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Dans une précédente publication, je vous ai présenté différents dispositifs permettant de bénéficier de congés spéciaux afin de se libérer du temps pour accompagner un proche en situation de handicap ou un proche en fin de vie.
Il se peut que ces dispositifs ne répondent pas à votre situation ou que vous ne remplissez pas les conditions pour en bénéficier (exemple : parents handicapés vivant à l'étranger, ancienneté insuffisante...).
C'est la cas également si vous ne pouvez plus continuer à travailler car vous avez besoin de toute urgence d'être disponible pour un temps supérieur à celui accordé par ces congés. Vous envisagez alors de quitter votre emploi et souhaitez convenir à l'amiable de sa rupture avec votre employeur.
Votre employeur se contente alors de vous inviter à démissionner car il refuse de régler l'indemnité de rupture conventionnelle correspondante. Vous vous retrouvez pris au piège en devant faire un choix entre deux solutions impossibles : renoncer à percevoir le moindre revenu de remplacement afin de pouvoir assister votre proche en détresse ou l'abandonner à son sort pour pouvoir continuer à percevoir votre salaire.
Votre devoir de solidarité vous commande moralement de privilégier l'aide envers vos proches. Comment de toute façon continuer à travailler sereinement lorsqu'un de ses proches a besoin de vous et que votre absence lui est préjudiciable ?
Inversement, comment un employeur peut contraindre son salarié à continuer son travail alors qu'un de ses proches souffre ?
Face à cet obstacle, vous ne voyez d'autres choix que de démissionner. Il est légitime de se demander alors s'il s'agit bien d'une démission pour convenance personnelle dans cette situation.
Une décision intéressante relatée dans les médias vient d'être prise par la section Encadrement du Conseil des Prud'hommes de Paris à ce sujet. Elle permet d'envisager une autre alternative plus juste pour le salarié en proie à cette difficulté.
Une mère de famille avait besoin de bénéficier d'un aménagement de son temps de travail afin de se rendre plus disponible pour son enfant handicapé.
Elle en parle à son employeur qui lui propose de passer à temps partiel. Elle refuse, car elle a besoin financièrement de bénéficier d'un temps complet.
Son employeur lui répond qu'elle n'a qu'à démissionner si elle veut s'occuper de son enfant. Précisons que son employeur est un grand groupe bancaire.
Face au refus de négocier de son employeur, la salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail.
Elle demande devant le Conseil des Prud'hommes sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcée aux torts de son employeur.
Dans un premier temps, la juridiction déboute la salariée de sa demande en toute logique. En effet, le principe même d'une rupture conventionnelle est que les deux parties soient d'accord. Il n'est pas possible de forcer une partie à signer cet accord. Sa prise d'acte est donc bien considérée comme une démission. Elle n'ouvre donc pas à des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Cependant, la juridiction a une appréciation intéressante de la situation.
Consciente que l'employeur avait insuffisamment recherché des solutions pour concilier ses impératifs familiaux avec sa vie professionnelle, elle considère que l'employeur a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail. Elle le condamne à ce titre à 25 000 Euros pour réparer le préjudice subi par la salariée.
En d'autres termes, la justice prud'homale a reconnu que la salariée subissait une contrainte morale l'empêchant de poursuivre normalement l'exécution de son contrat de travail. Elle aurait dû alors bénéficier du soutien de son employeur qui aurait dû aménager son poste de travail.
Cette décision se justifie car l'employeur n'était pas une petite entreprise dépourvue de moyens. L'entreprise ne pouvait de bonne foi prétendre qu'aucune solution n'était envisageable.
De manière analogue, cette décision devrait permettre aussi d'obtenir la reconnaissance que son employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail lorsqu'un salarié se voit refuser une rupture conventionnelle alors que sa demande se justifie par la gravité de sa situation personnelle.
Face à ce refus, le salarié n'a d'autre choix que de provoquer la fin de son contrat de travail en abandonnant son poste afin de se faire licencier. Il doit ensuite saisir le Conseil des Prud'hommes pour obtenir la reconnaissance que son employeur n'a pas exécuté loyalement le contrat de travail.
Les manquements qui ont été admis pour une prise d'acte doit en effet l'être pour un refus de rupture conventionnelle.
Pour éviter cette situation, une réforme intéressante est actuellement dans le débat public à l'occasion des élections présidentielles : ouvrir la possibilité aux salariés qui démissionnent de s'inscrire à Pole Emploi pour bénéficier d'une indemnisation chômage.
Cela permettrait au moins d'arrêter cette hypocrisie : affirmer que l'indemnisation chômage est réservée aux salariés ayant perdu involontairement leur travail tout en la permettant pour le salarié qui a provoqué cette rupture, parce qu'il n'avait pas d'autre choix.
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