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Cass. 1e civ. 28-5-2014 n° 13-15.760 (n° 617 F-PBI)
Les juges ne peuvent ordonner l'attribution forcée de biens qu'à titre subsidiaire, c'est-à-dire après avoir constaté que le versement d'une somme d'argent et la constitution de garanties sont insuffisants pour garantir le versement de la prestation compensatoire.
La prestation compensatoire en capital peut s'exécuter par l'« attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier. » (C. civ. art. 274, 2°).
Pour la Cour de cassation, l'atteinte au droit de propriété qui en résulte ne peut être considérée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital (réserve d'interprétation issue de Cons. const. 13-7-2011 n° 2011-151 QPC).
En conséquence, une telle attribution forcée ne saurait être ordonnée que si le versement d'une somme d'argent et, le cas échéant, le prononcé du divorce subordonné à la constitution de garanties (C. civ. art. 274, 1°) n'apparaissent pas suffisants pour garantir le versement de cette prestation.
En l'espèce, les Hauts Magistrats censurent l'arrêt qui a imposé à un époux d'abandonner sa part dans l'appartement commun sans constater que les modalités sus-visées n'étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation.
Remarques
C'est la première fois que la Cour de cassation met en oeuvre la restriction imposée par le Conseil constitutionnel dans le choix des modalités de paiement des prestations compensatoires en capital.
Pour s'assurer du respect de la subsidiarité de l'attribution forcée d'un bien, elle contrôle la motivation des juges du fond, ceux-ci devant justifier en quoi le versement d'une somme d'argent avec le cas échéant la constitution de garanties serait insuffisant pour garantir le paiement de la prestation.
Extrait de l'Arrêt
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce des époux F./B. et ordonné la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ;
Sur le premier moyen :
Attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour condamner l'époux au paiement d'une prestation compensatoire d'un certain montant, l'arrêt retient que ?M. F. ne fait état d'aucun problème de santé? ;
Qu'en statuant ainsi, alors que celui-ci faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'il était en train de perdre la vue de l'oeil gauche et qu'à la suite de ces ennuis, il avait dû suivre une psychothérapie hebdomadaire assortie d'un traitement médicamenteux, afin de remédier à divers troubles, notamment de la mémoire, de l'attention et de la concentration, dont certains étaient dramatiques pour un entrepreneur, la cour d'appel a, en dénaturant les termes clairs et précis de ces conclusions, violé le textes susvisé ;
Et sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 274 du code civil ;
Vu la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, aux termes de laquelle l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274 du code civil ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital de sorte qu'elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ;
Attendu que, pour imposer à M. F. le règlement de la prestation compensatoire par l'abandon de la part dont il était titulaire dans l'appartement commun, l'arrêt énonce que la disparité constatée dans les conditions de vie des époux au détriment de l'épouse sera compensée par l'octroi d'une prestation compensatoire évaluée à la somme de 82 500 euros sous la forme de l'attribution en pleine propriété de l'immeuble commun ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que les modalités prévues au 1° de l'article 274 du code civil n'étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Par ces motifs :
Casse et annule, mais seulement en ce qu'il a condamné M. F. à verser à Mme B. une prestation compensatoire de 82 500 euros sous la forme de l'attribution à l'épouse en pleine propriété par abandon de la part de M. F. de l'appartement commun des époux sis 26 rue C. à M., l'arrêt rendu le 5 février 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme B. aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quatorze.
Source : Editions Francis Lefebvre
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