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Une nouvelle affaire dans laquelle le cabinet est intervenu m'incite à évoquer quelques problématiques -non exhaustives - en matière de preuve dans l'instance pénale.
L'affaire pouvait se résumer ainsi :
Au cours d'une nuit, plusieurs départs de feu sont constatés par les pompiers et la gendarmerie.
Au total, ce sont 17 incendies volontaires qui sont combattus, feux démarrés dans des poubelles ou des haies le plus souvent.
Au cours de l'intervention, les gendarmes procèdent à des contrôles d'identité sur place, sans toutefois surprendre le ou les incendiaire(s). Aucune flagrance, aucune interpellation au cours de la nuit qui se termine - fort heureusement - uniquement avec des dommages matériels.
Aucun indice donc sur les auteurs de ces faits, l'enquête est à zéro.
Mais survient un couple, résidant sur les lieux, qui apporte sur clé USB des images de vidéosurveillance prises pendant la nuit.
Sur ces images sont vus deux individus qui entrent dans un local poubelles, d'où s'échappe rapidement de la fumée.
Les images ne permettent pas de voir le visage des incendiaires, mais les vêtements sont clairement identifiés, et un rapprochement est rapidement fait avec deux individus contrôlés sur place la veille.
Leur placement en garde à vue ne traine pas, et ils passent aux aveux.
Le cabinet représentait l'un des incendiaires.
Le dossier interpelle, non seulement par son ampleur, mais également par la procédure suivie.
En effet, il est indéniable que les images ont été l'élément déclencheur, ou à tout le moins accélérateur de l'enquête. Sans elles, point de rapprochement avec les auteurs, qui auraient pu ne jamais être retrouvés.
La validité de ces images était donc un élément important du débat.
Il s'agissait d'une vidéosurveillance privée, installée dans le domicile mais qui filmait l'extérieur, en l'occurence un véhicule, à travers une fenêtre.
S'il est admis de filmer librement l'intérieur de son domicile, il n'en est pas de même pour l'extérieur.
Une distinction toutefois : lorsque l'on filme la voie publique, ouverte à toute personne, l'accord de la préfécture et diverses autres obligations s'appliquent.
En l'espèce, il s'agissait de filmer le parking commun d'un immeuble, zone publique mais limitée aux personnes autorisées. Il est ici nécessaire de faire les démarches nécessaires à la CNIL.
Il est aussi précisé que ne pas procéder à ces démarches est une infraction pénale (L226-16 du Code pénal).
Concrètement, il était établi que cette vidéo n'avait pas été déclarée à la CNIL. Il s'agissait donc d'une vidéo tout à fait illégale et passible de sanction pénale.
Cette analyse a une grande importance : le placement en garde à vue et le renvoi devant le tribunal des deux auteurs reposait sur l'exploitation d'une vidéo tout à fait illégale.
Deux solutions : le tribunal écarte cette vidéo en considérant qu'il s'agit d'un mode de preuve illégale et déloyal, et le dossier est vide, donc les deux auteurs doivent être relaxés.
Le tribunal retient ce mode de preuve, et le message est alors clair : une preuve obtenue illégalement, relevant de sanctions pénales, est acceptable en procédure pénale.
Il va sans dire que la plaidoirie a été virulente à l'encontre de ces pratiques et de la complaisance du Ministère Public, qui sollicitait la condamnation malgré cette vidéo.
Au delà de cette seule affaire, c'est bien la question générale de la preuve en Justice qui est posée. Peut on accepter que tous les moyens soient bons pour apporter une preuve ? Peut on accepter des forces de l'ordre qui s'affranchissent des lois et des procédures pour rechercher les preuves ?
En ces périodes d'état d'urgence, il s'agit d'une vraie question pour poser le curseur entre le tout sécuritaire et le respect des droits individuels et des lois.
L'affaire a été mise en délibéré au 4 juillet prochain.
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