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Le débat relatif à l'inconventionnalité du barème des indemnités prud'hommales a été récemment ré-ouvert par le Jugement du Conseil de Prud'hommes du Mans du 27 septembre 2018, suivi par le Jugement du Conseil de Prud'hommes de Troyes du 13 décembre 2018, qui statut à l'opposé.
Ces deux jugements se fondent sur l'article 24 de la Charte sociale européenne et du Comité européen des droits sociaux qui a déjà condamné un barème comparable à celui actuellement appliqué par les juridictions françaises avec l'application du
nouvel article L.1235-3 du Code du travail.
Le barème introduit par les Ordonnances MACRON reste controversé, pour les partisans il s'agit d'une sécurité pour l'employeur et pour les opposants, celui est un frein à ce que la réparation intégrale du préjudice éprouvé par le salarié soit garantie.
Ce barème fondé sur les indemnisations moyennes des Conseil de Prud'hommes vient limiter la responsabilité des employeurs et dans le même temps rend la saisine du Conseil de Prud'hommes obsolète.
En effet, l'indemnisation du salarié étant limitée par une fourchette, plus besoin d'aller aux prud'hommes il suffit de transiger en se basant la fourchette d'indemnité de l'article L.1235-3 du Code du travail.
Cette solution qui fait prévaloir la protection des finances de l'entreprise sur l'indemnisation du salarié peut paraître particulièrement choquante et ce d'autant plus que l'article L.1235-3 du Code du travail en son alinéa 4, précise que les juges prud'homaux peuvent tenir compte des indemnités extra-légales concédées au salarié pour prononcer le montant des dommages et intérêts.
A la suite de l'entrée en vigueur du barème MACRON, pour faire échec à l'application de celui-ci, les salariés se sont alors mis à solliciter des dommages et intérêts sur le fondement de la violation d'une liberté fondamentale (discrimination, harcèlement, nullité du licenciement etc.).
En effet, le barème ne s'applique pas en cas de violation d'une liberté fondamentale.
Allant plus loin, c'est l'inconventionnalité de la loi qui a été soulevé brillamment par un salarié par devant le Conseil de Prud'hommes du Mans.
En l'espèce, un exploitant avait cédé son entreprise à un repreneur dans des conditions très favorables à ce dernier et en contrepartie le repreneur avait consenti des contrats de travail à l'ancien chef d'entreprise et son épouse avec des garanties d'emploi respectivement de 3 et 1 an. La situation s'est dégradée et à l'issue des garanties d'emploi, l'employeur à licencier les salariés.
Les spécificités de cette espèce auraient permis au Conseil de Prud'hommes de retenir à la fois le harcèlement moral qui alors écarterait l'application du barème, mais aussi en gonflant l'indemnité relative au préjudice moral en raison des conditions vexatoires entourant la procédure de licenciement.
L'argumentaire invoqué, inspiré de celui préconisé par le syndicat SAF, était habilement construit et le but était clairement d'obtenir la reconnaissance de l'inconventionnalité du barème.
Le demandeur en se basant tant sur les dispositions de l'article 10 de la Convention de l'Organisation internationale du travail n°158 et sur l'article 24 de la Charte sociale européenne, a obtenu gain de cause.
Les conseils de prudhommes d'Amiens et de Lyon écartent à leur tour l'application du barème d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le Conseil de prud'hommes d'Amiens, dans une décision du 19 décembre 2018, estime que l'indemnité de 0,5 mois de salaire à laquelle le salarié pouvait prétendre en application de ce barème, compte tenu de sa faible ancienneté et de l'effectif de l'entreprise inférieur à 11 salariés, ne peut être considérée comme étant appropriée et réparatrice de son licenciement abusif. Il en conclut que notre droit est contraire à l'article 10 de la convention 158 de l'OIT signée par la France.
Dans une décision rendue 2 jours plus tard, le Conseil de prud'hommes de Lyon, sans même faire expressément référence au barème, accorde à un salarié, dont le contrat avait été abusivement rompu au bout d'un seul jour, une indemnité égale à 3 mois de salaire.
Il juge en effet que l'indemnisation doit être évaluée à la hauteur du préjudice subi conformément à l'article 24 de la charte sociale européenne.
Ces décisions ont pour conséquence de placer les employeurs dans l'incertitude juridique et de permettre aux salariés de ne pas se limiter au barème prévu par l'article L.1235-3 du Code du travail, dans leurs réquisitions sur le fondement de l'article 24 de la Charte sociale européenne et de l'article 10 de la Convention de l'Organisation internationale du travail n°158.
Source: Commentaire article du Professeur Jean MOULY
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