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L'article 31 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte consacre la possibilité de mettre en oeuvre la garantie décennale des constructeurs, et donc de
leur assurance obligatoire, pour les désordres liés à la performance énergétique des bâtiments.
Cette reconnaissance du Législateur vient encadrer un recours qui avait déjà été admis par la Jurisprudence pour les " impropriétés énergétiques " mais n'est pas sans soulever des interrogations sur sa mise en oeuvre pratique.
Depuis plusieurs années, et notamment depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation thermique, dite RT 2012 applicable à tous les bâtiments dont le permis de construire est déposé depuis le 1er janvier 2013, le contentieux sur le caractère ou non décennal de la performance énergétique d'un bâtiment s'était développé.
En effet, cette nouvelle réglementation laissait présager des économies d'énergie, et donc des économies financières, pour les destinataires des travaux, et soulevait immanquablement la
question de la responsabilité des constructeurs en cas de défaut d'atteinte de la performance promise.
Parun arrêt important en date du 27 septembre 2000, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation a retenu l'impropriété énergétique comme moyen permettant de solliciter la garantie décennale pour une installation de chauffage dont certaines trames chauffantes étaient défectueuses ce qui entraînait des dépenses anormales d'énergie.
La Cour de cassation confirmait sa position dans un important arrêt de principe, en date du 8 octobre 2013 rappelant la définition même de la garantie décennale :
" tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. [...] En affirmant que les désordres engendrés par les travaux exécutés par ce dernier, et en particulier le défaut d'isolation thermique, ne revêtant pas un caractère décennal, ou encore que [...] ces désordres étaient seulement susceptibles d'entraîner une augmentation de la consommation d'énergie et un certain inconfort, sans rechercher, au regard des circonstances spécifiques de l'espèce, si les désordres engendrés par les défauts affectant l'isolation thermique ne rendaient pas la maison impropre à sa destination, la Cour d'appel à privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du Code civil ".
Il était dès lors nécessaire que le Législateur intervienne afin de déterminer dans quelles conditions un défaut de performance énergétique était susceptible de constituer un dommage de nature décennale.
Ces critères sont désormais énoncés au nouvel article L 111-13-1 du Code de la Construction et de l'Habitation qui dispose, de manière assez alambiquée, que :
" En matière de performance énergétique, l'impropriété à destination, mentionnée à l'article L 111-13, ne peut être retenue qu'en cas de dommages résultant d'un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en ?"uvre de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs d'équipement conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ou permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant ".
Pour rappel, l'article L 111-13 du Code de la construction et de l'habitation, reprend à l'identique le texte de l'article 1792 du Code civil et rappelé textuellement dans l'arrêt du 8 octobre 2013 précité.
L'impropriété à destination d'un ouvrage affecté d'un défaut de performance énergétique ne sera donc désormais retenue que lorsque le maître de l'ouvrage rapportera la preuve de trois éléments : un
défaut du bâti, une utilisation et un entretien " normaux " de l'ouvrage et un coût exorbitant.
A ces conditions, devra être ajoutée la condition première de mise en jeu de cette garantie, à savoir être en présence d'un désordre caché et non réservé au jour de la réception. Mais, par définition les désordres thermiques ne sont effectivement pas visibles à la réception, et ce n'est qu'avec le temps ou à l'occasion d'un évènement climatique particulier, que l'utilisateur se rendra compte de la défectuosité du système.
La première exigence concerne le siège du dommage. Le défaut de performance seul ne peut pas engager la responsabilité décennale des constructeurs ; il doit être lié à un désordre matériel.
En faisant droit à des demandes indemnitaires sur le fondement de la garantie décennale pour des surconsommations énergétiques, qui sont non pas un désordre matériel mais immatériel, la jurisprudence sortait de l'esprit de la Loi Spinetta n° 78-12 du 4 janvier 1978 et donnait une conception trop extensive de l'impropriété à destination.
Il était donc nécessaire de rappeler ce principe et il appartiendra donc toujours aux maîtres de l'ouvrage de démontrer que le défaut de performance énergétique est la conséquence d'un défaut lié
aux produits, à la conception de l'ouvrage ou encore à sa mise en oeuvre.
Le Législateur a longtemps hésité entre une référence à un " coût déraisonnable " ou " manifestement excessif " pour finalement retenir le terme d'un " coût exorbitant ".
Ce choix terminologique qui reste très subjectif entraînera sans aucun doute d'importants débats jurisprudentiels.
En effet, quels critères devront être pris en compte par le Juge pour déterminer si un surcoût d'utilisation est exorbitant ? Ce qui était conventionnellement prévu ? ce qu'il est courant
de supporter pour un bâtiment du même type ?...
Il s'agit là de l'élément le plus novateur du texte.
En effet, même si la formulation est malheureuse et imprécise, elle a le mérite d'apporter une spécificité notable en la matière.
En effet, pour les autres désordres de nature décennale, les constructeurs ne peuvent s'exonérer de leur responsabilité qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère, qui est nécessairement à rechercher, pour un défaut de performance énergétique, dans le comportement des utilisateurs, soit qu'ils utilisent mal l'ouvrage soit qu'ils ne l'entretiennent pas convenablement.
Dès lors aujourd'hui, la charge de la preuve est inversée et il ne reviendra pas aux constructeurs de démontrer qu'il y a une utilisation anormale ou un défaut d'entretien, mais au maître de l'ouvrage de prouver qu'il a bien respecté les " conditions d'usage et d'entretien appropriés ".
Une telle condition, qui donne tout son intérêt au carnet numérique de suivi et d'entretien créé par l'article L 111-10-5 du Code de la construction et de l'habitation, ne va pas dans le sens de l'objectif de " protection des consommateurs " initialement poursuivi par le Législateur mais dans l'intérêt
des constructeurs et, bien évidemment, de leurs assureurs.
Dès lors, il sera plus difficile pour les maîtres de l'ouvrage de mettre en jeu la garantie décennale des constructeurs et de rechercher une prise en charge par leurs assureurs.
Bien sur d'autres fondements juridiques seront envisageables mais sans la garantie d'une prise en charge par l'assureur...
Quoiqu'il en soit, il est aujourd'hui nécessaire d'attendre l'interprétation des Tribunaux sur cette nouvelle disposition pour déterminer avec certitude les conditions de prise en charge des
défauts de performance énergétique au titre de la garantie décennale.
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