Les fondements juridiques
Deux fondements juridiques existent pour permettre à un époux de demander des dommages-intérêts pour son conjoint. Le choix de ce fondement est déterminé par l’origine du préjudice : soit il est la conséquence de la dissolution du mariage, soit il en est indépendant et dépend du comportement de l'ex-conjoint.
Si le préjudice découle de la dissolution du mariage (article 266 du Code civil)
Cette procédure est valable dans deux types de divorce.
Dans un divorce pour faute, une demande de dommages-intérêts est possible pour l’époux innocent. Le divorce doit avoir été prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. Si le divorce est prononcé aux torts partagés, la demande est impossible.
Dans un divorce pour altération définitive du lien conjugal, la demande de dommages-intérêt est réservée à l’époux qui ne souhaitait pas le divorce et qui n’en a pas fait la demande. Même si le divorce est prononcé à ses torts exclusifs, son droit subsiste.
La demande de dommages-intérêt ne peut être demandée qu’à l’occasion de l’action en divorce. Ils sont versés sous forme de capital ou de rente.
Le juge va ensuite prendre en compte la nature du préjudice qui doit être une conséquence d’une « particulière gravité ». Le critère de « particulière gravité » est laissé à l’appréciation du juge et doit constituer un caractère exceptionnel voire choquant.
Préjudice moral
Pour la revendication d’un préjudice moral, l'époux victime doit prouver que la dissolution du mariage a entrainé une conséquence pathologique grave. On peut imaginer par exemple un époux innocent (dans le cadre d’un divorce pour faute) victime d’une grave dépression suite à la fin de son mariage.
Un époux a ainsi été condamné à payer 3049 euros de dommages-intérêts à son ex-conjointe, parce qu'il avait mis fin à son mariage pour aller vivre avce une maitresse après vingt-huit dans de vie commune. (CA Rouen, 3ème chambre, 29 janvier 1998)
Une épouse s'est également vue attribuer 1500 euros de dommages-intérêts, après avoir été délaissée par son mari avec trois enfants à charge et de faibles revenus. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 avril 2006)
Préjudice économique
Le préjudice peut être aussi économique, quand il ne peut pas être réparé par l’allocation d’une prestation compensatoire. La prestation compensatoire répare une disparité de niveau de vie entre les époux entrainée par le divorce. Il peut arriver qu’il n’existe aucune disparité de niveau de vie entre les époux (donc pas la nécessité d’une prestation compensatoire) mais qu’un préjudice grave survienne.
Des dommages-intérêt ont par exemple été alloués après qu'un des époux ait perdu son emploi dans l’entreprise familiale suite au divorce ou ai été obligée de s’installer chez ses enfants après le divorce, ou encore ai dû faire face à des créanciers seul alors que son ex-conjoint été devenu insolvable.
Une épouse a ainsi dû payer 2000 euros de dommages-intérêts à son mari, après avoir quitté le domicile conjugal et lui avoir laissé à charge deux enfants, dont l'un avec des troubles de la personnalité. Cette situation avait de plus nui à sa carrière, l'obligeant à privilégier sa famille au détriment de ses choix professionnels. (Cour de cassation, 1ère chambre civile, 12 septembre 2012)
Bon à savoir
Contrairement à la prestation compensatoire, les dommages-intérêts sont fixés indépendamment des ressources des époux. Le juge les fixe en fonction du préjudice subi.
Si le préjudice ne découle pas de la dissolution du mariage (article 1382 du Code civil)
La demande de dommages-intérêts est aussi possible si le préjudice n’est pas une conséquence de la dissolution du mariage, mais qui vient du comportement du conjoint. Il peut s’agir de violences, d’injures, de diffamation ou encore d’un détournement de biens de la communauté.
Il s’agit alors de la procédure classique d’une demande en réparation d’un préjudice délictuelle. L’époux doit prouver la faute commise par son conjoint et que son préjudice découle directement de cette faute.
Sur ce fondement, une demande de dommages-intérêts peut être demandée dans toutes les procédures de divorce et à n’importe quel moment de la procédure, voire après le prononcé du divorce.
Le juge peut également choisir d'accorder des dommages-intérêts sur les deux fondements juridiques. Ainsi, une épouse a pu se voir attribuer 2500 euros de dommage-intérêts pour son préjudice qui découlait de l'adultère de son mari et de son départ du domicile conjugal, alors que le plus jeune de leurs enfants était encore à charge et que le ménage était très endetté. (CA Paris, 21 mai 2008)
A noter
L'invocation de la responsabilité prévue à l'article 1382, sous réserve d'en remplir les conditions, représente le seul moyen d'obtenir réparation au cours ou à la suite d’un divorce par consentement mutuel judiciaire ou d'un divorce accepté. Dans ces divorces, le juge ne peut en effet pas attribuer de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 266.
A retenir
- La demande de dommages-intérêts dépend de la provenance du préjudice : soit il est une conséquence directe de la fin du mariage, soit il découle du comportement du conjoint, avant, pendant ou après le divorce.
- Pour un préjudice venant de la dissolution du mariage, l'attribution de dommages-intérêts ne peut être faite que dans un divorce pour faute, ou un divorce pour alternation définitive du lien conjugal.
- Le préjudice doit être particulièrement grave, et s'il est économique, ne pas être réparable par la prestation compensatoire.
- Si le préjudice provient du comportement de l'ex-conjoint, il s'agit de la procédure classique du préjudice délictuelle : l'époux lésé doit prouvé la faute qui a été commise et que cette faute a entrainé directement le préjudice.