« Le
divorce met fin au devoir de secours entre époux.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives. Cette prestation a un caractère forfaitaire. Elle prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge.
Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. »
Prévue aux articles 270 et suivants du Code civil, la prestation compensatoire est une indemnité destinée à compenser la différence de niveau de vie liée à la rupture du mariage. Elle peut être versée par l'un des ex-époux à l'autre, quel que soit le cas de divorce ou la répartition des torts.
Plus précisément, la prestation compensatoire a pour but de rééquilibrer la situation matérielle des ex-époux après le prononcé du divorce et pour tenir compte en particulier de la disparité qui se produit lorsque :
- l’un d’entre eux n'a pas de revenus personnels,
- lorsque son âge ou sont état de santé ne lui permet pas de prendre ou de reprendre un emploi,
- lorsque pendant la vie du ménage il a participé par son travail à l'activité de son conjoint sans être rémunéré,
- lorsqu'il s'est consacré à l'éducation des enfants communs, et qu'il va continuer à assurer leur éducation.
La demande de prestation compensatoire est une prétention accessoire de la demande de divorce, elle peut être présentée pour la première fois en appel tant que la décision, qui prononce le divorce, n'a pas acquis la force de chose jugée. Elle a un caractère forfaitaire et prend la forme d'un versement en capital ou, à titre exceptionnel, d'une rente viagère.
Le versement peut également être mixte. La détermination de la prestation compensatoire constitue un exercice délicat. La loi énumère les critères qui doivent être pris en compte. En effet ils sont prévus à l’article 271 du Code civil qui dispose :
« La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage ;
- l'âge et l'état de santé des époux ;
- leur qualification et leur situation professionnelles ;
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
- leurs droits existants et prévisibles ;
- leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu'il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l'époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa. »
Cependant, le législateur n’a pas donné de méthode de calcul permettant de la chiffrer. Aussi, différents praticiens ont mis en place des méthodes pour faciliter le calcul de la prestation compensatoire. Voici quelques méthodes proposées.
La méthode consistant en 1/3 de la différence de revenus annuels par ½ de la durée du mariage
Calcul sur les revenus avant impôts :
- Revenus bruts de Monsieur : 30 000 €
- Revenus bruts de Madame: 15 000 €
- Durée du mariage : 24 ans
La différence de revenus avant impôts est de 15 000 € (30 000 – 15 000)
1/3 de la différence de revenus : 5 000 € (15 000/ 3)
Si la durée du mariage est de 24 ans, alors ½ de la durée du mariage sera de 12 ans
Donc 1/3 de la différence par ½ de la durée du mariage
= (1/3 x 15 000) x (1/2 x 24) = 60 000 €.
La méthode proposée par Dominique MARTIN SAINT LEON, Conseiller à la Cour d'Appel de Chambéry, Magistrat délégué à la formation et Axel DEPONDT, Notaire
Cette méthode réside davantage sur une approche comptable qui repose sur plusieurs étapes :
- exprimer sous forme chiffrée les conditions de vie de chacun des époux,
- comparer les chiffres obtenus pour déterminer une unité de mesure de la disparité qui correspond à la moitié du différentiel pour le donner à l’époux créancier de la prestation compensatoire afin de rétablir la parité,
- exploiter cette unité de mesure grâce à un barème fondé sur des critères tels que l’âge du créancier, la durée du mariage.
Calcul sur les revenus avant impôts
1 – Détermination d’une unité de mesure mensuelle de la disparité
a – Déterminer les conditions de vie des époux
Revenus de Monsieur par mois : 2 500 €
Revenus de Madame par mois : 1 500 €
b - Mesurer l’écart entre les valeurs obtenues
Différence de revenus mensuels : 1 200 €
c - Unité de mesure = la moitié du différentiel (1.200/2= 600) de telle façon qu’en l’octroyant à la partie la moins favorisée, l’égalité absolue est obtenue
Madame : 1 300 + 600 = 1 900 €
Monsieur : 2 500 – 600 = 1 900 €
2 - Utilisation de cette unité de mesure au moyen d’un barème
Tableau : âge du créancier16 à 30 ans31 à 35 ans36 à 40 ans41 à 45 ans46 à 50 ans51 à 55 ans56 à 60 ans61 à 65 ans12345678Tableau : durée du mariage 0 à 4 ans5 à 9 ans10 à 14 ans15 à 19 ans20 à 24 ans25 à 29 ans36912151830 à 34 ans35 à 39 ans40 à 44 ans45 à 49 ans50 à 54 ans55 à 59 ans21242730333660 à 64 ans65 à 69 ans70 à 74 ans75 à 79 ans80 à 84 ans84 à 88 ans394245495051
Il est proposé une échelle selon laquelle chaque point équivaut à trois mois de compensation.
Mme, créancière de la prestation compensatoire a 48 ans = 5 points
Durée du mariage : 22 ans de mariage = 15 points
5 points + 15 points = 20 points x 3 = 60 x 600 = 36 000 €
La prestation sera de 36 000 €.
La méthode proposée par Me Stéphane DAVID, expert auprès des tribunaux
Cette méthode consiste à calculer séparément la prestation destinée à compenser la disparité en capital et celle relative à la disparité en revenus.
Les deux montants sont alors additionner pour parvenir au montant final de la prestation compensatoire.
La méthode Pilote PC
Cette méthode a été mise en place par un groupe paritaire de magistrats et d’avocats.
Elle consiste dans l’utilisation d’un logiciel mettant en exergue les critères légaux dans un tableur (revenus actuels, contribution ou charge d’enfants, revenus prévisibles ou potentiels du patrimoine, durée du mariage, âge du créancier, nombre d’années sans cotisation à un régime de retraite, santé, expérience professionnelle).
Nous retiendrons que malgré les nombreuses méthodes de calcul de prestations compensatoires proposées ci-dessus, il est impossible de dire si l’une est plus fiable que l’autre. Ainsi, on ne peut prévoir à l’avance le montant de la prestation compensatoire allouée à un ex-époux.
La Cour de Cassation s’est prononcée à plusieurs reprises sur ces différentes méthodes. En tout état de cause, actuellement, on sait que :
- ne doit être prise en compte que la durée du mariage ; durée du mariage qui se termine par le divorce devenu définitif et qui s’étend donc jusqu’à la procédure de divorce ;
- doivent être pris en compte tous les revenus, qu’ils soient de remplacement ou non ;
- doivent être pris en compte également les biens propres des époux (issus de donations ou d’héritages) ;
- doit être prise en compte la situation présente voire prévisible des époux excepté les héritages futurs éventuels.