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Un salarié s'étant vu retirer son permis peut-il être véhiculé par un proche, tiers à l'entreprise, pour exercer ses missions ?
L'employeur n'est pas tenu d'accepter la proposition d'un salarié de se faire véhiculer par un proche afin d'assurer l'exécution de son contrat de travail durant la suspension de son permis. L'employeur doit néanmoins sérieusement examiner cette demande et prendre quelques mesures de précaution s'il entend y répondre favorablement.
En 2014, les forces de l'ordre ont retirés 12,5 millions de points sur les permis de conduire des automobilistes français et 77 288 permis ont été invalidés pour défaut de points (Source : Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière - Le permis à point - France 2014 - note parue le 28 mai 2015). De nombreux salariés se trouvent ainsi confrontés à la perte de leur permis de conduire. Si une telle situation n'a a priori pas de conséquence pour les salariés sédentaires, elle affecte néanmoins ceux pour qui la validité et la détention du permis de conduire sont nécessaires pour l'exécution de leur contrat de travail (chauffeurs routiers, conducteur de cars, commerciaux itinérants, etc.).
La jurisprudence semble aujourd'hui fixée quant aux conséquences de la suspension ou du retrait du permis de
conduire sur le contrat de travail. Cette perte temporaire ou non du permis de conduire peut donner lieu ou à un licenciement disciplinaire ou à un licenciement pour trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise. Le licenciement disciplinaire peut être prononcé dès lors que le salarié a adopté un comportement dangereux durant ses horaires de travail (excès de vitesse, conduite en état d'ébriété ou après usage de stupéfiant, etc.). Si la perte de permis résulte de faits intervenus dans le cadre de la vie personnelle du salarié, l'employeur devra alors fonder sa décision de licenciement sur un trouble objectif au bon fonctionnement de l'entreprise dès lors que le salarié n'est pas en mesure d'exécuter son travail.
Dans ce second cas, l'employeur est alors tenu de démontrer l'incidence de l'absence de permis sur l'activité de l'entreprise. Il devra notamment prendre en compte la durée de suspension du permis (Voir en ce sens : CA Douai, 31 mai 2001, Société BRICOLOISIR / BLONDEL) ou des possibilités d'aménagement du poste avec des regroupements des rendez-vous et une utilisation des transports en commun par exemple (Voir en ce sens : CA Paris, 23 février 2012, n°10-05225). L'employeur doit donc privilégier le maintien dans son poste du salarié en examinant toutes les solutions permettant de surmonter la perte du permis.
Se pose alors la question de savoir si un employeur doit ou peut répondre favorablement à la demande d'un salarié
itinérant ayant perdu son permis et qui proposerait de se faire conduire avec son véhicule de société par un proche (conjoint ou parents par exemple).
La Cour de Cassation a déjà eu l'occasion en 2009 de juger que l'employeur n'est pas tenu d'accepter qu'un tiers se substitue au salarié pour la conduite du véhicule afin de permettre à ce dernier d'assurer ses déplacements professionnels (Voir en ce sens : Cass., Soc., 22 septembre 2009, n°08-42304). A contrario, l'employeur peut accepter la proposition du salarié d'être conduit par un tiers durant la durée de la suspension de son permis. A notre avis, l'employeur doit d'autant plus prendre en considération une telle proposition qu'il sera difficile pour lui d'arguer d'une désorganisation de son activité du fait de la perte du permis de conduire de son salarié alors que ce dernier avait un moyen de pallier cette désorganisation momentanée.
Néanmoins, si l'employeur doit examiner sérieusement une telle demande, quelques précautions s'imposent s'il entend y répondre favorablement.
Tout d'abord, il conviendra d'interroger l'assureur du véhicule pour savoir si le fait que le salarié est conduit par un tiers avec un véhicule de société ne pose pas de problème par rapport à la couverture d'assurance, notamment en ce qui concerne la mise en cause possible de sa responsabilité par rapport aux conséquences d'un accident occasionné par ce tiers conducteur, tant pour les tiers que par rapport au salarié et au tiers conducteur lui-même.
Ensuite, l'employeur devra également vérifier que le tiers conducteur est bien lui-même en possession d'un permis de conduire valide.
Enfin, le salarié devra organiser ses déplacements afin de les limiter au strict minimum et sur une durée la plus courte possible. Bien que les juridictions ne se soient pas prononcées sur ce sujet à notre connaissance, il faut impérativement éviter que le tiers conducteur ne vienne prétendre qu'il existerait un lien de subordination entre lui et la société et qu'il aurait ainsi été salarié de la société. L'employeur ne peut donc donner son accord à la conduite par un tiers de son salarié pour des déplacements professionnelle que si cette adaptation du poste est limitée à une période courte (quelques semaines maximum) et que la conduite reste occasionnelle (un jour à deux par semaine). Pour plus de précaution, il conviendrait de faire signer au tiers conducteur ainsi qu'au salarié une décharge selon laquelle le tiers intervient à la demande du salarié, bénévolement et en dehors de tout lien avec la société.
Le mieux reste de consulter son avocat avant d'agir!
Cet article a été rédigé en collaboration avec Maître Olivier Rupp et publié sur www.village-justice.com
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