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Cour d'appel de Montpellier - 07 mai 2013 RG:12/00086
Développé dans la jurisprudence « Erika », le concept de préjudice écologique a pu être reconnu par la Cour de Cassation le 25 septembre 2012.
Faisant actuellement l'objet d'une consécration législative, le sénat a adopté le jeudi 16 mai dernier un projet de loi visant à inscrire dans le code civil la disposition suivante :
« Toute personne qui cause un dommage à l'environnement est tenu de le réparer ».
Mais pour l'instant, le préjudice écologique ou environnemental demeure une création prétorienne.
C'est un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 7 mai 2013 qui a repris cette notion dans le cadre d'un non respect des règles d'urbanisme par le propriétaire d'un terrain apparaissant, sur le plan d'occupation des sols de la commune de Guzargues, dans une zone naturelle.
Il avait, contre rémunération, autorisé à des entreprises de BTP de venir déposer leurs gravats sur son terrain.
Il avait aussi élargi un chemin communal afin de faciliter le va et viens des camions semi-remorques. Tout ceci avait été réalisé sans aucune autorisation administrative. Pire, le manège a continué malgré l'arrêté interruptif des travaux pris par le maire.
Sur l'action civile, et ce dès la première instance, la commune a demandé à ce que lui soit versée une indemnité supplémentaire à celle due en raison du préjudice matériel subi, et ce au titre du préjudice moral et environnemental.
Cette demande a d'abord été rejetée en première instance, notamment en raison de la confusion qui avait été réalisée entre préjudice moral et préjudice environnemental.
En effet, ces deux préjudices sont très distincts : le préjudice moral est anthropocentrique, car indemnisé seulement si l'être humain est lui-même impacté, alors que le préjudice environnemental prend en compte l'environnement par lui-même et pour lui-même.
La confusion pourrait réduire la force du second préjudice qui ne serait plus caractérisé par la simple atteinte à l'environnement, mais nécessiterait qu'un trouble existe aussi sur l'être humain.
En d'autres termes, inutile que l'intérêt de ce dernier soit impacté pour engager la réparation d'un préjudice écologique.
Il suffit simplement que l'environnement soit dégradé.
Ainsi, le juge d'appel explique qu' « en droit positif, le dommage écologique se définit comme une altération de l'environnement qui, ne se confond ni avec le dommage moral, ni avec le dommage matériel, et qui est notamment caractérisé dès lors que la matérialité d'une pollution est établie. Il peut également résulter d'une atteinte non négligeable à l'environnement naturel, à savoir, notamment, à l'air, l'atmosphère, l'eau, les sols, les terres, les paysages, les sites naturels, la biodiversité et l'interaction entre ces éléments, qui est sans répercussion sur un intérêt humain particulier mais affecte un intérêt collectif légitime ».
Lorsqu'il applique la Convention européenne du paysage de Florence du 20 octobre 2000 et l'article L110-1 du code de l'environnement, le juge déclare que :
« Ces textes supranationaux et nationaux s'imposent aux parties, ils visent à protéger l'environnement et à faire prévaloir l'intérêt collectif sur l'intérêt particulier et mercantile ».
Cette phrase pourrait éventuellement être utilisée dans la jurisprudence future afin de faire pencher la balance en faveur de l'environnement lorsque celui-ci est impacté par des projets lucratifs.
Le dernier aspect particulièrement intéressant de cet arrêt relève du fait que le juge a soulevé d'office les dispositions de l'article L110-1 du Code de l'environnement, ceci pouvant permettre à l'avenir de faciliter la reconnaissance d'un préjudice écologique :
« Même en l'absence de poursuites fondées sur le code de l'environnement, le non respect des règles du plan d'occupation des sols d'une commune, notamment lorsqu'elles visent à protéger des zones naturelles, peut générer un préjudice ouvrant droit à réparation ».
Mathieu RAMA
Master I droit de l'environnement et du développement durable
NANTES
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