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Le droit de propriété est un droit fondamental, reconnu et protégé par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, partie intégrante du bloc de constitutionalité. Aux termes de son article 17, la propriété est " un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ".
Tout empiètement sur la propriété d'autrui constitue un abus de droit, peu importe que l'emprise soit minime ou qu'elle ne déprécie pas la valeur du fonds voisin. Ainsi en est-il de la construction d'un mur empiétant sur le terrain voisin, de l'ancrage de la fondation d'une maison passant sous le sol du terrain voisin, ou d'un toit surplombant la propriété voisine.
Que faire dans une telle situation ?
Il convient, avant toute démarche (II), de bien connaître les règles de droit applicables en matière d'empiètement sur la propriété d'autrui (I).
Les litiges d'empiètement sur la propriété d'autrui sont encadrés par les dispositions du Code civil.
L'article 544 du Code civil dispose que " la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ". Le droit de propriété est ainsi, en principe, un droit absolu en vertu duquel le propriétaire peut refuser ou faire cesser toute atteinte à ses biens.
C'est en application de cette règle générale que l'article 545 du Code civil dispose que " nul ne peut être contraint de céder sa propriété, sauf en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique ".
Selon la jurisprudence en vigueur, le propriétaire victime d'un empiètement peut demander la destruction de la partie empiétant chez lui, et ce même s'il ne subit aucun préjudice(Cass. Civ. 3e, 10 novembre 2009, n° 08-17526), quelle que soit la bonne ou mauvaise foi du constructeur (Cass. Civ. 1ère, 8 mars 1988, n° 86-16589), quelles qu'en soient les conséquences pour l'ensemble de l'immeuble (Cass. Civ. 1ère, 4 mai 1969, JCP 1960, 11409), et même si l'emprise irrégulière n'est que minime. C'est ce qui a été jugé à propos d'une clôture qui empiétait de 5 mm sur le terrain voisin, les tribunaux ayant ordonné la destruction du mur litigieux (Cass. civ. 3e, 20 mars 2002, n° 00-16015). L'injonction de détruire un mur ou toute autre emprise sera ordonnée par le juge même si la destruction est susceptible de compromettre la solidité de l'ouvrage ou oblige à le détruire entièrement.
Le propriétaire plaignant peut aussi demander au voisin de couper les racines ou les branches des arbres dépassant la limite séparative des deux propriétés par application de l'article 673 du Code civil.
Les droits sont les mêmes en matière d'ouvrage public, mais en obtenir sa destruction est plus difficile en raison de l'utilité publique de l'ouvrage.
Le propriétaire lésé peut, dans un premier temps, contacter son voisin par courrier recommandé avec accusé de réception pour lui signaler l'empiètement et lui demander d'y remédier. Il conviendra de lui rappeler que conformément aux articles 544 et 545 du Code civil que tout empiètement, aussi minime soit-il, sur le terrain du voisin est sanctionné par les tribunaux par la destruction de la construction litigieuse.
Si le voisin reconnaît l'empiètement et modifie ou reconstruit le mur séparant les deux propriétés, de façon à faire cesser l'empiètement, le litige prend fin. En revanche, s'il conteste l'empiètement, il faudra vérifier si un géomètre a réalisé un bornage entre les deux terrains, surtout si l'empiètement est minime. Si aucun bornage n'a été réalisé, il faudra alors effectuer un bornage, soit à l'amiable, soit, à défaut, par décision de justice. Sa réalisation est vivement conseillée avant d'envisager un recours en justice dès lors que les parties ne parviennent pas à s'entendre.
Lorsque l'empiètement est minime, le constructeur peut émettre la proposition d'acheter au prix du marché la partie du terrain qu'il occupe, ce qui aura pour effet de mettre fin au différend. Cette solution est généralement moins coûteuse pour lui que la destruction et la reconstruction du mur litigieux. Le propriétaire lésé n'est cependant pas obligé d'accepter une telle proposition : il devra alors saisir la justice. A l'inverse, il peut l'accepter telle quelle ou sous conditions, telles la non prise en charge des frais d'acte notarié, de publicité foncière et, éventuellement, de géomètre, dans la mesure où c'est le constructeur qui est responsable de l'empiètement.
En cas de refus, il est conseillé au propriétaire lésé d'adresser à son voisin, par courrier recommandé avec accusé de réception, une mise en demeure de faire cesser l'empiètement dans un délai d'un mois à compter de la réception du courrier. Il conviendra de préciser qu'à défaut de réaction, le tribunal compétent sera saisi pour obtenir satisfaction.
La juridiction compétente est le tribunal de grande instance du lieu où est situé le terrain (article R. 32169 du Code de l'organisation judiciaire). La représentation d'un avocat est obligatoire. Il mènera une action judiciaire et demandera au tribunal de prononcer, outre la cessation de l'empiètement, des dommages et intérêts par application de l'article 1382 du Code civil (" tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer "), et une astreinte (indemnité fixée par jour de retard mis par le voisin à s'exécuter), ainsi qu'une condamnation au pénal pour dégradation d'immeuble au sens de l'article 322-1 du Code pénal (par exemple, le fait d'enlever ou de déplacer des bornes pour faciliter 'empiètement).
C'est à l'avocat de déterminer le type d'action à mener, selon qu'il cherche la sécurité à partir du droit, ou au moyen du fait. Si l'action en justice tend à faire reconnaître le droit de propriété, l'avocat engagera une action en revendication, action pétitoire qui suppose que le demandeur puisse faire la preuve de son droit. En revanche, si la poursuite judiciaire tend à assurer la protection de la seule possession, il s'agit d'une action possessoire.
a) L'action " possessoire " (article 2278 du Code civil). C'est l'action à privilégier, car elle est pour le propriétaire lésé un moyen rapide et efficace d'agir contre ceux qui trouble la jouissance de son bien, sans qu'il ait besoin de faire la preuve, délicate, de son droit de propriété sur celui-ci. Elle est possible seulement si l'empiètement remonte à moins d'un an, et si le droit de propriété sur la partie du terrain concerné est incontestable (notamment si les terrains sont bornés). Deux cas de figure sont alors possibles :
- Si le mur litigieux est en cours de construction, le propriétaire lésé peut demander la suspension des travaux (action en dénonciation de nouvel ?"uvre) ;
- Si le mur litigieux est déjà construit, le propriétaire lésé peut demander la destruction du mur et la remise des choses en l'état antérieur (action en réintégration, ou réintégrande).
b) L'action " pétitoire " (article 545 du Code civil). C'est une action en revendication tendant à faire reconnaître en justice le droit de propriété sur la parcelle du terrain occupée. Elle sera introduite si l'empiètement date de plus d'un an et si la propriété de la parcelle du terrain est contestée. Si elle aboutit, cette action conduit le possesseur ou le détendeur évincé à restituer la chose et ses accessoires.
Si le propriétaire lésé bénéficie d'une protection judiciaire de son droit de propriété, il n'en reste pas moins que les procédures sont assez longues et parfois coûteuses.
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