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Sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression. Est à caractère illicite le motif de licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale.
Tel est ce que vient déclarer un arrêt du 29 juin 2022 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation.
Fixer la limite de ce qui doit relever du libre exercice de la liberté d'expression et de ce qui doit être considéré comme abusif a permis à la Cour de cassation dans ce présent arrêt, de livrer une illustration de son positionnement, tout en offrant l'occasion de rappeler sa jurisprudence concernant l'expression de cette liberté fondamentale en l'entreprise particulièrement concernant un cadre dirigeant.
En l'espèce, un salarié engagé en qualité d'ingénieur et ayant par la suite pris les fonctions de directeur général de la filiale roumaine du groupe, a été licencié pour faute grave. Il lui était en effet reproché les propos qu'il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d'une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe( une gestion considérée comme désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu'en termes d'infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail, faisait suite à l'absence de réaction de sa hiérarchie qu'il avait alertée le 2 décembre 2016 sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure).
L'intéressé a alors saisi les juridictions prud'homales afin de contester la mesure.
Les juges d'appel ont fait droit à sa demande, en condamnant l'employeur et en retenant la nullité du licenciement. Ceux-ci ont en effet estimé qu'en reprochant au salarié d'avoir dénoncé certains faits dans un courrier, l'employeur avait remis en cause sa liberté d'expression. La Cour d'appel a donc considéré que les termes employés n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'encontre de l'employeur et du supérieur hiérarchique, et en a donc déduit, sans examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement, que le licenciement était nul dès lors qu'il était notamment reproché au salarié cet exercice non abusif de son droit fondamental à la liberté d'expression.
La chambre sociale de la Cour de cassation, saisie d'un pourvoi de l'employeur, a rejeté celui-ci, validant le raisonnement des juges du fond, et balayant l'argumentaire consistant à établir l'existence d'un abus de la part du salarié.
L'éminente juridiction rappelle en effet la formule selon laquelle " sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ".
Partant de ce constat fondamental, la Haute juridiction rappelle que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.
Or il était en l'espèce reproché, au sein de la lettre de licenciement, une série de griefs connectés à l'exercice de cette liberté. Lui était en effet reproché les propos qu'il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d'une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe.
Cette sanction, validée par la chambre sociale, ne surprend pas. C'est en effet la position traditionnelle de la jurisprudence qui frappe depuis longue date, de nullité toute mesure - au premier chef desquelles le licenciement - tendant à entraver la liberté d'expression du salarié (Soc. 28 mars 2006, n° 04-41.695).
La liberté d'expression du salarié n'est pas complètement dénuée de limite et l'employeur récupère son plein pouvoir de sanction dès lors qu'il est démontré que l'intéressé a commis un abus. Il est alors nécessaire d'identifier ce qui peut - ou non - relever d'un véritable abus. Il est généralement admis que l'abus peut être retenu en présence de propos outranciers, injurieux et/ou diffamatoires. La publicité des propos a également pu être identifiée comme un critère impactant, un salarié critiquant la société ou ses dirigeants publiquement, dans la presse ou auprès des clients, à moins que ce ne soit en réponse à des propos l'ayant visé personnellement (Soc. 28 avr. 2011, n° 10-30.107).
Or les termes employés en l'espèce par le directeur dans son courrier n'étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l'égard de l'employeur et du supérieur hiérarchique, pas plus qu'il destiné à être publié au seul employeur.
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