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Les informations que l’employeur peut demander à un salarié, ou à un candidat à un emploi, doivent avoir un « lien direct et nécessaire » avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation de ses aptitudes professionnelles (articles L. 1221-6 et L. 1222-2 du Code du travail).
Cela signifie que des informations qui n’ont aucun lien direct et nécessaire avec l’emploi ne seront pas admises par les tribunaux lorsqu’ils contrôlent les motifs d’une décision patronale, telle qu’une sanction disciplinaire, un licenciement, un refus de promotion ou un refus d’embauche.
C’est la manifestation d’un principe de pertinence des informations recueillies à propos du salarié.
Si l’employeur peut, dans le cadre de son pouvoir de direction, surveiller l’activité des salariés, il ne peut en revanche utiliser des procédés de contrôle qui n’ont pas été préalablement portés à la connaissance des salariés (Cass. soc. 20 novembre 1991).
- L'employeur mettant en place des moyens de surveillance doit donc au préalable, informer les salariés.
Selon le Code du travail, aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à la connaissance du salarié (articles L.1222-4 et L. 1221-9 du Code du travail).
- En outre, l’employeur doit informer le comité d’entreprise.
L’article L. 2323-32 du Code du travail prévoit une procédure d'information et de consultation du CE préalable à la décision de mise en œuvre, dans l'entreprise, de moyens ou techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés.
L'employeur qui ne satisfait pas à ces obligations pourra être poursuivi pénalement pour délit d'entrave.
En l’absence d’information du CE et des salariés, l'outil de contrôle ne pourra être utilisé par l'employeur comme moyen de preuve lors du procès.
Ce procédé de preuve pourra être jugé irrecevable en l’absence d’information préalable des salariés et de leurs représentants.
Si l’employeur n’apporte que ce moyen de preuve pour justifier le licenciement du salarié, ce licenciement sera très certainement considéré comme irrégulier, c'est-à-dire dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L’employeur peut cependant démontrer que le procédé de surveillance n’avait pas pour finalité la surveillance des salariés.
Mais cette preuve est difficilement admise par les juges.
Enfin, la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978 prévoit que tout fichier automatisé d'informations nominatives doit faire l'objet d'une déclaration préalable auprès de la CNIL.
Le non respect de cette procédure est susceptible d'engendrer des sanctions pénales (art. 226-16 du Code pénal).
Les salariés ont bien sûr droit, en dehors de l’entreprise, au respect de leur vie privée (article 9 du Code civil).
Par exemple, une filature organisée par l’employeur pour surveiller l’activité des salariés constitue nécessairement un moyen de preuve illicite (Cass. soc. 26 novembre 2002).
Mais plus encore, selon la Cour de cassation, le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée.
Par conséquent, l’employeur ne peut violer le secret des correspondances, notamment en prenant connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par celui-ci grâce à l’ordinateur mis à sa disposition pour son travail (Cass. soc. 2 octobre 2001).
Il faut donc distinguer plusieurs cas :
- l’ouverture des fichiers identifiés par le salarié comme personnels et l’ouverture des armoires personnelles du salarié
Selon la Cour de cassation, sauf risque ou évènement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés comme personnel ou les armoires du salarié qu’en présence du salarié ou si le salarié a été dûment appelé.
- Si le document n’est pas identifié comme personnel (classeur, fichier, connexions internets, courrier adressé à l’entreprise sans aucune mention l’identifiant comme personnel), l’employeur peut ouvrir ce document sans la présence du salarié.
Il existe à cet égard une présomption selon laquelle les documents ou fichiers non personnalisés détenus sur le lieu de travail sont d'ordre professionnels (Cass. soc. 18 octobre 2006).
Si le système de vidéo surveillance de la clientèle mis en place par l'employeur était également utilisé par celui-ci pour contrôler ses salariés, il aurait du informer et consulter préalablement le comité d'entreprise sur la mise en place de ce système.
Par conséquent, les enregistrements du salarié constituaient un moyen de preuve illicite (Cass. soc., 7 juin 2006).
En revanche, la mise en place d’une caméra, qui avait été décidée par un client, n'avait pas pour but de contrôler le travail des salariés mais uniquement de surveiller la porte d'accès d'un local dans lequel ils ne devaient avoir aucune activité.
Par conséquent, les enregistrements vidéo litigieux constituaient, même en l’absence d’information préalable des salariés, un moyen de preuve licite que l’employeur pouvait apporter au procès (Cass. soc. 19 avril 2005).
L’employeur peut-il se fonder sur un élément tiré de la vie personnelle du salarié pour prendre une décision telle qu’une sanction disciplinaire ou un licenciement disciplinaire ?
Selon la Cour de cassation, si en principe, il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie privée, il en est autrement lorsque le comportement de l’intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière (Cass. soc. 20 novembre 1991).
En découlent 2 conséquences :
- un fait tiré de la vie personnelle ne peut justifier une procédure disciplinaire.
Le principe est celui de l’immunité disciplinaire pour les faits liés à la vie personnelle du salarié. L’employeur ne peut engager une procédure disciplinaire suite à un évènement qui concerne le salarié mais qui est survenu en dehors du temps et du lieu de travail (ex. l’incarcération du salarié, son divorce avec la fille du dirigeant de l’entreprise, etc),
- Un fait tiré de la vie personnelle peut justifier un licenciement NON disciplinaire si l’employeur démontre l’existence d’un trouble objectif causé à l’entreprise par le comportement du salarié.
Ici, la cause de licenciement repose non sur une faute du salarié, mais sur le trouble objectif causé à l’entreprise par le comportement de ce salarié.
En effet, même si le comportement du salarié ne se rattache pas à sa vie professionnelle, il peut de façon exceptionnelle constituer une cause non fautive de licenciement.
Pour pouvoir invoquer l’existence d’un trouble objectif, il faut donc apprécier trois catégories de critères :
- Les fonctions du salarié. Par exemple, le comportement perturbateur est plus facilement constaté pour un cadre que pour un employé,
- La finalité propre de l’entreprise,
- Les conséquences objectives pour l’entreprise de l’agissement du salarié. La simple invocation d’une perte de confiance à l’égard du salarié est subjective, et ne suffit pas à démontrer un trouble objectif causé à l’entreprise (Cass. soc. 16 décembre 1998, Bull. civ. V, n° 559).
Par exception, un employeur peut se fonder sur un fait tiré de la vie personnelle du salarié pour prononcer une sanction disciplinaire dans deux principaux cas :
- Lorsque le fait relevant de la vie personnelle peut être rattaché à la vie professionnelle du salarié,
Ce rattachement d'un fait à la vie professionnelle peut trouver son origine dans les fonctions du salarié.
Par exemple, le fait pour un salarié chauffeur à la conduite de véhicules automobiles de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle (Cass. soc., 2 déc. 2003).
De même, des faits qui se sont produits en dehors du temps de travail mais à l’intérieur de l’entreprise peuvent être rattachés à la vie professionnelle du salarié.
Par exemple, un salarié passible de sanctions disciplinaires le salarié ivre qui se livre dans l'entreprise, mais en dehors de son temps de travail, à des actes de violence (Cass. soc., 28 mars 2000).
- La violation de l'obligation de loyauté.
Même en dehors de son temps de travail et du lieu de travail, le salarié reste lié à son employeur par une obligation de loyauté.
L’employeur peut donc prononcer une sanction disciplinaire, allant jusqu’au licenciement pour faute grave, à l’encontre d’un salarié qui a utilisé une période de congés pour effectuer une formation au sein d’une entreprise concurrente (Cass. soc. 10 mai 2001).
Est aussi fautif, le fait pour un mécanicien automobile de procéder pendant une période d'arrêt de travail à la réparation d'un véhicule pour son compte en faisant appel à un autre mécanicien de la société (Cass. soc., 21 octobre 2003).
Une employée de banque condamnée pour de menus larcins chez plusieurs commerçants, a pu être légitimement licenciée du fait du discrédit jeté sur l'établissement bancaire par son comportement et du retentissement important de cet agissement dans une petite ville.
De même, bien que la mise en examen d’un salarié se soit déroulée en dehors de son activité professionnelle et que cet agissement entre dans la sphère de sa vie privée, ce salarié avait pour mission de diriger un établissement d'accueil et d'hébergement de personnes protégées.
Par conséquent, les juges ont relevé que les faits d'attentat à la pudeur sur mineure à l'origine de la mise en examen du salarié pouvaient, à eux seuls, jeter le discrédit sur l'établissement qu’il dirigeait et sur l'association qui l'employait (Cass. soc. 21 mai 2002, pourvoi n° 00-41128).
Au contraire, le licenciement d'un cadre de banque ayant émis un chèque sans provision est irrégulier dès lors qu'il n'existe pas de trouble objectif (Cass. soc., 30 juin 1992).
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