Monsieur,
Deux textes fondamentaux sont à prendre en considération :
Le Code civil qui, dans ses articles 371-1 et suivants, pose, depuis 2002, le principe d’une autorité parentale conjointe (durant le mariage mais aussi hors mariage et souvent en cas de divorce), dispose :
" L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.
Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité.
Article 371-2
"Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l’enfant est majeur".
La Convention internationale des droits de l’enfant, qui, dans ses articles 3 et 5, pose que :
Article 3, Convention internationale des droits de l’enfant
« 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
2. Les États parties s’engagent à assurer à l’enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées.
3. Les États parties veillent à ce que le fonctionnement des institutions, services et établissements qui ont la charge des enfants et assurent leur protection soit conforme aux normes fixées par les autorités compétentes, particulièrement dans le domaine de la sécurité et de la santé et en ce qui concerne le nombre et la compétence de leur personnel ainsi que l’existence d’un contrôle approprié.
[…]. »
Article 5, Convention internationale des droits de l’enfant
« Les États parties respectent la responsabilité, le droit et le devoir qu’ont les parents ou, le cas échéant, les membres de la famille élargie ou de la communauté, comme prévu par la coutume locale, les tuteurs ou autres personnes légalement responsables de l’enfant, de donner à celui-ci, d’une manière qui corresponde au développement de ses capacités, l’orientation et les conseils appropriés à l’exercice des droits que lui reconnaît la présente Convention. »
Il en résulte que chacun des parents peut légalement obtenir l’inscription ou la radiation d’une école d’un enfant mineur, sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur cet enfant et qu’aucun élément ne permet à l’administration de mettre en doute l’accord réputé acquis de l’autre parent. Dès lors :
En cas d’autorité conjointe, une décision de changement d’école ou de redoublement n’a pas à être signifiée aux deux parents, un seul suffit. Selon le juge, « chacun des parents peut légalement obtenir l’inscription ou la radiation d’une école d’un enfant mineur, sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur cet enfant et qu’aucun élément ne permet à l’administration de mettre en doute l’accord réputé acquis de l’autre parent ». Dès lors, en cas d’autorité conjointe, une décision de changement d’école ou de redoublement n’a pas à être signifiée aux deux parents : un seul suffit (article 372-2 du Code civil ; CAA Paris, 2 octobre 2007, M. X, nº 05PA04019)… C’est ce point qui a été confirmé par le Conseil d’Etat dans un arrêt important n°392949 du 13 avril 2018, l’inscription scolaire étant un acte usuel de l’autorité parentale.
« l’administration appelée à prendre, à la demande d’un des parents exerçant en commun l’autorité parentale avec l’autre parent, une décision à l’égard d’un enfant, doit apprécier si, eu égard à la nature de la demande et compte tenu de l’ensemble des circonstances dont elle a connaissance, cette demande peut être regardée comme relevant d’un acte usuel de l’autorité parentale ; que, dans l’affirmative, l’administration doit être regardée comme régulièrement saisie de la demande, alors même qu’elle ne se serait pas assurée que le parent qui la formule dispose de l’accord exprès de l’autre parent ; »
Sauf cas particuliers, l’inscription doit être faite « soit dans la commune où ses parents ont une résidence, soit dans celle du domicile de la personne qui en a la garde » (CE, 27 janvier 1988, Ministère de l’Éducation nationale c/ Monsieur Giraud, req. nº 64076, rec. 39 ; articles L.131-2 et L.131-5 du Code de l’éducation). Il en résulte que l’enfant est inscrit dans la commune où ses parents ont une résidence, ou à défaut, c’est-à-dire notamment si la résidence des deux parents n’est pas au même endroit, l’inscription aura lieu dans la commune du domicile de la personne qui a la garde de l’enfant (CAA Lyon, 28 février 2013, n° 12LY01224 : en l’absence d’accord entre les parents divorcés, l’administration peut radier un enfant de l’école qu’il a jusqu’alors fréquentée et l’inscrire dans l’école de la commune de résidence de la mère chez laquelle il réside).
Conseils pratiques :
il faut donc, en cas de litige, demander — si les parents acceptent volontairement d’en remettre un extrait — un extrait du jugement de
divorce ou tout document prouvant que le parent qui demande l’inscription a bien la garde de l’enfant. La lecture de ce document suffit normalement à répondre à 90 % des difficultés.
À la lecture du jugement de divorce, il importe de bien distinguer entre l’autorité conjointe qui est une question de pouvoir et la résidence alternée et la pension alimentaire qui relèvent plus du lieu de vie, du mode de vie et des conditions de vie. Il importe notamment de distinguer entre la pension alimentaire (destinée au paiement de frais pour l’enfant) et la prestation compensatoire (destinée à l’ex-conjoint en propre).
Si les deux parents ont conjointement l’autorité sur l’enfant, n’importe lequel peut inscrire l’enfant à l’école ; en cas de litige (double inscription dans deux communes différentes par les deux parents séparément), il faut les renvoyer à une nécessaire conciliation ou à une saisine du juge aux affaires familiales, ou JAF (quitte à opérer une inscription à titre provisoire au moins pour celle des communes où l’enfant était déjà antérieurement inscrit, surtout en cas de fratrie). À ce stade, il peut être utile de rappeler qu’en principe, on ne change pas d’établissement un enfant en cours de cycle (article L.212-8 dernier alinéa du Code de l’éducation).
Si les deux parents n’ont pas l’autorité conjointe, alors celui qui a l’autorité conjointe sera celui compétent pour inscrire l’enfant.
Ce point est à dissocier des questions sur les paiements des droits divers, d’une part, et sur l’information des deux parents quant aux résultats scolaires de leurs enfants en cas de séparation ou de divorce (sur ce point voir l’article L.111-4 du Code de l’éducation et la Circulaire nº 2006-137 du 25 août 2006 relative au rôle et à la place des parents à l’école ; Lettre du 13 octobre 1999 sur la transmission des résultats scolaires aux familles – BOEN n° 38 du 28 octobre 1999).
N.B. : cette inscription est-elle possible en cas de demande d’un des parents mais de refus de l’autre ? Ou serait-ce un cas d’illégalité ainsi que de responsabilité comme l’avait posé un tribunal administratif (TA Nice, 30 décembre 2016, M. B, n° 1502131). Avec les formulations de l’arrêt n°392949 du CE, en date du 13 avril 2018, la question s’avère un brin incertaine.
C’est dans ce cadre que la CAA de Marseille vient de rendre une décision intéressante.
Un jugement du JAF fixait la résidence de l’enfant chez son père. Ce dernier inscrit donc cet enfant dans une école de sa commune de résidence.
Tant la radiation dans l’école d’origine que l’inscription dans l’école de résidence ont été attaquées par la mère de l’enfant.
Or, le tribunal administratif avait annulé ces deux décisions au motif que la mère de l’enfant ayant fait part de son désaccord, l’administration avait méconnu l’article 372-2 du code civil.
Cette position du TA a été censurée par la CAA de Marseille.
Après avoir rappelé les dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation selon lesquelles les personnes responsables d’un enfant soumis à l’obligation scolaire doivent l’inscrire dans un établissement d’enseignement, la CAA a souligné qu’il résulte des dispositions de l’article 372-2 du code civil que chacun des parents pouvait effectuer des actes usuels à l’égard d’un enfant, sans qu’il lui soit besoin d’établir qu’il dispose de l’accord exprès de l’autre parent, dès lors qu’il justifie exercer, conjointement ou exclusivement, l’autorité parentale sur cet enfant, et qu’aucun élément ne permettait à l’administration de mettre en doute l’accord réputé acquis de l’autre parent.
La cour a estimé que le jugement du juge aux affaires familiales, confirmé en appel, en ce qu’il fixait la résidence de l’enfant chez son père (hors vacances, week-ends, etc.), « impliquait implicitement mais nécessairement sa scolarisation à proximité de celle-ci ». Il s’ensuivait que, pour reprendre le résumé de la lettre d’information juridique du Ministère de l’éducation nationale (voir ici), reprenant elle-même les formulations de la Cour :
« l’administration, à laquelle il incombait d’assurer l’inscription de cet enfant dans une école, n’avait commis ni erreur de droit ni erreur d’appréciation, notamment au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, en procédant, à la demande du père et malgré le désaccord de la mère, à la radiation de l’enfant de son école et à son inscription dans une école située dans la commune de résidence de son père. » (CAA de MARSEILLE, 6ème chambre, 27/09/2021, 21MA00570, Inédit au recueil Lebon).
Cette solution mériterait d’être confirmée par le Conseil d’Etat dans le cas où l’opposition de l’autre parent serait manifeste, d’une part, et où ce parent qui n’aurait pas la garde de l’enfant aurait conservé l’autorité parentale, d’autre part.
En effet, en pareil cas, car la comptabilité entre cette solution de la CAA de Marseille et le point 4 de l’arrêt 392949, précité, de la Haute Assemblée, pourrait donner lieu à débats. Rappelons ce point :
« 4. […] dans l’hypothèse où l’administration ferait droit, pour un enfant, à une demande émanant d’un parent qu’elle ne pourrait, en vertu de la règle rappelée au point 3 ci-dessus, regarder comme réputé agir avec l’accord de l’autre parent, l’illégalité qui entacherait, par suite, sa décision, ne serait susceptible d’engager sa responsabilité qu’à raison de la part imputable à sa faute dans la survenance du préjudice.
Si la question est résolue, merci de l'indiquer