122 partages |
1.
La loi ne définit pas le travail temporaire, mais se contente de définir l'entreprise de travail temporaire.
Ainsi, l'article L 1251-2 du code du travail dispose :
"est un entrepreneur de travail temporaire, toute personne physique ou morale dont l'activité exclusive est de mettre à la disposition temporaire d'entreprises utilisatrices des salariés, qu'en fonction d'une qualification convenue, elle recrute et rémunère à cet effet ".
Le travail temporaire est donc une relation triangulaire qui met face à face trois personnes différentes à savoir :
-l'entreprise de travail temporaire qui va recruter le salarié ;
- le salarié ou travailleur intérimaire ;
- l'entreprise utilisatrice au sein de laquelle le salarié va travailler.
Le salarié va signer avec l'entreprise de travail temporaire un contrat de mission.
L'entreprise de travail temporaire va signer avec l'entreprise utilisatrice un contrat de mise à disposition.
C'est l'entreprise de travail temporaire qui va payer le salarié alors qu'il ne travaillera pas pour elle, mais pour l'entreprise utilisatrice.
En retour, l'entreprise de travail temporaire facturera à l'entreprise utilisatrice la mise à disposition de ce salarié.
Selon une formule consacrée, le salarié " est employé par une entreprise où il ne travaille pas et n'est pas employé de l'entreprise où il travaille ".
Bien entendu, le recours au travail temporaire doit se faire sous certaines conditions énumérées par la loi et qui s'imposent tant à l'entreprise de travail temporaire qu'à l'entreprise utilisatrice.
Si l'une de ces conditions n'est pas respectée, le salarié peut alors prétendre à une requalification de son contrat de travail temporaire en contrat de travail à durée indéterminée.
On voit immédiatement pour lui les avantages qu'il y aurait à obtenir une telle requalification, car celui-ci pourra alors obtenir du conseil des prud'hommes la condamnation de son
adversaire au versement de dommages et intérêts pour non-respect des règles relatives au licenciement, ainsi que d'autres montants strictement énumérés par la loi.
Ces montants peuvent être fort lourds.
La question qui se pose est alors de savoir qui devra assumer la charge de cette requalification.
Est-ce l'entreprise de travail temporaire ou l'entreprise utilisatrice ?
Le salarié doit donc identifier avec précision le motif de requalification, car c'est celui-ci qui lui servira de vecteur et qui lui indiquera vers qui se tourner.
La jurisprudence pose des conditions très strictes en cas de demande de requalification intentée par le salarié.
La demande de requalification peut être formée par le salarié, soit contre l'entreprise de travail temporaire, soit contre l'entreprise utilisatrice, mais sur des fondements juridiques précis et différents dans l'un et l'autre cas.
La jurisprudence fait donc une application distributive des fondements juridiques permettant à un intérimaire de se tourner vers l'entreprise de travail temporaire ou vers l'entreprise utilisatrice, afin d'obtenir la requalification de son contrat.
L'intérimaire peut solliciter la requalification de son contrat de travail à l'encontre de l'entreprise utilisatrice, dans deux cas bien précis :
1er cas - lorsque l'entreprise utilisatrice continue à employer le salarié temporaire après la fin de sa mission, sans avoir conclu avec lui un contrat de travail ou sans nouveau contrat de mise à disposition ;
Attention : il s'agit là d'un véritable délai-couperet.
Exemple : Si la mission du salarié au sein de l'entreprise utilisatrice doit s'achever par exemple le mardi 02 septembre, il ne faut absolument pas que celle-ci fasse intervenir le
travailleur intérimaire le mercredi 03 septembre.
Tout dépassement du délai, même pour une heure, expose l'entreprise utilisatrice à une requalification du contrat de travail.
2nd cas - lorsque l'entreprise utilisatrice a eu recours aux services du travailleur intérimaire, en violation des dispositions des articles L 1251-5 à L 1251-7, L 1251-10 à L 1251-12, L
1251-30 & L 1251-35 du Code du travail.
Ces dispositions concernent toutes les motifs du recours au travail temporaire et à la durée des missions.
Dans ces circonstances-là, la demande de requalification ne peut être adressée qu'à l'encontre de l'entreprise utilisatrice.
Toute action qui serait menée par le salarié, contre l'entreprise de travail temporaire, serait irrecevable et mal fondée.
Par voie de conséquence, un appel en garantie l'est tout autant.
Il sera donc inutile pour l'entreprise utilisatrice, poursuivie par le salarié devant le conseil de prud'hommes, d'appeler en garantie l'entreprise de travail temporaire afin que celle-ci assume une partie de la condamnation.
L'intérimaire peut solliciter la requalification de son contrat à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire, uniquement lorsque le contrat de mission ne comporte pas :
1er cas - la mention du terme de la mission ;
Le contrat que le salarié signe avec l'entreprise de travail temporaire doit
indiquer avec précision la date de début et de fin du contrat.
Exemple : du 5 septembre 2015 au 1er octobre 2015.
Si cette mention n'est pas indiquée, le salarié pourra demander la requalification de son contrat à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire.
Attention : si cette mention figure bien dans le contrat, mais que l'entreprise utilisatrice continue à faire travailler le salarié après le 1er octobre, c'est contre cette dernière que le salarié devra se retourner pour obtenir la requalification de son contrat.
2nd cas - la mention de la qualification des salariés remplacés.
Le contrat doit indiquer l'identité du salarié remplacé ainsi que sa qualification.
3ème cas - la signature de l'intéressé.
4ème cas - Non-respect de la règle dite des deux jours ;
L'entreprise de travail temporaire dispose de deux jours pour faire signer le contrat de mission au salarié.
Si elle ne respecte pas cette règle des deux jours, elle s'expose à une requalification.
Ainsi, si le salarié commence à travailler le 3 octobre au matin pour l'entreprise utilisatrice, l'entreprise de travail temporaire a jusqu'au 4 octobre au soir pour faire apposer la signature du salarié sur le contrat.
Il est recommandé aux entreprises de travail temporaire de faire signer le contrat de mission par le salarié avant même de l'envoyer au sein de l'entreprise utilisatrice.
Si cela n'est pas possible, il est conseillé à l'entreprise de travail temporaire, au terme du délai de deux jours, d'écrire au salarié en recommandé avec accusé de réception pour le sommer de renvoyer son contrat de mission signé.
Si le salarié ne renvoie pas son contrat signé, certains conseils des prud'hommes se montrent plus souples avec l'entreprise de travail temporaire et estiment qu'elle a fait ce qui était nécessaire pour obtenir le contrat signé et que l'absence de signature est due à la mauvaise foi du salarié.
Cela permet à l'entreprise de travail temporaire d'échapper à une requalification.
Il s'agit là des seuls cas dans lesquels le travailleur intérimaire peut se retourner contre l'entreprise de travail temporaire, afin de solliciter la requalification de son contrat de travail.
Les salariés se trompent parfois d'adversaire.
D'où la nécessité d'être assisté par un professionnel du droit qui connaît la jurisprudence.
Celle-ci admet que l'action en requalification peut être menée contre l'entreprise de travail temporaire et/ou de l'entreprise utilisatrice, mais à condition de respecter cette application distributive.
Voir en ce sens :
Cass. Soc. 20 mai 2009 n° 07-44.755, SARL Victor Bonnevie c/ Collet Jurisdata n° 2009-048201 :
" attendu que les deux actions en requalification exercées l'une contre l'entreprise de travail temporaire sur le fondement de l'article L 124-2 al. 1 et 2, à L 124-4 al.1 à 9, devenu L 1251-5, L 1251-6, L 1251-16 et L 1251-17 du Code du travail, l'autre contre l'entreprise utilisatrice sur le fondement de l'article L 124-7 al. 2 devenu L 1251-40 du même code, ont des fondements différents"
Cass. Soc. 16 mai 2007 n° 06-40.082, SARL Fiva c/Gilbert Jurisdata n° 2007-039133 :
" Attendu que les dispositions de l'article L 124-7 du Code du travail qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L 124-2 à L 124-2-4 du même code, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire mais lorsque les conditions, à défaut desquelles toute opération de main-d'?"uvre est interdite, n'ont pas été respectées"
Voir enfin dans le même sens, refusant la mise en cause de l'entreprise de travail temporaire.
Cons. Prud'hommes de Lille. 16 septembre 2010 n° RG F 09/00098, BENKOULA / DLSI - Menuiserie et Cloison du Nord :
" L'accroissement temporaire de l'activité n'est pas justifié, l'emploi de M. B. découle de l'activité permanente de l'entreprise. l'ensemble du litige engagé par M. B., doit être dirigé uniquement envers la Sarl MCN , entreprise utilisatrice.
La mise en cause conjointe et solidaire de la société de travail temporaire est infondée"
Voir aussi :
Cons. Prud'hommes de Valenciennes. 30 septembre 2010 n° RG F 09/00297, POREZ / DLSI - Sarl EURO TECH - Sarl Euro Tech :
Cons. Prud'hommes de Metz. 17 juillet 2014 n° RG F 13/00354, SCIPIONI / DLSI - Sarl ZINSNER.
" Il en résulte que l'accroissement temporaire n'est pas démontré... il convient à partir de ces mêmes constatations de rejeter la demande de la Sarl ZINSNER, entreprise utilisatrice, d'appeler en garantie de la S.A. DLSI., Entreprise de travail temporaire."
La difficulté juridique pour le salarié est donc de connaître les mécanismes de cette relation triangulaire qui oppose le travailleur temporaire, l'entreprise de travail temporaire et l'entreprise utilisatrice.
Une autre difficulté est celle de pouvoir faire la synthèse des différentes règles du droit du travail contenues dans le code du travail ainsi que leur application concrète que l'on trouve dans la jurisprudence.
Il s'agit là d'un véritable labyrinthe juridique dont on ne peut sortir qu'avec une connaissance approfondie de la matière.
Si le salarié se trompe d'adversaire, il s'expose à perdre son procès et donc à perdre du temps.
Rien ne l'empêchera de recommencer contre la bonne personne, mais à condition de ne
pas se heurter à une autre embûche qui est celle de la prescription.
De la même façon, la personne morale poursuivie devra vérifier si les motifs invoqués par le salarié la concernent directement.
Si tel n'est pas le cas, elle aura le choix entre deux solutions :
- Demander au conseil des prud'hommes de rejeter la demande du salarié, mais sans appeler en garantie l'autre personne morale ;
Il s'agit d'un coup de poker car si le conseil des prud'hommes décide, contre toute attente, de donner gain de cause au salarié, l'entreprise poursuivie sera condamnée sans avoir pu se
retourner contre l'autre personne morale.
- Ménager ses arrières en appelant en garantie l'autre personne morale et en expliquant au conseil des prud'hommes qu'en application du code du travail et de sa jurisprudence, c'est cette dernière qui doit supporter le poids de la condamnation.
Tout est donc question d'opportunisme, car il n'est pas toujours facile, par exemple pour une entreprise de travail temporaire d'appeler en garantie une entreprise utilisatrice avec laquelle elle travaille habituellement et qui est donc l'une de ses clientes.
La complexité du droit oblige donc à être plus habile que les autres.
Une question en Nos avocats vous répondent gratuitement | 83%de réponse |
* Durant les 60 dernièrs jours
Offre et délai minimum transmis par un avocat sur Alexia.fr au cours des 30 derniers jours dans au moins une région.