux solutions différentes sur le même problème juridique.
Pour échapper à une incertitude jurisprudentielle, mieux vaut alors montrer patte blanche et indiquer où l'on réside.
Tout le monde s'y retrouvera, à commencer par l'automobiliste, car même des jokers peuvent être renversés.
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